Théorie et pratique de la déclaration d'indépendance proclamée

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?

À la suite de "[Théorie et pratique de la souveraineté du peuple
québécois"->http://www.vigile.net/Theorie-et-pratique-de-la] (Vigile novembre 2009) de JL Deveaux



Théorie et pratique de la déclaration d'indépendance proclamée. Par
JP Gilson 26 mai 2010
L'individu parlant que nous sommes tous à des degrés divers est apte à
faire savoir à son congénère humain les intentions qui l'animent et
l'éthique qui le dirige, de plusieurs manières. Par sa langue et par ses
gestes ou les deux. Mais dans tous les cas, c'est par sa langue qu'il se
fait comprendre même au travers de langages différents qu'on dit corporel
ou subliminal par exemple. Notre langue au Québec est le français,
officiellement reconnu comme la langue nationale et du plus grand nombre.
Fondement même du collectif qui s'appelle aussi un peuple à la condition de
s'y associer au titre de l'histoire, de son territoire et de sa famille et
de ses alliances.
Ceci admis, il reste que cette langue se manifeste, de plusieurs façons,
elle aussi. Elle peut être dite, écrite, voire même simplement pensée.
La pensée de l'indépendance, autrement dit de la liberté et des sentiments
profonds qui l'accompagnent, est intimement connaturelle à l'exercice de la
langue. En vérité, cette liberté semble être la marque par excellence du
fonctionnement psychique et nous devons bien admettre que lorsque
d'aventure, le sentiment d'être parasité dans nos pensées nous limite dans
le libre choix que nous avons de le faire, nous nous sentons mal à l'aise,
en porte-à-faux, malheureux et angoissés. Il arrive alors que nos
concitoyens eux-mêmes prennent peur et finissent par interner dans des
asiles ou prisons ces êtres forcenés, contaminés en cette liberté de penser
qui s'est rendue autonome de leur bon vouloir. Aliénés, dit-on ! Contaminés
par la liberté langagière de l'autre ! Une liberté inversée dont ils sont
devenus les jouets !
L'écrit alors est appelé à la rescousse. L'écrit semble fixer cette liberté
dans les limites de la raison et de sa logique. Le plus bel exemple en est
le fonctionnement juridique, encodé dans des règles et lois qui font
jurisprudence. L'écrit nous enseigne que la liberté peut, sinon doit, être
enchaînée dans des limites légales, grammaticales et d'usage et qu'alors
seulement elle peut faire l'objet d'une analyse, d'une observation quasi in
vitro pour en disséquer sa structure et sa fécondité. La liberté accepte
même alors de se célébrer voire de se peindre guidant son peuple ! Mais ce
faisant elle risque parfois l'asservissement à d'autres visées aliénantes
et contraignantes. Tout se passe comme si le parasitage psychique trouvait
son répondant dans le champ politique et social.
Si pour un instant, la Liberté accepte de se mortifier dans ces formes
édulcorées, enchâssées, c'est pour mieux ressusciter dans les cris, les
chants qui sont autant de manifestations pulsionnelles des élans vitaux de
l'être humain comme s'il avait fallu qu'elle parcoure ce chemin souterrain
qui la mena du monde silencieux de la pensée à celui, manifeste, de l'écrit,
pour aboutir à l'éclatement du dire, son apothéose opératoire !
Et bien non, Madame, la liberté ça ne se prend pas, ça se proclame ! Et ça
fait acte.
C'est que le dire possède un statut particulier, celui de s'accoupler à la
vérité, non pas à la vérité avec un grand V car toute vérité tient à celui
qui l'énonce, qui la dit. La liberté s'accouple à la vérité singulière de
celui qui la profère et quand il la profère, la PROCLAME au nom d'un
peuple, c'est la vérité de ce peuple.
« Nous sommes ce peuple dont je dis, moi, la Vérité, qui le proclame, que nous
le sommes, libres souverains. Dans cette proclamation, j'existe, moi, peuple
québécois, libre en vérité et souverain dans ses prérogatives, territoires,
projet de société nouvelle, confiant dans la prospérité de l'avenir qui
s'ouvre à nous et à nos enfants dès ce jour ».
Ce qu'il faut bien considérer ici, c'est l'impact qu'une parole peut avoir
sur un collectif, un groupe, une nation. En effet, à défaut d'un leader
désigné par des élections libres et démocratiques (ce qui n'est aucunement
le cas dans un Canada qui nous laisse des pratiques
électorales-sous-conditions …. i.e. de rester dans la fédération et
d'obéir à une constitution rapatriée hors de notre vouloir populaire),
seule une déclaration libre et vraie peut mobiliser notre peuple.
Certes il serait préférable que cette proclamation soit préalablement
adoptée par des représentants du peuple québécois indépendantistes,
cependant l'effet boule de neige de cette déclaration solennelle ne saurait
être négligé car l'incrédulité populaire sera à son comble après tant
d'années de promesses non tenues. Voir des québécois se lever et proclamer
unilatéralement cette indépendance aura cet effet de levier tant attendu
sur notre inhibition collective. En d'autres termes, cette proclamation de
notre liberté sera tout simplement fondatrice justifiant du même coup le
moment si rare et précieux où « dire c'est faire » (J.L. Austin).
Nous avons cette chance maintenant au Québec d'accomplir cet acte de
libération, de fonder ce pays libre, comme cela n'a jamais été fait, de
passer du non-lieu au lieu, de la non-existence asservie à l'existence
véridique. Aucun édit dicté, aucun traité signé et contresigné ne peut nous
priver de ce rare bonheur humain de fonder et créer la nation libre du
Québec pour nous-mêmes et nos enfants.
Seule une proclamation solennelle accomplira cette Geste pour avérer notre
histoire
Auteur : JP Gilson


