Je suis en colère! Rouge de colère! Je vois rouge! Qu'attend le Québec pour manifester sa colère? Je ne comprends pas en observant la tournure des événements que la stratégie machiavélique du «diviser pour mieux régner» puisse opérer. La seule explication plausible ne peut consister qu'en un manque flagrant d'éducation! Justement, parlons-en de l'éducation et de nos étudiants, très conscients et loin d'être dupes.
Grève étudiante? Boycott des cours? Ne nous laissons pas tromper par les mots. L'appellation a peu d'importance comparativement au geste. Nous assistons présentement à un événement historique au Québec: celui de la mobilisation citoyenne. N'allons surtout pas croire, comme les médias de masse veulent nous le faire croire, que ce mouvement se réduit à quelques étudiants gâtés, à quelques enfants rois qui veulent avoir tout cuit dans le bec sans faire le moindre effort, sans faire leur «juste part». N'embarquons pas dans leur stratégie de division!
Le rouge envahit progressivement le Québec, et même plusieurs autres endroits du globe qui les appuient, et ce n'est pas en hommage au parti libéral! Bien sûr, la cause est bien connue: la hausse des frais de scolarité. Il est toutefois réducteur de l'envisager sous ce seul aspect, le réduisant ainsi à des considérations strictement pécuniaires, financières. Or, ce dont il est question ici, ce n'est pas d'argent. Il est ici question de valeurs et de principes. Il est ici question de savoir dans quelle type de société nous voulons vivre.
En ce sens, le mouvement étudiant s'inscrit dans la foulée du printemps arabe, du mouvement «occupy», dans la foulée d'une mouvance internationale visant à dénoncer et à protester contre les inégalités économiques et sociales. Mouvement qui prend racine dans celui de l'altermondialisme, médiatisé lors des manifestations de Seattle en 1999 ou du Sommet des Amériques en 2001, qui dénonce la logique marchande néolibérale. De même pour le mouvement du 22 avril.org. À cette logique, ces mouvements opposent les valeurs de démocratie, de bien commun, de justice sociale, de solidarité, de partage, de droits humains et de respect de l'environnement.
Ce que nos jeunes nous disent en ce moment, appuyés par bon nombre de citoyens, c'est qu'ils en ont marre de l'oligarchie financière! Ils en ont marre de se faire dépouiller au profit d'une minorité insatiable! Ils en ont marre de se faire avoir à tour de bras par un système déguisé sous des habits de fatalité! Forrest Gump disait: «n'est stupide que la stupidité». Hé bien, moi, je dis: «n'est fatal que la fatalité!», mais certainement pas le néolibéralisme! Ils en ont marre d'un système qui bafoue les droits des peuples sous couvert de liberté individuelle! Ce que font nos jeunes en ce moment, c'est de nous ramener à un esprit collectif. Ils nous invitent à débattre sur le type de société dans laquelle nous voulons vivre.
J'aimerais dire au peuple québécois: de grâce, arrêtons de chialer sur nos étudiants! Cette jeunesse se lève pour affirmer haut et fort que c'en est trop! Encourageons-les! Supportons-les! Sortons avec eux dans la rue! Disons avec eux que nous aussi nous en avons assez d'un système, d'une idéologie qui multiplie les inégalités sociales et économiques tout en détruisant impunément l'environnement!
J'aimerais dire au peuple: après le printemps arabe, un printemps érable, un printemps québécois, une autre révolution tranquille, ça vous dit?
Toute révolution n'est qu'en fait un renversement de l'ordre établi au nom d'un projet, d'un idéal. Hé non! Parler de révolution ce n'est pas nécessairement être communiste! Parler de révolution, c'est dire qu'une partie ou l'ensemble des valeurs, convictions et croyances à la base de la société ne nous vont plus. C'est vouloir un renversement de celles-ci. Or, nos jeunes nous invitent à redéfinir la conception de liberté, pour le moins pauvre, sèche, pervertie et nombriliste sur laquelle repose notre société.
Permettez-moi de vous citer Christian Nadeau dans un article, «Le «solidarisme» de Léon Bourgeois contre la «juste part» de Bachand», paru dans le Devoir:
«Sans État véritablement engagé au service de ses citoyens et sous la surveillance constante de ces derniers, les libertés économiques, sociales et politiques ne disposent d'aucune garantie. La liberté individuelle devient donc l'objet chimérique et rhétorique des plus puissants, qui offrent ainsi à leur hégémonie un simulacre d'autorité morale .»
