Madrid – Tranchant avec le soulagement manifesté à Bruxelles après l’accord conclu à l’arraché entre Athènes et ses créanciers, des voix s’élevaient lundi en Europe contre ce compromis, obtenu « pistolet sur la tempe » d’Alexis Tsipras, premier chef d’un gouvernement de gauche radicale sur le Vieux continent.
« Ce que l’on recherche en Grèce, c’est à faire un coup d’État financier, à transformer [le pays] en protectorat », a ainsi lancé l’ancien eurodéputé espagnol Pablo Echenique, élu régional du parti antilibéral Podemos, le plus proche allié européen de Syriza, le parti du premier ministre grec. « La solidarité européenne n’existe pas », tempêtait M. Echenique, considéré comme un « dur » au sein de Podemos, le parti de Pablo Iglesias.
Les pays de la zone euro se sont mis d’accord lundi, au terme de très longues discussions, pour négocier un troisième plan d’aide à la Grèce, d’un montant compris entre 82 et 86 milliards d’euros, en échange de lourds sacrifices. Certaines mesures touchent à des domaines aussi précis que l’ouverture des magasins le dimanche et la réglementation des pharmacies.
Plus que n’importe où ailleurs en Europe, la situation de la Grèce est suivie avec attention en Espagne, où Podemos est devenu en un peu plus d’un an la troisième force politique et où des législatives doivent avoir lieu dans moins de six mois. Pour Podemos comme pour l’ensemble des formations de gauche antilibérales européennes, qui avaient fait d’Alexis Tsipras un héros de la lutte contre l’austérité et un modèle à suivre, l’accord conclu lundi avait un goût amer.
En France, Jean-Luc Mélenchon, cofondateur du Parti de gauche et proche d’Alexis Tsipras et de Pablo Iglesias, a repris l’expression la veille d’un membre du gouvernement grec, évoquant une négociation avec un pistolet sur la tempe. « Telle est l’Union européenne. Un revolver sur la tempe, une nation déjà asphyxiée et placée sous blocus financier doit conclure un accord après 13 heures de discussions ? », s’est-il indigné.
« Ce n’est pas un accord, c’est un diktat », a de son côté estimé la dirigeante du Bloc de gauche, un parti antilibéral portugais, Catarina Martins : « La démocratie a été complètement balayée de la carte pour faire place à des diktats de type colonialiste ».
Paul Krugman
Dès dimanche soir, sur son blog, l’éditorialiste et prix Nobel d’Économie Paul Krugman, l’une des sources d’inspiration de la gauche antilibérale européenne, reprenait un hashtag devenu viral sur les réseaux sociaux : «#ThisIsACoup », « ceci est un coup d’État ».
« La liste des demandes de l’Eurogroupe est une folie. Le hashtag à la mode, #ThisIsACoup est parfaitement juste. Ceci va au-delà de la dureté, c’est une volonté de vengeance, de destruction totale de la souveraineté nationale, une trahison grotesque de tout ce que le projet européen était censé défendre », écrivait-il.
En Italie, pour le mouvement populiste 5 étoiles (M5S) de l’ex-comédien Beppe Grillo, « la démocratie est suspendue : l’humiliation de la Grèce est un avertissement à tous les pays qui veulent la reconnaissance de leur souveraineté ».
Aux antipodes sur l’échiquier politique européen, le parti europhobe britannique Ukip et le parti d’extrême droite français Front national ont également évoqué l’humiliation d’Athènes à la souveraineté piétinée. « Si j’étais un responsable politique grec, je voterais contre cet accord », a ainsi réagi Nigel Farage, le chef de l’UKIP. Il « montre que la démocratie et l’appartenance à la zone euro sont incompatibles », a-t-il affirmé, tandis qu’un référendum sur le maintien de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne est prévu pour d’ici à la fin 2017.
À Paris, le vice-président du Front national Florian Philippot a quant à lui dénoncé « la mise en esclavage d’un peuple entier » pour « sauver l’euro à tout prix ». L’accord sur la Grèce, est « une bouffonnerie », a estimé pour sa part l’Italien Matteo Salvini, à la tête de la Ligue du Nord, également opposée à euro : « On fait cadeau d’encore 80 milliards et on ne rediscute pas du tout de l’Europe et des traités ».
Une perte de souveraineté selon l’Argentine
Pour l’Argentine, qui a connu le défaut de paiement en 2001, l’accord est synonyme de perte de souveraineté pour Athènes. « C’est une perte de souveraineté pure et simple. Le FMI demande au premier ministre grec Alexis Tsipras de signer pour que le Fonds (monétaire international) impose comment gérer l’argent » des Grecs, a dénoncé le chef du gouvernement argentin, Anibal Fernandez. « Ce qui a été proposé c’est une réforme très dure qui oblige la Grèce à te tirer une langue de 50 centimètres de long », c’est-à-dire à faire de lourds sacrifices, a ajouté Anibal Fernandez.
En 2001, étranglée par la dette, l’Argentine avait refusé de continuer de suivre les recommandations du FMI et s’était déclarée en défaut de paiement sur 100 milliards de dollars de dette extérieure privée. Buenos Aires avait ensuite imposé à ses créanciers privés une restructuration, avec un fort allégement de la dette, accepté par 93 % des détenteurs de bons. Après plusieurs années de croissance soutenue après cette crise, l’Argentine a remboursé ses arriérés de dette au FMI.
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