Conférence donnée à Beyrouth par Alain Ménargues
État des lieux
La terre sainte est aujourd’hui une véritable explosion permanente d’émotions.
Il y a d’un côté la haine absolue du faible, résultante d’injustice, de dépossession et
d’un profond sentiment d’abandon, le tout lié par la disparition de tout espoir.
Et en face
Il y a l’orgueil incommensurable, méprisant que donne le sentiment de puissance du fort, fragilisé cependant par une permanence de peur panique d’être chassé, détruit, broyé et de vivre dans la punition de l’Histoire.
Ces émotions sont volontairement et savamment entretenues, accentuées et développées au nom de Dieu, pour des raisons politiques.
Lors d’une fête de l’enfance, pour un reportage radio, j’ai demandé à rencontrer deux gosses d’une dizaine d’années parmi les élèves de l’école française de Jérusalem. Ma question était simple : que représentait la paix à leurs yeux :
La petite palestinienne de Ramallah m’a expliqué que la paix permettra à son père de reprendre son métier de guide dans la vieille ville et qu’ainsi elle pourrait remanger de la viande.
Le petit israélien de Méar Charif, fils d’une famille juive récemment arrivée d’Alsace, m’a répondu sous le regard admiratif de sa mère : « pour moi la paix ce sera le jour où les Arabes comprendront que Dieu nous a donné cette terre et qu’ils doivent partir ».
1/- La Société israélienne
La société israélienne pleine de paradoxes et de contradictions.
Tout d’abord, les 5 millions d’Israéliens ne constituent pas une société, mais des sociétés superposées. C’est un véritable mille feuilles de cultures, de langues, de références, d’ambitions opposées et parfois contradictoires.
Il y a les Juifs et les Arabes (20%), tous deux citoyens israéliens, avec deux cultures, deux religions, deux langues. Bien avant la création de l’État hébreu, ces deux sociétés existaient en parallèle : des quartiers distincts, des modèles d’éducation différents, et peu mixtes. Les enfants juifs fréquentaient les écoles juives, les arabes, les écoles arabes. Les premiers n’allant pas à l’école le samedi, les seconds, le vendredi. Et cela n’a pas changé.
Il y a les ashkénazes (juifs venus d’Europe de l’est) qui ont créé le pays et qui l’ont toujours dirigé et les Séfarades (juifs venus des pays arabes) qui ont pendant longtemps été écartés du pouvoir et le sont toujours. Il n’y a eu qu’un seul chef d’État major séfarade, Shaul Mofaz. Lorsque l’un d’eux devient ministre, ce qui est rare, cela fait la une de tous les journaux.
Sont venus s’ajouter les immigrants venus de la Russie soviétique, les « sov » comme on les surnomme péjorativement.
Ils représentent 20% de la population, parlent russe, ont leurs propres partis politiques, leurs journaux, leur télévision et leurs écoles en russe. Ils mangent russe, les enseignes dans leur quartier sont en cyrillique. Même la mafia israélienne – très puissante – est russe. Leur état d’esprit et leur comportement sont totalement à part. Ainsi par exemple dans l’armée aujourd’hui, tous les snipeurs, les tireurs d’élites sont des immigrants venus de Russie parce l’état major a remarqué qu’ils étaient plus calmes et avaient plus de sang froid que les autres Israéliens. La langue de leur réseau d’ordre est d’ailleurs le russe.
20% des 20% de ces russes ne sont pas juifs. Cela provoque régulièrement des difficultés. Après un attentat suicide dans une discothèque d’Ashqelon qui a fait plus de 28 morts, des rabbins ont refusé que l’on enterre dans des cimetières juifs des victimes russes parce qu’ils n’étaient pas sûrs qu’elles étaient juives.
Car il y a aussi les rivalités rabbinales et non des moindres. Le clergé juif est composé de Rabbins autonomes qui, souvent, selon leurs origines d’immigration, ont leur propre lecture et interprétation de la Torah qu’ils enseignent dans leurs écoles talmudiques. Ils ont des liturgies différentes et extrêmement strictes. Ils ont chacun leurs fidèles, leurs us et coutumes et leurs réseaux d’influences. Impossible à une femme d’une obédience d’épouser un homme d’une autre obédience. Ce serait immédiatement le bannissement de la communauté et de leur propre famille.
