Les Québécois de confession musulmane de la grande région montréalaise pourraient trouver leur dernier repos dans un cimetière que la municipalité de Vaudreuil-Dorion est prête à accueillir. L'aménagement est toutefois prévu en zone agricole, ce qui pourrait constituer un obstacle au projet.
Le terrain visé a une superficie de quatre hectares et demi, soit assez pour installer sept terrains de football. Il longe le rang Saint-Antoine. Le voisin immédiat est le cimetière catholique Saint-Jean-Baptiste appartenant à la paroisse Saint-Michel. Ce cimetière existait avant même que le gouvernement ne décide, il y a maintenant 40 ans, de ne plus permettre le développement sur les terres cultivables. C'est ce qui a donné naissance à la Loi sur la protection du territoire agricole.
Ainsi, c'est la Commission de la protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) qui aura le dernier mot sur cette idée de permettre un usage non agricole. Pour l'instant, la CPTAQ n'a pas été appelée à se prononcer comme elle l'avait fait récemment concernant le terrain qui avait été choisi pour l'implantation d'un hôpital à Vaudreuil-Dorion. Dans ce dossier, la CPTAQ a décidé d'épargner la zone verte.
Un projet rejeté à Saint-Apollinaire
Le projet de cimetière est mené officiellement par le propriétaire du terrain, Les Placements Cadillac inc., au bénéfice du Centre culturel islamique de Vaudreuil-Soulanges, a confirmé la municipalité. Plusieurs messages de La Presse laissés dans la boîte vocale du Centre ainsi que des appels faits auprès du président, Abdelati Aatif, sont restés sans réponse.
Selon les données de Statistique Canada, 6% de la population de la région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal se déclarait de religion musulmane, soit un peu plus de 220 000 personnes, en 2014. La grande majorité de la population (74%) est de foi chrétienne; de ce nombre, 63% sont catholiques.
Il existe très peu de cimetières ou même de sections de cimetières destinés aux défunts musulmans au Québec. Selon le site internet de l'Association de la sépulture musulmane, on en dénombre six, dont cinq dans la région montréalaise.
En 2017, un projet de cimetière à Saint-Apollinaire, au sud de Québec, a été rejeté par les citoyens par voie référendaire; la Ville de Québec avait alors pris le relais en vendant un terrain au Centre culturel islamique de Québec qui avait été la cible d'un attentat sanglant quelques mois plus tôt.
Dézoner la zone verte
Quant au projet à Vaudreuil-Dorion, c'est dès 2013 que le propriétaire a embauché un lobbyiste pour obtenir un changement de zonage favorable. Joint par La Presse, le lobbyiste Robert Marcoux du Groupe Sutton Distinction a refusé de commenter le dossier ; M. Marcoux a un mandat payé entre 50 000 $ et 100 000 $, comme le mentionne le Registre des lobbyistes du gouvernement du Québec.
Trois ans plus tard, Les Placements Cadillac inc. ont sollicité un changement de zonage pour l'aménagement d'un cimetière sans toutefois faire «mention du groupe religieux visé par la demande». Ce n'est qu'en mai dernier qu'il a été précisé qu'il s'agissait d'un cimetière musulman.
Si le propriétaire obtient le feu vert, un chemin d'accès sera aménagé, au bout duquel se retrouvera un «cimetière de foi islamique», indique la municipalité. Cette dernière a pris en considération la présence du cimetière catholique dans le rang Saint-Antoine.
«Il a été jugé souhaitable par la Ville de consolider ce type d'usage dans un même endroit. De plus, le contexte du cimetière Saint-Jean-Baptiste permet une convergence des groupes religieux tout en offrant l'autonomie de chacun», peut-on lire dans un courriel de la municipalité de Vaudreuil-Dorion envoyé à La Presse.
C'est dans cet esprit que la Ville a déposé une demande de changement réglementaire auprès de la MRC Vaudreuil-Soulanges. Le schéma d'aménagement et de développement révisé (SADR), sous la responsabilité de la MRC, encadre les usages du territoire. Le 29 août dernier, la MRC a adopté un projet de règlement (no 167-21) visant à rendre conforme le projet de cimetière, «à la condition de prohiber l'implantation d'un bâtiment principal».
La MRC s'est alors tournée vers le ministère des Affaires municipales, qui a lui indiqué que le projet était «conforme aux orientations gouvernementales en aménagement du territoire», le 21 novembre dernier. Il reste maintenant à adopter un règlement qui sera soumis par la suite à l'approbation de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) sous la présidence de la mairesse Valérie Plante. Aucune demande officielle n'a encore été déposée à la CMM. Pour l'instant, seuls l'agriculture ainsi que l'établissement de résidences, de commerces et d'industries reliés à l'exploitation agricole sont permis en vertu du zonage prévu à Vaudreuil-Dorion.