Nos jeunes nous invitent à élaborer une nouvelle vision du vivre-ensemble, un projet collectif qui reflèterait les valeurs de bien commun, de solidarité, d'équité, de justice sociale et de partage que je sais partagées par la grande majorité des Québécois. Et l'éducation n'est que la première bataille d'une longue série à mener. Mais ô combien essentielle! Car c'est d'elle que toutes les autres dérivent, car elle est essentielle à toute démocratie digne de ce nom. Elle est essentielle pour former des esprits critiques et aptes à comprendre qu'ils sont en train de se faire... avoir! Elle est donc la condition première de toute revendication. Nos jeunes nous montrent qu'ils sont éduqués et qu'ils ne gobent pas sans broncher les discours mensongers de nos gouvernements. Et ils nous invitent à en faire autant.
J'aimerais dire au peuple: acceptons cette invitation! Allez peuple! Debout! Dans la rue!
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9 commentaires
Archives de Vigile Répondre
17 mai 2012Madame Côté,
Votre texte est plein de courage, d'énergie et de volonté.Il en faut actuellement après l'adoption d'une telle loi spéciale qui ne résoudra rien.Honnêtement, je crois que les étudiants ne peuvent plus continuer seuls le combat.Le peuple du Québec doit être à ses côtés.Après une telle loi,les matraques se mobilisent et je n'ai surtout pas envie que nos jeunes les subissent.Les arrestations supposent également des dossiers judiciaires pour ces jeunes.Je n'ai surtout pas envie qu'ils soient étiquettés à vie.Ces jeunes se sont beaucoup impliqués.Je crois qu'un solide appui de la population leur est plus que jamais nécessaire.Je ferai la marche du 22 mai en tant qu'action citoyenne d'appui.
Archives de Vigile Répondre
17 mai 2012Madame Côté,
Il est malheureux de voir ce qui se passe.
Le gouvernement devrait évidemment s'occuper du bien commun: c'est son rôle.
Au Québec et au Canada, il semble bien que les gouvernements actuels ont bien de la difficulté à atteindre le bien commun.
Même l'ONU reproche au gouvernement canadien de laisser deux millions de ses citoyens vivre l'insécurité alimentaire:
http://www.radio-canada.ca/regions/manitoba/2012/05/16/002-bilan-preliminaire-rapporteur-onu-visite-canada.shtml
Cela démontre qu'il n'y a pas que quelques citoyens s'imaginant que le bien commun n'est pas servi; même l'ONU le constate.
Cela rend de plus en plus important le projet du regretté Michel Chartrand d'instaurer un revenu de citoyenneté universel afin que tous sans exception puissent vivre décemment, manger à sa faim et être heureux. Et les étudiants pourraient suivre leurs cours sans s'endetter.
Jean-François-le-Québécois Répondre
16 mai 2012«Je ne comprends pas en observant la tournure des événements que la stratégie machiavélique du « diviser pour mieux régner » puisse opérer.»
Justement, c'est précisément ce que je me suis dit, en regardant RDI, hier soir: «dividere ut regnare», dépoussiérant un peu de mon latin par la même occasion.
Je crois que c'est antérieur à l'oeuvre de Machiavel, oui.
Sauf que je dois avouer qu'une chose qui aurait de quoi me gêner quelque peu, est que si les Perses ont rencontré leur Némésis, en Alexandre; les Celtes, en Jules César; un empire chinois en déclin, en Gengis Khan... eh bien, notre Némésis, celui ou celle par qui semble arriver notre destruction (ou celle d'un Québec en lequel nous nous reconnaîtrions encore), est un petit grassouillet bas sur pattes, à l'envergure intellectuelle assez limitée, utilisant des ruses telles qu'on le voit venir d'avance...
Il y aurait peut-être de quoi nous donner des complexes. Alors, rémédions à la situation!
Archives de Vigile Répondre
16 mai 2012Écoutez, j'ai été injuste envers la population québecoise. Elle n'est pas seule responsable de ce qui lui arrive. Il faudra bien admettre que le leadership québécois jouxte la «joke». Regardez en page A-3 du Devoir de ce matin (16-05-12)et vous constaterez que, d'un côté, Pauline Marois exprime l'opinion que la méthode forte n'est pas la bonne manière de sortir de l'impasse et que, de l'autre, Véronique Hivon exige que l'on fasse respecter les injonctions. Comment voulez-vous faire respecter des injonctions bafouées sans avoir recours à la méthode forte? Puis le Québec est comme ça sur toute la ligne. Avant de penser à un débat de société fondamental, le Québec devrait peut-être évaluer son rapport avec la réalité.
Louis Côté
Archives de Vigile Répondre
16 mai 2012Les jeunes du Québec ont reçu une éducation de qualité et ils nous le démontrent à chaque jour. Mes hommages à vous et à tous vos collègues enseignants qui avez si bien su leur enseigner à penser, à s'exprimer dans un français châtié, à défendre leurs idées avec fermeté et civisme; bref, à être libres.
