Oubliez la crise financière ou la nécessité d'élire un gouvernement fort pour braver la tempête, Jean Charest a donné hier la vraie raison du déclenchement des élections hâtives: il en a marre du gouvernement minoritaire.
Si les manoeuvres de Jean Charest entourant le déclenchement des élections sont quelque peu tortueuses, on ne pourra pas l'accuser de ne pas être transparent quant au résultat recherché: une majorité, point.
Voilà toute une différence avec la dernière campagne fédérale, au cours de laquelle Stephen Harper a lui-même réclamé une autre minorité, question de ne pas effrayer l'électorat.
Jean Charest joue gros en déclenchant des élections à ce moment-ci et, visiblement, il a décidé de jouer l'audace. D'abord en réclamant une majorité, puis, en s'appropriant le OUI identifié aux souverainistes.
Après avoir vanté les mérites de la cohabitation il y a quelques mois à peine, après avoir répété qu'il n'y aurait pas d'élections en 2008, et pas même en 2009, il repasse allègrement sur sa peinture en rejetant la formule des gouvernements minoritaires, gage d'instabilité, dit-il maintenant.
Pour Jean Charest, ces élections ne sont donc pas tant un référendum sur les équipes économiques des différents partis, comme on l'a beaucoup dit depuis plusieurs jours, qu'un référendum sur l'existence même des gouvernements minoritaires.
Le seul enjeu qui se dessine pour le moment, en effet, est de savoir si les Québécois donneront les clés de la maison à Jean Charest pour quatre ans ou s'ils le puniront d'avoir déclenché cette nouvelle campagne.
Mario Dumont et Pauline Marois, pris de court par l'audace (ou la témérité, c'est selon) de Jean Charest, ont bien raison de dénoncer la forte dose de cynisme épiçant l'exercice.
Si les contradictions avaient une quelconque valeur nutritive, Jean Charest aurait effectivement pris quelques kilos hier matin.
D'abord, la main sur le coeur et le ton populo, il a lancé: «J'peux-tu vous dire que j'ai compris le message de 2007!» pour, toutefois, s'empresser d'enfoncer dans la gorge des Québécois d'autres élections dont ils ne veulent pas.
Autre contradiction grossière, M. Charest répète que l'économie est la priorité absolue, mais, excusez-le, la priorité devra attendre janvier, le temps que l'on fasse cette campagne, que l'on forme un nouveau cabinet et que l'on reprenne le boulot à l'Assemblée nationale.
Sans compter qu'un autre parti pourrait prendre le pouvoir, minoritaire selon toute vraisemblance, ce qui ne serait pas non plus un gage de stabilité en temps de crise.
Et même si les libéraux devaient garder le pouvoir, mais minoritaires, on voit mal comment Jean Charest pourrait continuer de gouverner, lui qui vient de rejeter sans appel le principe même d'un gouvernement minoritaire.
Mais, bon, Jean Charest ne sera pas le premier chef de parti politique à revenir sur ses déclarations, à surfer sur les vagues positives des sondages et à s'enfarger dans ses contradictions.
Les deux chefs des partis de l'opposition ne s'y sont pas trompés: c'est l'opportunisme des libéraux et non la crise financière qui pousse Jean Charest à repartir si rapidement en campagne.
Les députés et les candidats qui ont assisté, mardi soir à Québec, à un caucus élargi, ont été impressionnés par la détermination de leur chef. «Il est prêt, son plan et son message sont précis. Il sait qu'il y a un risque, il sait dans quoi il s'embarque, mais il est tout à fait serein et il est en grande forme», explique une source libérale.
Au cours des prochains jours, le plus grand défi de Jean Charest sera de dissiper, dans la mesure du possible, la rancoeur de l'électorat qui lui reproche presque unanimement de le traîner dans cette nouvelle campagne. Jean Charest ne peut laisser Mme Marois et M. Dumont marteler l'image d'un premier ministre arrogant qui se fiche éperdument de la volonté de ses concitoyens.
Généralement, en campagne électorale, les raisons du déclenchement se perdent dans les gaz d'échappement des bus de campagne dès les premières heures, mais à force de multiplier les élections, on joue avec la patience des électeurs.
En bref, Jean Charest doit éviter de reproduire l'erreur de Stephen Harper, qui nous a amenés en campagne lui aussi à cause de l'urgence économique, mais à qui il a fallu un mois avant de daigner déposer un plan devant les Canadiens.
C'est précisément ce que M. Charest tentera de faire dès aujourd'hui devant les chambres de commerce de Québec et de Montréal.
De côté des partis de l'opposition, deux questions s'imposent: Mario Dumont peut-il remonter, refaire le coup de 2007? Rappelons tout de même que l'ADQ était à 19% dans les intentions de vote quelques jours avant le déclenchement de la campagne de 2007. Il avait fini à 31% avec 41 députés. Cette fois, CROP place l'ADQ à 17%, la différence, toutefois, étant que l'ADQ n'a pas le vent dans le dos, contrairement à 2007.
L'autre question: comment se comportera Pauline Marois sous pression, elle qui dirige sa première campagne électorale?
Au départ, Mario Dumont souffre du manque de crédibilité et de notoriété de son équipe, surtout si, comme le souhaite Jean Charest, cette campagne tourne autour de l'économie. La question qui tue: qui est le ministre des Finances de l'ADQ? Poser la question, c'est chercher, en vain, une réponse.
Si on en juge par sa rapidité, hier, à sortir les clips, il semble que Mario Dumont soit en forme. Mais les clips, l'ADQ l'a bien vu depuis 20 mois, ça ne suffit pas.
Quant à Pauline Marois, c'est la carte mystère de cette campagne.
La dame est expérimentée, mais elle traîne aussi un bagage. Et un bagage, c'est parfois lourd.
Chaque fois qu'elle critiquera les politiques du gouvernement Charest, celui-ci parlera de la Gaspésia, des réformes en éducation et en santé et du trou budgétaire laissé par le gouvernement péquiste en 2003.
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