Le développement économique d’Israël est des plus remarqués. Il y a plus de 1000 millionnaires de moins de 30 ans. En 2006, malgré la guerre, leur PIB était à deux chiffres. Parmi les sociétés non américaines du Nasdaq : trois sociétés sont coréennes, cinq entreprises sont irlandaises, cinq sont immatriculées au Royaume-Uni et six au Japon et il y en a soixante-quatre en Israël.
En 2008 Israël a attiré plus de deux fois le capital-risque par citoyen que celui des États-Unis. Il a attiré 30 fois plus de liquidité que l’Europe continentale et 350 fois plus que l’Inde.
Et pourtant, le fossé entre riches et pauvres est abyssal. Il se décline d’ailleurs souvent en fonction des origines.
Même l’armée israélienne, pourtant objet de toutes les attentions depuis la guerre de 2006, connaît de sérieuses difficultés structurelles. On a souvent dit que c’était l’armée israélienne qui avait un pays et non Israël qui avait une armée, pour décrire sa place dans la nation. Que de changement !
Elle n’est plus l’ascenseur social qui permet aux porteurs de l’uniforme de trouver un emploi dans l’administration ou dans le Civil. Il faut savoir que certaines administrations constituent des emplois réservés parce considérés comme stratégiques. La compagnie des eaux est ainsi réservée aux retraités du MOSSAD, la compagnie de l’électricité à ceux du Shin Bet. Personne ne peut, du moins ne pouvait trouver un emploi sans avoir fait son service militaire.
Aujourd’hui c’est totalement différent. Les jeunes préfèrent entrer immédiatement dans la vie universitaire et dans la vie active en montant leurs propres entreprises. Beaucoup vont faire des études à l’étranger pour ne pas faire leur service militaire. Il y a deux universités à Sofia en Bulgarie fréquentées presque uniquement par des étudiants israéliens au point que Tel-Aviv y a monté une structure de protection.
Le chef d'État-major Gabi Ashkenazi a alerté le gouvernement sur la réduction du nombre de jeunes qui s'enrôlent dans l'armée. Le ministère de l’enseignement a mis en place un système pédagogique dans les écoles pour « encourager les jeunes à s’enrôler dans l'armée et à effectuer leur service militaire. »
L’armée n’attire plus comme école de formation malgré son haut degré de technologie. Israël a sans conteste une importante supériorité militaire. Son armée ne peut être vaincue par aucune autre de la région. Mais les évolutions technologiques paradoxalement peuvent jouer contre Israël. A l’heure des satellites, des guerres asymétriques et des missiles même rudimentaires, la possession des territoires occupés ne constitue plus une profondeur stratégique susceptible de protéger Israël. Depuis juillet/août 2006, les israéliens se sont rendu compte que leur puissance militaire n'est plus le gage de leur sécurité.
Cette superposition de contradictions a une conséquence politique :
Israël n’a pas de politique extérieure, elle n’a qu’une politique intérieure car il faut absolument maintenir une cohésion nationale.
Un confrère israélien a écrit deux ouvrages passionnants à ce sujet dont les titres sont révélateurs « Israël en danger de paix » et « Dieu est assis sur un baril de poudre »
Cette cohésion est faite de deux ciments fondés sur la peur :
La peur du futur avec le prétendu « mur de dangers » qui menace Israël et contre lequel les Israéliens sont sollicités.
La peur du passé avec le rappel incessant de la Shoah.
Et souvent les deux sont liés au gré des besoins.
L’utilisation de la Shoah dans l’inconscient collectif devient une question très politique aujourd’hui en Israël dans le débat qui touche à la légitimité d’Israël. Pendant longtemps certains idéologues de Tel-Aviv ont mis en avant un lien ténu entre Shoah et création de l’État.
Mais de plus en plus, ces dernières années, des Israéliens sont sensibles au danger que représente cette dépendance, car on alimente ainsi l’argument qui consiste à dire que ce sont les Palestiniens qui ont payé le prix du crime européen. Thèse d’ailleurs reprise régulièrement par le Président iranien Ahmadi Najad.
