Scène édifiante pour ses supporters et choquante pour les autres. Justin Trudeau et sa femme, tous deux les pieds dans l’eau et entourés de soldats de l’armée canadienne, ont posé devant les caméras à Gatineau en train de placer des sacs de sable qu’ils avaient préalablement remplis sur des terrains inondés.
Après dix minutes de ce manège, Justin Trudeau a remis sa veste. Le moment avait été médiatisé. Alors, il est remonté dans sa limousine.
François Legault s’est rendu aussi cette semaine auprès de sinistrés. Il revêtait un jean et un blouson comme ceux qu’on trouve chez Costco. Il s’est exprimé avec clarté et sincérité devant ces résidents amoureux de maisons situées au bord de l’eau qui, depuis des années, font face aux débordements des cours d’eau.
Métamorphose
Trudeau avait déclaré quelques heures plus tôt, à Gatineau : « Il faut commencer à penser comment on va s’adapter, comment on va aider les gens ». François Legault, un homme métamorphosé par sa fonction, avait osé ce qu’aucun politicien n’avait dit durant toutes ces années d’inondations catastrophiques. Il a prévenu les sinistrés qu’il fallait dorénavant envisager la solution radicale et définitive, c’est-à-dire celle de quitter ces terrains maudits par la nature.
À l’évidence, Justin Trudeau pratique la séduction en politique, ce qui lui a permis d’éblouir nombre d’électeurs. Ces derniers semblent aimer les carencés affectifs, comme lui, qui cherchent avant tout à être aimés. Lui, sa femme et ses enfants forment le trio de la réussite médiatique de sa politique d’apparence.
Quant à François Legault, les apparences semblent le laisser indifférent. Il surprend même par son courage. Il prend le taureau par les cornes, révélant ainsi sa force intérieure, sa volonté de changer le cours inéluctable des choses en fonction de sa vision du Québec, qu’on pourrait qualifier de conservatrice et réformiste.
Changement
Cet homme issu d’un milieu modeste, respectueux des traditions et des lois est en train de bousculer la rectitude politique, qui fait tant de ravages. Il n’a pas le panache de Trudeau ni d’ailleurs de certains de ses prédécesseurs du PQ. Mais son combat pour revaloriser l’éducation, réhumaniser les services de santé, réenchanter le moral toujours à la baisse chez les Québécois et faire accompagner l’entrepreneuriat par les institutions de l’État est louable.
Les miracles n’existent que pour ceux qui les portent en eux. François Legault surprend et étonne nombre de citoyens habités par la tentation du cynisme. Ce qui ne le met pas à l’abri des échecs et des erreurs.
Trudeau et Legault forment le couple le plus disparate de la politique canadienne. Le gourou du multiculturalisme et le défenseur du nationalisme québécois partagent bien peu de choses. Trudeau toujours prêt à pleurer et à s’excuser auprès des minorités, qu’il choisit en fonction de critères personnels, et Legault l’anti-théâtral, à l’aise d’abord avec les gens ordinaires, taiseux et modestes, vivent l’un avec les selfies et l’autre dans la discrétion de l’ombre.
Dans ma chronique d’hier, j’ai écrit que François Legault avait dû laisser partir, au début de son mandat, son alter ego Martin Koskinen. Or, ce dernier est toujours directeur de son cabinet C’est son ami Stéphane Le Bouyonnec que François Legault a dû laisser partir à regret avant le déclenchement de l’élection. Toutes mes excuses.