Par André Parizeau (*)
Jean Charest, le soir, durant son sommeil, doit rêver que le mouvement étudiant finisse par s'essouffler. Pauvre lui ! Parce qu'à tous les matins, les chiffres lui donnent tort. Cela doit le décevoir atrocement. Mais pour tous ceux et celles qui aspirent à un changement après tant d'années de morosité et de mauvaises nouvelles, voilà enfin de quoi donner un peu d'espoir.
Ils n'étaient au départ, il y a 3 semaines, à peine plus d'une dizaine de milliers à avoir eu le courage de prendre les devants et de dire : "on part en grève; c'est assez ! Aujourd'hui, en date de ce matin, ils étaient au total plus de 90 000 à être en grève illimitée, et c'est encore loin d'être finie puisqu'il y a en surplus de ce nombre un autre bloc de 25 000 étudiants et étudiantes qui ont eux aussi un mandat de grève illimitée et devraient conséquemment eux aussi se joindre au mouvement d'ici quelques jours.
Et cela augmente ainsi à chaque jour, sans dérougir. Le cap des 100 000 étudiants et étudiantes est donc d'ores et déjà franchi ou le sera d'ici très peu de temps.
Le fait que la manifestation d'hier, 1er mars, à Québec, ait réuni moins de monde que prévu initialement ne change rien à ces faits. N'aurait été de la température défavorable, il y aurait beaucoup plus de gens.
Ce qui est en même temps impressionnant, c'est le nombre d'actions et de mobilisations qui s'organisent un peu partout et qui prennent en même temps une tangente parfois assez imaginative... On est loin d'un mouvement qui semble s'essouffler, sauf peut-être dans les rêves de Jean Charest .... et dans la tête de quelques "savants" érudits se prétendant être les seuls à être "socialement responsables". Gageons cependant qu'ils se considèrent tous des émules de Jean Charest et/ou, à défaut, de Francois Legault !
Entre temps, et c'est tout autant encourageant, on apprend qu'une majorité de la population appuie maintenant la cause des étudiants et des étudiantes. C'est la conclusion du plus récent sondage sur la question. Sur une plus petite échelle, et sans vouloir prétendre que cela aille une véritable valeur scientifique, je peux témoigner du fait que dans les autobus que je prend, le matin et le soir, pour me rendre au travail et ensuite pour retourner chez moi, il y a de plus en plus de gens qui porte le morceau de tissu rouge, en guise de solidarité avec le mouvement de grève. C'est visible.
Les syndicats appuient aussi les étudiants et les étudiantes.
Les trois partis souverainistes, à l'Assemblée nationale, soient le PQ, Option Nationale, et Québec solidaire, n'en sont pas encore rendu à s'asseoir ensemble pour conclure une alliance contre les libéraux et la CAQ, mais mardi dernier, ils faisaient front commun pour dire OUI aux étudiants et aux étudiantes et pour condamner l'attitude des libéraux (et aussi de la CAQ, par ricochet) dans ce dossier. Comme quoi, l'unité dans l'action des uns peut parfois aider les autres à aussi trouver des terrains d'entente. Qui sait, avec le temps, un peu de patience, et beaucoup de persévérance, cela finira peut-être par porter encore plus de fruits ... à d'autres niveaux.
D'autant que les enjeux sont grands partout et dépassent de loin les égos des uns et les vieilles querelles et ornières issues du passé et qui ont pu aussi nous divisés à l'occasion.
Ce jour là, nous n'avons pas gagné le vote, car les libéraux et la CAQ possèdent encore une majorité de voix à l'Assemblée nationale. On le savait d'avance. Le geste consistant à déposer une motion de censure contre ce gouvernement avait quand même valeur de symbole. Pour ma part, ce jour là, j'étais encore plus fier d'être Québécois, fier de notre résillence, ainsi que de notre capacité à rebondir, et content de voir en même temps qu'il y a encore de l'espoir pour l'avenir ...
D'habitude, je ne passe pas de temps à aller lire la retransmission des délibérations à l'Assemblée nationale; ce n'est pas le genre de lecture que j'affectionne, sauf que cette fois-là, c'était différent et cela faisait chaud au coeur de voir Amir Khadir d'un côté, au nom de Québec solidaire, puis Marie Malavoy, puis Pauline Marois, au nom du PQ, puis Jean-Martin Aussant, au nom d'Option Nationale, tous prendre la parole et tous aussi, l'un et l'une après l'autre, aller dans le même sens, en appui à la cause des étudiants, pendant que ceux de la CAQ et des libéraux sortaient leurs platitude d'usage.
En guise de conclusion, j'oserais dire deux choses. D'abord chapeau aux étudiants et aux étudiantes, ainsi qu'à leurs organisations pour avoir réussi à faire tout ce qui ont pu faire jusqu'à présent. En deuxième lieu, je crois que le moment est venu de dire d'une même voix, tous et toutes que nous puissions être, que nous soyons étudiants, travailleurs, retraités, ou autre, au delà également de nos affiliations particulieres : tous unis contre les libéraux et la CAQ ! Le temps du mépris est passé ! Place à l'unité, place à la mobilisation, et place au changement !
Souhaitons tous et toutes ensemble que nous soyons assez unis et assez forts pour faire reculer ce gouvernement. Souahitons aussi que cela ne soit que le début d'un plus grand mouvement encore pour nous (et le début de la fin pour les libéraux et la CAQ) car la question des frais de scolarité est certes importante, mais seulement une parmi de multiples autres questions à régler et qui nous concernent tous et toutes tout autant !
2 mars 2012.
(*) André Parizeau est le chef du Parti communiste du Québec (PCQ) - www.pcq.qc.ca