Concernant la peur du futur, l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin, avait déclaré lors de son investiture en 1992, que leur pays était militairement puissant, ne manquait pas d’amis, ne courait pas de risques, et qu’ils devaient donc cesser de penser et d’agir comme des victimes.
Lors de son message d’investiture, Benjamin Netanyahu, a affirmé, lui, que le monde entier est contre Israël et que les Israéliens risquent un nouvel Holocauste. Et ce message est jugé plus rassurant par les Israéliens selon les sondages.
2/- la société Palestinienne.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la société palestinienne est aussi divisée que celle des Israéliens ;
A Gaza il y a une division tribale importante. Elles sont 7 et contrôlent de fait tout le territoire. Un territoire de 1,7 million d’individus, dont la moyenne d’âge est de 17 ans et demi. Des jeunes sans références ni repères familiaux ou sociaux, qui vivent depuis des années dans la violence.
Un territoire de 1,7 million d’individus soumis à un blocus quasi-total depuis plus de 6 ans. Où la règle de vie est la simple survie.
Une véritable bombe humaine qui ne demande qu’à exploser.
I
ll y a en Cisjordanie la division entre les grandes familles de notables de l’intérieur qui dirigeaient la Palestine ancestrale et les cadres de l’OLP qui sont arrivés de l’extérieur dans les bagages d’Arafat lors de sa rentrée à Gaza puis en Cisjordanie. Les seconds sont surnommés « algériens » ou « tunisiens » par les premiers.
Les Palestiniens ont évolué depuis 20 ans. J’ai connu le temps où ils craignaient comme la peste le soldat juif qui parlait arabe, qui savait tout, qui était capable d’aller tuer Abou Jihad, le N°2 de l’OLP à Tunis, dans son lit, sans toucher son épouse qui dormait à ses côtés. A l’époque, il n’était pas question pour eux d’apprendre l’hébreu, le faire était honteux. Et puis les juifs parlaient arabe. Les générations sont passées. Les Israéliens ont de moins en moins parlé l’arabe et les Palestiniens ont été obligés de parler l’hébreu pour passer les check point ou plus simplement pour lire les étiquettes des boites de conserve qu’ils achetaient.
Cette inversion de connaissance linguistique leur a permis de lire la société israélienne, ce que les israéliens ne pouvaient plus faire directement. Cela a totalement changé les rapports des deux peuples. La peur du soldat a disparu chez les Palestiniens, le mépris et l’orgueil se sont développés chez les jeunes soldats de 18 ans qui ont le droit de vie et de mort aux barrages routiers.
Il y a la division politique Fatah / Hamas, Division avec des bannières religieuses islamistes mais en fait purement politique, le Fatah ayant hérité d’une conception de compromis d’Arafat, les seconds, lassés des compromis allant à la compromission, privilégiant la lutte armée.
Il faut se souvenir qu’aux débuts des années 1970, les services de renseignements israéliens ont ouvertement favorisé l’éclosion des factions islamistes pour affaiblir l’OLP de Yasser Arafat. Le gouverneur de Gaza, le général Segev, avait expliqué en 1973, je le cite : « Nous offrions un peu d’aide financière à certains groupes islamiques. Nous soutenions des mosquées et des écoles dans l’intention de développer une force de réaction contre les forces de gauche qui soutenaient l’OLP ».
On connait la suite…
Ces Palestiniens sont maintenus dans une activité économique de dépendance. Les Israéliens sont totalement maître des débouchés des productions palestiniennes, essentiellement agricoles. Ils dépendent du bon vouloir de l’occupant.
Pour le reste, ils vivent sous perfusion. Ceux qui parviennent à faire des études sur place n’ont qu’un rêve, échapper à la culture de la terre en émigrant, et en émigrant si possible en dehors du Monde arabe.
Car il faut savoir que la cause palestinienne n’a jamais été celle des pays arabes, et ce dès le début, lors de la naissance de l’État hébreu. La déclaration d’indépendance unilatérale d’Israël faite par Ben Gourion avait été immédiatement suivie de l’intervention des armées des États arabes voisins, officiellement pour empêcher la naissance de l’État juif. En fait, le roi Abdallah de Jordanie voulait récupérer le territoire prévu pour l’État arabe et les autres pays arabes voulaient l’en empêcher.