Pauline Dufour
Archives de Vigile Répondre
16 mai 2012Vous avez tout à fait raison.
La révolte des étudiants contre l'augmentation des frais de scolarité n'est que la pointe de l'iceberg et est le signe avant-coureur d'une révolte sociale plus profonde.
La cause des causes de tout cela c'est que nous n'avons jamais vécu dans une véritable démocratie où les citoyens sont au pouvoir.
Nous avons vécu et nous vivons - et c'est vrai pour tous les pays occidentaux - dans un système de gouvernement représentatif dans lequel les citoyens sont des électeurs qui ont le seul pouvoir de nommer leurs maîtres une fois à tous les 4-5 ans.
Il n'y aura pas de véritable démocratie tant et aussi longtemps que les citoyens québécois ne décideront pas de se prendre en mains et de convoquer une constituante citoyenne chargée d'écrire une constitution PAR et POUR les citoyens et non pas PAR et POUR les élus, ces nouveaux aristocrates modernes qui les trahissent constamment et qui sont au service, non pas du bien commun mais de leurs propres intérêts et de ceux de leurs véritables maîtres, les forces du marché et le pouvoir de l'Argent.
Nous ne vivons pas en démocratie. Nous vivons dans un système politique de gouvernement représentatif qui est soit une oligarchie (le pouvoir de quelqu'uns) soit une plutocratie (le pouvoir de l'Argent).
Tant et aussi longtemps que nous ne remettrons pas en cause le système de gouvernement représentatif (l'élection) il n'y aura pas de véritable démocratie et le peuple ne sera jamais au pouvoir. JAMAIS.
Pierre Cloutier
Françoise Cléro Répondre
16 mai 2012Quelle belle effervescence au Québec. Enfin, enfin !
Oui, toutes les manifestations dans le monde se rejoignent : contre les minières au Nord du Québec, en Amérique latine; contre l’accaparement des terres en Asie, en Afrique et ailleurs; contre les oligarchies agroalimentaires; contre les plans d’austérité en Espagne, au Portugal, en Grèce; contre la guerre; contre les banques privées; contre la hausse des frais de scolarité; contre les pertes d’emploi, la mauvaise répartition des richesses, etc. Étudiants, travailleurs, retraités, exploitants agricoles locaux, hommes, femmes, jeunes et moins jeunes, indignés, dépouillés, exploités, manipulés : autant de personnes de par le monde qui s’éveillent, ouvrent les yeux et se disent : assez, c’est assez, nous voulons une société meilleure ! Dehors les spéculateurs et les gouvernements à la solde des multinationales et d’un système économique absurde ! Autant de personnes qui ne se connaissent pas et qui, dans plusieurs langues, revendiquent le même droit d’être heureux.
Quelle belle effervescence à l’échelle de la planète. Enfin, enfin !
Archives de Vigile Répondre
16 mai 2012Je vous informe qu'il y aura une grande manifestation le 22 mai 2012. Probablement qu'elle représentera le plus grand rassemblement jamais tenu à Montréal.
http://www.facebook.com/events/158085980987472/
Faites circuler !
Archives de Vigile Répondre
16 mai 2012Il serait surprenant que le peuple suive, madame Côté. D'abord, les enjeux dépassent la plupart des gens. Rares sont ceux qui réalisent qu'ils seront les prochains à passer à la caisse après les étudiants. Faites un petit sondage autour de vous et demandez à vos connaissance s'ils comprennent bien que leur fonds de pension est en bonne partie assis sur le Dow et le TSX. Pour l'instant, le PIB par habitant oscille autour de 39 000 $ par année. C'est encore suffisant pour permettre à la majorité d'acquérir une maison, une auto et les babioles qui entretiennent l'illusion de la prospérité. Et, lorsque le revenu ne suffit pas,on a recours au crédit, plus qu'abondant...pour le moment. Alors, dans ces circonstances là, les étudiants...qu'ils prennent leur trou!
Vous voulez un débat de société? Dites aux étudiants accusés au criminel de contester les accusations auxquelles ils font face en soulevant la nullité de la constitution et des lois canadiennes. Je vous renvoie à mon texte concernant, justement, la nullité de la constitution canadienne publié sur Vigile il y a quelque temps. Mais ne soyez pas trop idéaliste, madame Côté. La société, elle vaut ce qu'elle vaut, vous savez. J'écrirai peut-être un texte sur cette question éventuellement. Mais, je ne vous promets rien...Je suis tanné.
Louis Côté.