Projet de loi 14

Un projet qui mine l'avenir de l'industrie

Devant l’incertitude de droits créée par le projet de loi 14, les sociétés d’exploration pourraient choisir de délaisser le Québec.

Loi sur les mines - Projet de loi 14



Le 18 août dernier, l'Institut de la statistique du Québec annonçait que l'Abitibi-Témiscamingue a été, de toutes les régions du Québec, la championne de la croissance économique pour le quinquennat 2006-2010: son taux de croissance annuel a été plus du double de celui du Québec dans son ensemble. Cette performance est due essentiellement à la vitalité de l'industrie minière et à ses effets d'entraînement.
Cela se manifeste aussi dans toutes les régions du Québec, principalement à Montréal et à Québec. On ne saurait sous-estimer la contribution de l'industrie minière à la traversée et la sortie de la dernière récession par l'économie québécoise — l'investissement minier a représenté plus de 10 % de l'investissement privé non résidentiel au Québec en 2010.
Pourtant, si le gouvernement du Québec voulait étouffer l'industrie minière québécoise à terme, il ferait exactement ce qu'il est en train de faire. Après avoir haussé les droits miniers pour faire du Québec la juridiction la plus onéreuse des quatre plus grandes juridictions minières canadiennes, voilà qu'avec le projet de loi 14 il s'apprête à abdiquer ses responsabilités en matière d'exploration et de développement minier au profit des administrations locales.
La présence de gisements dignes d'intérêt à l'intérieur ou à proximité des périmètres urbains dans les régions minières du Québec n'est ni marginale, ni accidentelle. Pour des raisons évidentes, les villes minières se sont établies précisément là où les ressources ont été découvertes: Rouyn-Noranda, Val-d'Or, Malartic, Fermont, Chibougamau et bien d'autres ont été construites tout près des gisements auxquels elles doivent leur existence [...]. Pourtant, le projet de loi 14 (art. 91):

- propose l'interdiction de principe de toute activité minière dans les périmètres urbanisés et les zones de villégiature, y compris les municipalités qui doivent leur existence même à l'activité minière;
- fait de cette interdiction une mesure rétroactive, couvrant même les titres miniers actifs et les activités d'exploration en cours, et ce, sans compensation de l'État qui propose cette mesure;
- donne aux administrations locales le pouvoir discrétionnaire de faire exception à cette interdiction;
- donne aux administrations locales le pouvoir d'intervenir de façon rétroactive sur des projets en cours en étendant leurs limites pour y intégrer lesdits travaux et ainsi les assujettir à leur pouvoir discrétionnaire.

Les responsabilités de Québec
L'intention du gouvernement est légitime: «Éviter les conflits [des projets miniers] avec d'autres utilisations du territoire», comme l'évoque le projet de loi. Certes, les administrations locales et les citoyens doivent avoir les moyens d'intervenir efficacement dans les grands arbitrages qui les concernent directement. Mais il n'est ni utile ni souhaitable que le gouvernement du Québec abdique pour ce faire ses responsabilités. [...]
Les ressources minérales appartiennent à tous les Québécois. On le répète à l'envi dès lors qu'il est question de redevances minières. Mais pourquoi le gouvernement veut-il aujourd'hui subordonner à des arbitrages et intérêts locaux la gestion du patrimoine collectif de tous les Québécois?
Sous prétexte d'éviter les conflits d'utilisation, en créant l'interdiction de principe des activités minières, le législateur se propose de subordonner celles-ci à toutes les autres utilisations du territoire municipalisé. Il crée en outre des couches additionnelles de bureaucratie. Et avec le projet de loi 14, dans la partie sud du Québec, l'industrie minière devra dans le meilleur des cas se démêler parmi des centaines de régimes municipaux différents, imprévisibles, aux motivations les plus diverses, et ce, sans tenir compte des intérêts de l'ensemble des Québécois. [...]
Ajoutons à cela que la capacité d'intervenir rétroactivement compromet le régime de propriété même. Des titres miniers exposés à la discrétion d'autorités multiples sont des titres dont la propriété est incertaine. [...] Qui voudrait acheter à la campagne un terrain susceptible d'être «municipalisé» sans compensation dès l'extension des limites d'une municipalité voisine? Qui voudrait investir dans un projet d'exploration minière dans un canton quelconque si la municipalité peut créer une zone de villégiature et y empêcher toute activité minière ou, ce qui revient au même, exiger des conditions déraisonnables?
Il est indéniable que les communautés potentiellement touchées par des projets d'exploration ou de production minière doivent avoir voix au chapitre. Leurs intérêts doivent être pris en compte et les arbitrages entre divers usages du territoire sont nécessaires. Il faut consulter et écouter les citoyens ainsi que leurs élus locaux et régionaux, mais il faut le faire dans le cadre d'un régime juridique québécois harmonisé et prévisible. Le BAPE a été créé précisément pour cette raison.
Ironiquement, le gouvernement prétend que le projet de loi 14 aura pour effet de «stimuler les travaux d'exploration» au Québec. Rien n'est plus loin de la vérité. Aucun incitatif fiscal ne peut compenser un affaiblissement important du droit de propriété. Devant l'incertitude de droits créée par le projet de loi 14, il ne faudra pas s'étonner que les sociétés d'exploration se dirigent ailleurs et délaissent le Québec.
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Robert Wares - Vice-président directeur, exploration et développement des ressources pour la Corporation minière Osisko et administrateur et président de l'Ordre des géologues du Québec


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