Laissez un commentaire



6 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    29 juin 2011

    Oh! J'irais moi même beaucoup plus loin: je ne m'abaisserais surtout pas à l'unilatéralité d'une déclaration en paroles, signe de faiblesse comme par un noir désir de réaffirmation de notre Soi collectif, je poserais tout bêtement, là, devant tout le monde, un acte fondateur radical, mais tout de même ultra-démocratique vu de la scène internationale: la tenue d'une élection non pas "référendaire" mais impérativement mandataire à l'effet exclusif de faire adopter de facto la Constitution québécoise, acte 1 de notre indépendance effective.
    Une coalition de toutes les forces souverainistes s'occuperait de la faire rédiger en bonne et due forme, sur une tribune plurielle et entourée d'experts, ce qui de toute évidence focaliserait toute l'attention sur l'organisation de cette élection mandataire impérative à cet effet exclusif de poser l'acte fondateur du Québec comme pays indépendant, soit la ratification populaire de la Constitution québécoise.
    Point à la ligne, ouvrez les guillemets de l'Avenir sur la digression infinie de toutes les possibilités innombrables qui s'offriraient enfin à nous AUTRES comme peuple francophone d'origine américaine. Donc, non pas un acte de parole en termes de déclaration unilatérale, "contestable", mais un fait accompli une bonne fois pour toutes devant lequel nous n'avons qu'à mettre le monde entier avec ou contre nous, ce qui ne les regarde en rien à moins que cette Constitution porte à controverse d'un point de vue de l'éthique.

  • Archives de Vigile Répondre

    19 juin 2010

    Il s'agit seulement de ne pas rater l'occasion SI celle-ci se présentait encore une fois dans notre vie. Chose plutôt rare en histoire. Il me semble que les Québécois ont raté plusieurs fois le proverbial bateau...Personne ne nous dispute le statut de nation, cela ne coûte rien de le faire, c'est la reconnaissance d'un fait ethnologique. Il en va autrement pour un pays. Un Quebec Fiat! ne serait prononcé par un parlementaire indépendantiste que s'il avait en poche les plus solides garanties d'être en mesure de balayer par le simple souffle de sa voix l'existence de l'état canadien du sol québécois.