Le roi Abdallah passa un accord secret avec Golda Meïr le 17 novembre 1947 qui mit fin aux combats : la Légion arabe jordanienne ne devait pas franchir les frontières du territoire alloué à l’État juif en échange de l’annexion par la Jordanie de l’État arabe. Abdallah tint sa promesse....
Aujourd’hui, dans les deux territoires, la corruption est partout, ils sont le « Far West » sans shérif. Cependant, il y a bien une Autorité palestinienne :
Elle ne contrôle pas ses frontières pourtant elle dispose d'un service de douane haut de gamme créé et financé par les Européens.
Elle possède un ambitieux programme d'enregistrement de centaines de milliers de parcelles de terres, programme installé et financé par les pays du Nord de l’Europe, mais Israël ne cesse de les exproprier.
Ses policiers ne sont pas autorisés à circuler d'une ville à l'autre, mais ils peuvent partir se former à l'étranger.
La Palestine dispose d’un service informatique que de nombreux pays envient pour faciliter le commerce transfrontalier, améliorer la perception des taxes et adapter les pratiques locales aux standards internationaux de "bonne gouvernance". Mais les douaniers ne sont présents sur aucune frontière.
Ils n’ont pas le droit d’être au pont Allenby, le terminal avec la Jordanie, ni à Rafah, le point de passage entre Gaza et l'Egypte, ni au port israélien d'Ashdod, terminus des conteneurs à destination des territoires occupés.
Les taxes douanières des Palestiniens sont perçues par l’État hébreu qui refuse de les restituer à l’autorité palestinienne sous des prétextes divers et variés.
Piloté entre Ramallah, Bruxelles et Washington, le processus du "state building" (construction de l'État) mobilise une armada de 42 pays donateurs et 30 agences de développement des Nations Unies. Il conduit à l'émergence d'un État fantôme, doté d'une maîtrise grandissante de ses compétences régaliennes, mais qui est privé de tous les droits y afférents.
La revendication palestinienne a progressivement été vidée de toute substance politique pour être transformée par Israël en une simple question sécuritaire, de maintien de l’ordre régional et de lutte anti-terroriste globale
Le prix de la guerre n’est pas partagé
Dans ce conflit israélo-palestinien, la constante la plus délicate à résoudre c’est l’immobilisme total des rapports de forces. Ils ne changent jamais, notamment parce ce que ce conflit se déroule toujours dans les mêmes domaines : la force et la politique du fait accompli.
Cette situation, de plus, ne coûte pas cher aux Israéliens et même leur rapporte puisque Tel-Aviv essaie les nouvelles armes qu’elle construit et qu’elle met ensuite sur le marché comme c’est le cas des drones. Cela explique que les Israéliens ne se sentent pas pressés de résoudre le conflit.
Les Israéliens ne s’opposent pas aux efforts de paix du président d’Obama parce qu’ils ne l’aiment pas. Ils ne l’aiment pas à cause de ses efforts de paix.
C’est pourquoi le gouvernement et le peuple d’Israël répondent si violemment à toute pression extérieure pour un accord de paix impliquant le respect du droit international et des résolutions de l’ONU, appelant à un retour aux frontières d’avant la guerre de 1967. Une paix qui ferait simplement d’Israël ni plus ni moins qu’un pays comme les autres, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres.
J’estime que la réaction d’Israël aux efforts de paix n’est rien moins que pathologique. Elle est la conséquence d’une incapacité à s’adapter dans la normalité au retour dans l’histoire du peuple juif, doté d’un État qui lui soit propre, après 2000 ans d’impuissance et de victimisation.
C’est pour toutes ces raisons que nombreux sont ceux qui ne croient plus à la volonté de paix d’Israël
Il faut simplement se souvenir des négociations de paix de 1949. Dans une première phase, Tel-Aviv a effectivement fait une ouverture : le 12 mai, sa délégation ratifie, avec celles des États arabes, un protocole par lequel Israël reconnaît le droit à l’existence d’un État arabe en Palestine et le droit au retour des réfugiés, et les Arabes reconnaissent le droit à l’existence d’un État juif en Palestine.
Mais, ce même 12 mai, l’État juif est admis à l’ONU.
