L'étau se resserre. Depuis l'affaire des commandites, les règles d'engagement demeurent équivoques, mais les intentions sont claires. Tout indique en effet que les solennités du quatrième centenaire du premier établissement français en Amérique du Nord seront le théâtre d'une flibuste de grande envergure qui battra pavillon sur plus de 500 mètres carrés. La stratégie consistera à affirmer la personnalité «provinciale» du Québec au sein d'un Canada qui, du même coup, voudra se montrer ouvert, tolérant et uni.
Déjà, il se trame de grandes manoeuvres. La contre-offensive lancée après la quasi-déroute fédéraliste au référendum de 1995 ne donne aucun signe d'essoufflement. Le Canada ne reculera devant rien. Il se fera brave et courageux, même devant l'effronterie, même devant l'indécence, quitte à pervertir le sens de l'histoire. Le Canada ne lésinera pas sur les procédés. Sa visibilité fera de l'ombre aux chaînes de malbouffe.
Capable de tout
On savait qu'il était capable de tout. La manifestation fomentée en quelques heures à la veille du référendum avait mis au jour l'ampleur des moyens qu'il n'hésiterait pas à prendre pour casser l'élan vers la souveraineté qui se profilait à l'horizon. L'opération serait illégale, elle violerait les principes démocratiques et équivaudrait à un acte de guerre d'intimidation, mais l'heure était grave. Il fallait sauver le Canada. «I knew we had to do something», a fièrement avoué Brian Tobin, alors premier ministre de Terre-Neuve.
Pour ce seul motif, la victoire du NON restera à jamais suspecte. En tout cas, elle n'aura pas été remportée dans l'honneur. La preuve à cet égard est accablante. Pour autant, le Canada voudra en 2008 se poser comme le pays de rêve que bien des Canadiens et des Québécois prennent encore pour la réalité.
Certes, le Canada est un pays riche et moderne, et il fait l'envie des ressortissants de nombreuses contrées ravagées par le manque de ressources, la famine ou les conflits meurtriers. Mais le Canada est aussi ce pays où les inégalités, les disparités et les sourdes oppositions entre les États membres seraient à ce point négligeables que le Québec, par exemple, et contre toute évidence, devrait être tenu pour une «province comme les autres».
Tel est le sens profond de la motion que Stephen Harper a fait adopter par la Chambre des communes au nez et à la barbe des souverainistes: un stratagème destiné à enfermer la «nation québécoise» dans un «Canada uni». Qu'une filouterie aussi grosse ait reçu l'appui du Bloc et du Parti québécois permet de mesurer à quel point les dirigeants de ces formations politiques sont parfois dans la lune.
Cette motion n'aurait pas été adoptée par la Chambre si elle n'avait pour effet de réduire les dimensions historiques du Québec à celles d'un abacule. Ce fait d'armes restera à la gloire de Stephen Harper mais consacrera la honte des chefs politiques et des figures de proue du mouvement souverainiste qui, dans une belle unanimité, auront laissé Ottawa définir seul la place du Québec dans le concert des nations.
On s'attendrait à pareille complaisance de la part des libéraux québécois, qui ont bien le droit, par ailleurs, de témoigner de leur allégeance au Canada. Mais quand ce droit s'exerce en trompe-l'oeil, comme dans le cas du projet de murale de la Commission de la capitale nationale du Québec et de la Banque de Montréal, je ne marche pas. Il n'y a rien d'innocent dans ce projet.
Je rappellerai que les promoteurs de cette fresque ont choisi de la dévoiler à l'occasion de la réunion annuelle du Conseil de la fédération qui aura lieu à Québec en juillet 2008 et que ce conseil, créé à l'instigation de Jean Charest en 2003, a pour première raison d'être «la revitalisation de la fédération canadienne». Mais il y a plus: la véritable instigatrice de cette nouvelle incursion en territoire québécois est l'Organisation des capitales canadiennes, formée en 1996 par la Commission de la capitale nationale... du Canada et qui a pour mandat de «[travailler] pour que [sic] tous les Canadiens éprouvent un réel sentiment d'appartenance à ce grand pays»: le Canada.
Mouvement partisan
Je ne vois pas quel rapport de pertinence on prétend établir entre la fondation de Québec par le sieur de Champlain et l'illustration d'un sentiment d'appartenance au Canada. C'est pourtant bien ainsi, comme le rapportait Le Devoir le 15 septembre dernier, que l'entendait Isabelle Merezzi, attachée de presse du ministre Philippe Couillard, à l'annonce du projet: «Notre pays [le Canada] a vu le jour à Québec, il ne faut pas l'oublier.» Et d'ajouter, dans un mouvement sombrement partisan: «Nous, on vit au Canada. Nous n'avons pas de difficulté avec ce concept-là [sic]. Je comprends que les péquistes l'ont, ce problème-là. Mais nous, on ne l'a pas.»
Il faudrait donc être «péquiste» pour s'indigner devant cette initiative d'un goût douteux, vouée à défigurer un édifice du Parlement de Québec et, du même coup, à dénaturer l'esprit même de la fête du 400e anniversaire de notre capitale nationale? Eh bien non. C'est l'histoire qu'on insulte ici. Et l'intelligence. La rhétorique «conceptuelle» de l'attachée de presse ne tient pas. Pour reprendre la déclaration d'un ancien chef du Parti libéral du Québec, je répondrai simplement ceci: «Thanks, but no thanks!» Allez barbouiller vos propres murs!
Oui, le Canada sera présent à Québec en 2008, et il ne voudra pas passer inaperçu. Seulement voilà: le graffiti ne sera pas aux dimensions d'un simple panneau publicitaire. On pourra gesticuler tant qu'on voudra sur les tribunes souverainistes, point n'y fera. La «nation québécoise» ne sera reconnue qu'au prix de sa capitulation.
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Richard Weilbrenner, Sutton
- source
Le graffiti
Allez barbouiller vos propres murs!
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