Le président américain, Barack Obama, est un charmeur. Pas une personne n'a pu lui serrer la pince, hier, sans se voir gratifier de quelques mots et d'un sourire à faire craquer la lune. Stephen Harper n'y a pas échappé. En plus, le président a eu le tact de l'inviter à se joindre à lui pour saluer la foule qui attendait, le faisant profiter un peu de sa popularité.
Une visite de travail d'une journée ne peut suffire à juger de l'existence d'atomes crochus entre les deux hommes. Leurs entourages voudront donner l'impression que leur relation a démarré du bon pied puisque leur tête-à-tête a duré plus de 30 minutes. Il ne devait, semble-t-il, durer que 10 minutes.
Le fait qu'ils soient ressortis de leur entretien tout contents démontre surtout les vertus du professionnalisme. Barack Obama aurait pu être plus froid, lui qui a vu la primaire de l'Ohio lui échapper à la suite d'une fuite d'une note canadienne affirmant que sa promesse de revoir l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) n'était pas sérieuse. Il aurait pu aussi être moins chaleureux envers un premier ministre canadien qui ne cachait pas ses affinités avec le président sortant, George W. Bush, et tout ce qui émanait des républicains.
Mais il est arrivé souriant, préparé et déterminé à faire de cette visite un succès. Stephen Harper espérait la même chose. Ils ne seront pas nécessairement sortis de leur rencontre bras dessus bras dessous. Après tout, on ne leur demande pas d'être copains, mais de s'entendre. Et s'entendre, ils l'ont fait et le feront encore. Parce que c'est dans leur intérêt personnel et dans l'intérêt mutuel de leurs pays. Et les intérêts, c'est ce qui dicte les relations internationales et économiques.
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Dans les jours précédant la rencontre, Obama a multiplié les signaux pour ménager les susceptibilités canadiennes tout en offrant certaines portes de sortie au premier ministre. En entrevue à la CBC, il a mis un bémol à son projet de renégocier certains volets de l'ALENA, a évité de qualifier les sables bitumineux de «pétrole sale» et n'a pas coincé le Canada en souhaitant la prolongation de la mission afghane. Il n'a pas dévié de cette trajectoire hier.
Cela ne veut pas dire qu'il n'avait pas d'attentes. Coopération économique, partenariat nord-américain sur l'énergie et l'environnement, sécurité mondiale, a énuméré son conseiller Denis McDonough à la veille de la rencontre. Plus significatif, toutefois, était l'importance de ce voyage pour la stratégie d'ensemble du gouvernement américain en matière de politique étrangère, une politique qui, sous Obama, mise sur la coopération et le dialogue. «Il est d'une importance vitale pour les États-Unis de revitaliser leurs alliances, de chercher des occasions d'utiliser ces alliances pour faire avancer nos buts et intérêts communs», a souligné M. McDonough.
Barack Obama l'a rappelé hier en conférence de presse. «J'ai dit que les États-Unis étaient à nouveau prêts à assumer un leadership, mais un leadership fort dépend d'alliances solides. Et des alliances solides reposent sur un renouveau constant. Même les voisins les plus proches doivent faire l'effort de s'écouter, de garder ouvertes les lignes de communication et de structurer leur coopération ici et à l'étranger. C'est ce que nous avons commencé à faire aujourd'hui.»
Le président avait besoin que son premier voyage à l'étranger soit un succès afin de lui permettre de démontrer son sérieux au reste de la communauté internationale. La tradition veut que le Canada, le principal partenaire économique des États-Unis, soit le premier arrêt d'un nouveau président, mais cela avait aussi son avantage. La destination était peu périlleuse et en même temps offrait l'occasion à M. Obama de prouver sa volonté d'avoir de bons rapports avec ses homologues, peu importe leur couleur politique.
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Ce n'est pas par altruisme qu'il a été bon joueur, ni parce qu'il voulait se faire un nouvel ami. Il l'a fait parce que cela sert son pays et sa vision de la politique étrangère. Et fort heureusement pour Stephen Harper, cela l'a aussi servi.
M. Harper a une image à refaire, surtout en matière d'environnement et de politique étrangère, et partager les projecteurs avec le politicien le plus populaire de l'heure, même au Canada, ne pouvait lui faire de mal. Le premier ministre avait besoin d'un parcours sans faute en plus de sortir de la rencontre avec quelques résultats, aussi modestes soient-ils, et qui coïncideraient au moins en partie avec ses politiques. En apparence, il les a obtenus. Il n'a pas eu de demande pour prolonger la mission afghane, a été en partie rassuré sur les menaces protectionnistes et a convenu d'un «dialogue sur l'énergie propre» qui n'est pas trop compromettant.
Le chef conservateur peut donc dire qu'il a passé le premier test. Avec, il faut le dire, la coopération du président. Cependant, la vraie épreuve pour lui et son gouvernement viendra plus tard, quand, au-delà des généralités, il faudra approfondir ces dossiers et s'entendre sur les détails.
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mcornellier@ledevoir.com
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