Les débats constitutionnels, c’est une perte de temps, entend-on souvent.
Plusieurs de nos politiciens nous l’ont répété depuis des lustres. Justin Trudeau a l’habitude, lui, de dire que ce sont de «vieilles chicanes». Pourtant, on a des preuves presque quotidiennes des effets concrets qu’ont les décisions constitutionnelles. Tout sauf des choix oiseux sans effet!
Une des meilleures illustrations dans la dernière décennie? La question des aérodromes.
L’effet CSC
En 1998, Bernard Larivière et Sylvie Gervais, passionnés d’aviation de Shawinigan, avaient construit, dans une zone agricole, un aérodrome privé. L’année suivante, la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) leur a signifié que leur projet enfreignait la loi et qu’ils devaient remettre le terrain dans l’état initial.
Ils ont contesté devant les tribunaux. La saga judiciaire a duré près d’une décennie. La constitution, écrite en 1867, était évidemment muette quant à l’aéronautique.
Larivière, Gervais et bien d’autres ont fait valoir que c’est là une compétence fédérale exclusive en vertu du pouvoir d’Ottawa de faire des lois pour «la paix, l’ordre et le bon gouvernement». La CPTAQ relevant du «provincial», n’avait selon eux plus un mot à dire.
Au départ, la Cour du Québec, puis la cour supérieure ont confirmé la décision de la CPTAQ. Mais en cour d’appel et en cour suprême, le jugement a été infirmé (deux juges québécois, Louis Lebel et Marie Deschamps, étaient dissidents).
Désormais, quand il y a l’ombre d’une aile d’avion, on tasse la «province», les municipalités, leurs lois et règlements. La compétence du Québec en matière d’aménagement du territoire est vidée de sa substance, ce qui est absurde, étant donné que c’est, par les municipalités, le palier le plus proche du monde.
«Épidémie de Neuville»
L’effet a été direct pour les gens de Neuville en banlieue de Québec. Dès 2010, des promoteurs y ont installé un aérodrome en répétant «c’est de juridiction fédérale». Certes, ils ont fini par signer un protocole d’entente avec la ville, mais les citoyens étaient en colère et réclamaient l’application des lois et règlements.
À l’époque, les libéraux d’Ottawa, dans l’opposition, les avaient appuyés. «J’ai peur qu’il y ait une “épidémie de Neuville” partout au Canada», s’inquiétait Denis Coderre, alors critique en matière de Transport. Le fédéral, disait-il, devait même céder sa «maîtrise d’œuvre» en la matière.
En 2013, Justin Trudeau, en campagne pour devenir chef, avait déclaré à un journal de Portneuf : «C’est une responsabilité fédérale, mais il faut absolument que ça passe par une ouverture et une compréhension des enjeux sur le terrain. Il y a des communautés qui disent : “Oui, ce serait bon pour notre économie” et d’autres qui disent : “Non, on n’en veut pas.” Il va falloir qu’on ait un gouvernement qui respecte plus les préoccupations des gens sur le terrain.»
M. Trudeau aura l’occasion bientôt de réaliser cet idéal, puisqu’un projet d’aérodrome controversé crée des remous à Saint-Roch-de-l’Achigan.
Plusieurs citoyens, furieux, ont réclamé un référendum consultatif sur la question, et il se tiendra le 11 août. Sébastien Marcil, qui mène la charge, soutient que Neuville, c’est de la «petite bière» comparativement à Saint-Roch-de-l’Achigan, car l’activité aéroportuaire serait plus intense.
On a hâte d’entendre M. Trudeau et les libéraux sur le sujet, une fois le référendum tenu, en campagne électorale.