  • Archives de Vigile Répondre

    18 juin 2010

    "Le désir est l'essence même de l'homme, c'est-à-dire l'effort par lequel l'homme s'efforce de persévérer dans son être. (...)
    Qu'il est des idées claires et distinctes ou des idées confuses, le Mental s'efforce de persévérer dans son être pour une durée indéfinie, et il est conscient de son effort (...).
    Quand on le rapporte au mental seul, cet effort s'appelle Volonté. Mais quand on le rapporte à la fois au Mental et au corps, on le nomme Appétit, et celui-ci n'est rien d'autre que l'essence même de l'homme, essence d'où survient nécessairement toujours les conduites qui servent sa propre conservation (...).
    Le Désir est l'appétit avec la conscience de lui-même."
    Spinoza, dans l'Ethique
    Et aussi : " L'être d'un être est de persévérer dans son être. " (également dans L'Éthique).
    _______________________________
    Peut-être avons-nous un peu trop perdu de cet Appétit, de cet appétit de faire d'un nous un corps québécois uni dans l'action d'une conscience d'avoir été, d'être et de devenir.
    Votre message porte à réflexion M Gilson, et à plusieurs niveaux là où il a été reçu..
    Suzanne Caron

  • Archives de Vigile Répondre

    18 juin 2010

    Monsieur Gilson,
    Vos propos me vont droit au coeur. Plus particulièrement, j'ai bien aimé ce paragraphe :
    "Voir des québécois se lever et proclamer unilatéralement cette indépendance aura cet effet de levier tant attendu sur notre inhibition collective. En d’autres termes, cette proclamation de notre liberté sera tout simplement fondatrice justifiant du même coup le moment si rare et précieux où « dire c’est faire » (J.L. Austin)".
    Je suis, tout comme vous, convaincue que cette déclaration d'indépendance agira comme un levier et entraînera Québécoises et Québécois dans le sillage d'un avenir plus prometteur. Fini le statu quo!
    Affirmons-nous! Nous n'avons plus peur! Nous existons et nous le proclamerons haut et fort. De la parole aux actes, nous nous avancerons fièrement et en vainqueurs de notre propre léthargie. Nous sommes!

  • Archives de Vigile Répondre

    18 juin 2010

    Je suis d'accord avec votre proposition d'une déclaration unilatérale de l'indépendance du Québec par un gouvernement indépendantiste élu majoritairement. Après tout, n'est-ce-pas ce qu'a fait P.E. Trudeau qui a déclaré la nouvelle constitution du Canada sur la seule base de son élection majoritaire à la Chambre des communes. Jamais il n'a fait un référendum pour faire approuver son action. Et de plus, et le peuple du Québec et son Assemblée nationale étaient totalement opposés à son action. Alors, pourquoi ce ne serait pas possible pour le Québec?

  • Archives de Vigile Répondre

    18 juin 2010

    M. Gilson
    Quand vous parlez "de rester dans la fédération et d'obéir à une constitution qui a été rapatriée hors de notre vouloir populaire", vous soulignez le caractère unilatéral de la Constitution canadienne de 1982 de Trudeau. L'Assemblée nationale du Québec, au nom de la nation que forment "les Québécois dans un Canada uni" n'a jamais signé cette Constitution canadian.

    En contrepartie de ce caractère unilatéral d'une Constitution imposée par la nation canadian, vous souhaitez que l'Assemblée nationale du Québec composée en majorité de députés indépendantistes qui parlent au nom de la nation québécoise proclame unilatéralement l'indépendance.
    Car, dites-vous,"seule une déclaration libre et vraie peut mobiliser notre peuple. Ce qu’il faut bien considérer ici, c’est l’impact qu’une parole peut avoir sur un collectif, un groupe, une nation."
    Et vous ajoutez:
    "L’effet boule de neige de cette déclaration solennelle ne saurait être négligé car l’incrédulité populaire sera à son comble après tant d’années de promesses non tenues. Voir des Québécois se lever et proclamer unilatéralement cette indépendance aura cet effet de levier tant attendu sur notre inhibition collective.(...) cette proclamation de notre liberté sera tout simplement fondatrice.
    Je suis d'accord avec votre conclusion:
    "Nous avons cette chance maintenant au Québec d’accomplir cet acte de libération, de fonder ce pays libre" en proclamant unilatéralement notre indépendance par une déclaration solennelle de l'Assemblée nationale du Québec.
    Pas besoin de faire un référendum; un gouvernement formé par un parti qui se proclame ouvertement souverainiste, avant et pendant les élections, pourra se comporter en gouvernement souverainiste après les élections, après avoir été élu.
    Robert Barberis-Gervais, Marie-Victorin, 18 juin 2010