Dans une démocratie, on dit que le peuple est souverain. Un peuple lésé dans l'exercice de ses droits politiques est donc victime d'un crime de lèse-majesté. À cet égard, le référendum de 1995 offre de multiples exemples de violations graves du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Les exactions commises par le camp du NON sont désormais notoires, allant de la diligence inhabituelle et sans doute bien peu innocente des fonctionnaires chargés d'exécuter les formalités de délivrance des certificats de citoyenneté jusqu'à des agissements illégaux et criminels. Le cas de Robert Ghiz, récemment élu premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, qui s'était parjuré pour voter illégalement alors qu'il était étudiant en sciences politiques (!) dans une université québécoise, n'est pas un cas isolé. J'en ai été témoin dans mon propre comté.
Dans la livraison du Devoir du jeudi 31 mai 2007, Michel David fait valoir sur un mode ironique dans un article intitulé [«La bande à Robert»->6989] que ledit Ghiz peut «légitimement se vanter aujourd'hui d'avoir contribué à sauver son pays» à la suite d'un geste d'inspiration «hautement patriotique» que «personne dans sa province ne songerait à lui reprocher».
Sans vouloir relancer M. David, je crois utile d'ajouter ceci: pour certains partisans du NON, tous les coups seraient bons, peu importe la teneur des moyens destinés à faire obstacle à la démarche souverainiste.
À cet égard, l'organisation du camp du NON ne s'est pas privée. Elle a utilisé sans vergogne tous les moyens à sa disposition. Pourquoi aurait-elle agi autrement? Ne fallait-il pas «tuer les séparatistes», dont les sondages annonçaient la victoire possible, et ce, à telle enseigne qu'on conjecturait à Ottawa à propos du pourcentage de majorité que le OUI devrait atteindre pour que le Canada le trouve acceptable?
Or même les Canadiens qui, de bonne foi et de bon droit, souhaitaient garder leur pays dans sa structure juridique actuelle ont fermé les yeux sur les manigances auxquelles se sont livrés sans scrupules des partisans du NON. Aujourd'hui, à Ottawa, dans l'espoir de se donner bonne conscience, on affirme que «le dossier est clos» puisque les preuves «manquent» au juge Grenier pour que celui-ci puisse tirer des conclusions non équivoques de son enquête.
Mais s'il est vrai que, dans le domaine du droit privé, il y a défaut de justice quand il n'y a pas aussi apparence de justice, on peut induire que dans le domaine du droit public, il y a déni de vérité quand il n'y a pas apparence de vérité. Dans le cas qui nous occupe, il n'y a, semble-t-il, qu'absence de preuves. Malgré cela, les constatations du juge auront pour effet d'alimenter les soupçons et de nourrir l'amertume des Québécois qui ont dit OUI et qui ont le sentiment d'avoir été roulés.
Quoi qu'il en soit, c'est dans l'ordre des choses de ne pouvoir aisément faire sortir de l'ombre des machinations aussi bien orchestrées. Il est possible que nous ne saurons jamais ce qui s'est vraiment passé en 1995. Mais une chose restera, plus dure à avaler qu'une vérité qui fait mal: le doute. Les Robert Ghiz de ce monde n'auront pas «sauvé» leur pays. Ils l'auront enferré dans un mensonge. L'élection à Ottawa d'un gouvernement qui semble ériger en vertu et en système les manoeuvres dilatoires est symptomatique de ce Canada qui s'épuise à bien paraître dans les ambassades et les cérémonies officielles tout en agissant en sous-main de façon inavouable.
Tel est le prix que les enfants du NON auront à payer pour garder la «nation québécoise» dans leur «Canada uni»: le mensonge par omission et par amnésie. Je n'arrive pas à me convaincre de la sagesse d'un tel choix.
Que le camp du NON ait dépensé 500 000 $ ou 100 millions de dollars au mépris des lois du Québec, qu'importe! Les atteintes au droit et à la démocratie, le cynisme qui s'insinue dans l'esprit des citoyens, voilà qui est plus grave et bien plus dangereux pour nos institutions démocratiques et pour la paix sociale. La désaffection des citoyens envers la classe politique, la méfiance du peuple devant des élus qui multiplient les dérobades, est-ce donc cela que voulaient les stratèges du camp du NON?
Je pense qu'ils avaient tout faux en ce qui concerne l'accession du Québec à la souveraineté et qu'ils auront trompé les Canadiens, mais surtout les Canadiens du Québec, en leur promettant l'apocalypse si le OUI l'emportait. Comme si la souveraineté était une maladie et non une aspiration légitime; comme si vouloir l'indépendance était un crime...
Le Canada ne sera plus jamais un pays aux «fleurons glorieux». Il aura été profané par des dogmatiques aveuglés par la volonté d'en découdre une fois pour toutes avec ces séparatistes qui prétendent assumer leur propre destin.
La déception est grande, surtout pour les Québécois qui croyaient encore au Canada de leurs grands-parents et qui sortent amèrement désabusés de cette histoire.
Ne vaudrait-il pas mille fois mieux que le Canada et le Québec fondent deux pays amis, enfin capables d'entretenir des relations saines et profitables pour chacun? Pourquoi cette éventualité serait-elle nécessairement une catastrophe? Pour qui une telle solution devrait-elle obligatoirement être une abomination?
En y regardant bien, on constatera que la démarche souverainiste est légitime à tous égards et constitue une proposition faite de bonne foi, une main tendue par des Québécois déterminés à jouer franc jeu. N'y a-t-il donc personne, en face, pour la saisir? Prenons garde: au pays de Maria Chapdelaine, tout a changé.
Richard Weilbrenner, Sutton
Un crime de lèse-majesté
Les constatations du juge auront pour effet d'alimenter les soupçons et de nourrir l'amertume des Québécois qui ont dit OUI et qui ont le sentiment d'avoir été roulés
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