En 1997, je venais de terminer mes études. Fraichement diplômé de mon Baccalauréat en criminologie et d’un certificat en droit, j’ai accepté un poste de T.P.O. (temps partiel occasionnel) dans un centre jeunesse de Québec. Devant moi, des adolescents vivant dans des unités d’accueil où le roulement de pensionnaires et surtout d’employés se succédait d’un quart de travail à l’autre sans aucune stabilité. Je ressentais déjà, à cette époque, un malaise d’œuvrer au sein d’une organisation aussi lourde et bureaucratisée. Quand je créais un bon lien avec un jeune et que ce dernier commençait à avoir confiance en moi, malheur... on me transférait dans une autre unité et tout le travail était à refaire; tant pour moi que pour l’adolescent, ainsi que pour le nouvel éducateur désigné.
Plus ça change, plus c’est pareil
Le spécialiste de la protection de la jeunesse, André Lebon, a confirmé cette année que rien n’avait changé depuis 1997; j’en suis attristé. Un adolescent qui passe 6 mois dans un centre d’hébergement pourra rencontrer 150 intervenants différents. L’animateur radio Paul Arcand a produit en 2005 un documentaire : « Les voleurs d’enfance ». Il sonnait l’alarme sur l’état de situation à la DPJ.
Le personnel des centres jeunesse manque de suivi clinique, de formation, d’encadrement. Le taux d’absentéisme est faramineux. Les travailleurs se déclarent plus souvent malades que dans n’importe quel autre organisme public.
Cas pathétiques
Encore cette semaine, on apprenait que la DPJ Centre-du-Québec avait littéralement laissé des enfants vivre dans une famille « toxique » et ce pendant 8 ans. Des ratés comme cela, ce n’est, hélas, qu’une pointe de l’iceberg.
À chaque fois que j’interviens à la radio sur ce sujet, je reçois des tonnes de courriels et messages sur les réseaux sociaux de la part de parents affirmant être victimes d’abus de pouvoir et de manque de discernement de la DPJ. J’ai pris le temps de rencontrer certains d’entre eux dernièrement et bien que je ne puisse me prononcer hors de tout doute sur le bien-fondé ou non de leurs récriminations, il y a là matière à réflexion.
Qu’attend le politique ?
En 1991, le ministre de la Santé, Marc-Yvan Côté, a mandaté un comité de travail pour se pencher sur les différentes problématiques que vivent les jeunes Québécois. Ce comité, présidé par le psychologue Camil Bouchard (devenu député de 2003 à 2010) a remis son rapport, intitulé « Un Québec fou de ses enfants ». On avait l’impression à cette époque que le Québec se préoccupait du sort réservé aux jeunes. Vingt-cinq ans plus tard, on constate que le modèle québécois en matière de protection de la jeunesse s’est embourgeoisé. Malgré les 1,3 milliard que nous y investissons, le système connait de nombreuses ratées. Nous échappons beaucoup de jeunes à cause de ce système.
Serait-ce trop demander aux politiciens de se pencher sérieusement sur l’état de situation et le fonctionnement de la DPJ ? Pourquoi pas un groupe de travail formé d’élus de tous les partis ayant pour mandat d’évaluer en profondeur nos façons de faire et d’y proposer les correctifs ? La question de la protection de la jeunesse ne devrait pas être un enjeu partisan, c’est un devoir collectif de mettre à l’abri les plus vulnérables de notre société. Le système actuel fait de bonnes choses, mais aussi de très mauvaises. Il est nécessaire d’ouvrir la boite à surprise, autrement j’en conclurai que le Québec se fout de ses enfants.
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