Le Canadien français et son double, de Jean Bouthillette, est un des rares vrais chefs-d’œuvre de notre littérature politique.
Dans une langue méditative et poétique, l’auteur a cherché à comprendre la psychologie collective des Canadiens français alors qu’ils devenaient Québécois.
Histoire
Mais le livre, paru en 1972 aux éditions de l’Hexagone, était devenu introuvable, sauf chez certains bouquinistes. On remerciera les éditions du Boréal pour cette réédition.
Dans son ouvrage, Bouthillette cherche à comprendre ce qu’on appellerait aujourd’hui le malaise identitaire de notre peuple. Depuis la Conquête anglaise, il a été victime d’une forme de dépersonnalisation collective en intégrant le regard méprisant du conquérant sur lui-même. La confédération de 1867. Elle nous reconnaît des droits comme individus, mais pas comme peuple.
Conséquence : les Québécois, au fond d’eux-mêmes, doutent de leur droit d’exister et sont hantés par ce que Bouthillette appelait la tentation de la mort. Hubert Aquin parlait quant à lui de la fatigue culturelle des Québécois. Il s’agit d’un peuple inachevé.
Les esprits moqueurs, aujourd’hui, se demanderont en quoi cela nous concerne. Nous qui nous croyons délivrés de l’histoire, nous ne voyons pas comment elle peut encore peser sur nous.
Car le portrait tracé par Bouthillette semble plus vrai que jamais. Les Québécois ne savent plus comment se nommer et se contentent désormais de la timide identité de « francophones ».
Ils rêvent de se dissoudre dans l’anglais au nom de la modernité.
À l’heure de la mondialisation, cette tentation est plus forte que jamais.
Au moment de publier son livre, Bouthillette croyait le peuple québécois au seuil d’une formidable renaissance.
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Il écrivait notamment : « Un peuple s’affirme souverain dans le concert des peuples de la terre, ou il disparaît ». Mais l’indépendance a échoué, et aujourd’hui, nous sommes de nouveau tentés de disparaître sans faire de bruit.
Il faut lire Bouthillette pour comprendre cette tentation et la rejeter.