Dès lors, confiera Walter Eytan, codirecteur général du ministère israélien des Affaires étrangères, « mon principal objectif était de saper le protocole du 12 mai, que nous avions été contraints de signer dans le cadre de notre bataille pour être admis aux Nations Unies ». De fait, Israël s’opposera à tout retour des réfugiés palestiniens. Et pour cause : leur loi dite « propriétés abandonnées », une des premières votées par la Knesset, lui a permis de mettre la main sur les biens arabes. Selon un rapport officiel, le jeune État a ainsi récupéré trois cent mille hectares de terres; plus de quatre cents villes et villages arabes ont disparu ou sont devenu juifs.
Mais les choses commencent à changer et l’affaire de Gaza a été un accélérateur.
Israël doit maintenant faire face à de nouvelles stratégies juridiques, avec une multitude de procès de par le monde, notamment pour crimes de guerre. Il y a le rapport de Richard Goldstone. Les dirigeants ou militaires israéliens directement mis en causes ne peuvent se rendre dans certains pays sans risquer de se faire arrêter.
Il y a la stratégie du boycott des produits israéliens, non pas par des pays, mais par des individus alertés par internet, les désinvestissements de capitaux étrangers dans les entreprises israéliennes, les boycotts universitaires qui marginalisent les chercheurs israéliens, et depuis peu, les prises de position politiques comme vient de le faire l’Europe à propos de Jérusalem.
Et surtout derrière ces éléments nouveaux se profile une profonde lassitude de la communauté internationale vis-à-vis d’Israël.
3/- La proclamation unilatérale d’indépendance
Le 8 novembre dernier, le site du journal Haaretz, en anglais et en hébreu diffuse un article explosif. Le récit d'un accord secret passé entre le chef du gouvernement palestinien Salam Fayad et l'administration Obama.
Selon l’article, les États-Unis, par cet accord, s’engageraient à reconnaître l’indépendance unilatérale d'un État palestinien. Donc exit les négociations préalables exigées par Israël.
Le scénario décrit par le Haaretz précise que l'OLP, chaperonné par la Ligue arabe, demanderait à l'Assemblée Générale de l'ONU et au Conseil de Sécurité de reconnaître officiellement la souveraineté de la Palestine sur les frontières du 4 Juin 1967.
Les radios israéliennes ont immédiatement repris l’information mais la censure est intervenue et en quelques heures le site et les radios se sont tus.
Alors Info ou intox ? Peu importe. Une chose est sûre, cela a paru crédible aux yeux des dirigeants israéliens. Ces derniers savaient que bon nombre d’anciens responsables américains avaient cosigné une lettre secrète adressée à Barack Obama, le 13 septembre.
D’anciens dirigeants démocrates comme républicains parmi lesquels figurent des américains de confession juive affichée comme Zbigniew Brzezinski, Chuck Hagel, Lee H. Hamilton, Carla Hills, Nancy Kassebaum-Baker, Brent Scowcroft, Paul A. Volcker ou James D. Wolfensohn.
Le texte conseillait au président américain « d’aboutir rapidement à une paix israélo-arabe. Elle aiderait à éliminer ainsi une des sources majeures d’antiaméricanisme musulman global. Loin de constituer une diversion par rapport aux autres crises proche-orientales, un accord de paix israélo-palestinien contribuerait de manière significative à leur solution ».
Une telle déclaration d’indépendance palestinienne pourrait commencer à produire des effets de droit dès lors que les autres États reconnaissent juridiquement cette indépendance.
Sur les 192 États membres des Nations Unies, plus de 150 le feraient à l’évidence estiment les observateurs. La Palestine pourrait devenir rapidement le 193ème État de l’ONU.
Mais me direz-vous les États Unis s’y opposeraient. Et vous aurez raison au niveau du Conseil de sécurité. Mais pendant combien de temps ?
La multi polarisation du monde est en train de changer de nombreuses données. Elle ne joue pas en faveur d'Israël. Les États-Unis ont réalisé que leur suprématie n'est plus assurée. Ils doivent maintenant, de plus en plus composer avec d'autres puissances moins favorables à Israël.
L'émergence sur la scène internationale politique et économique de pays comme l'Afrique du Sud et le Brésil vient changer les termes du débat sur la question palestinienne. La Malaisie, l'Indonésie et d'autres pays émergents sont pro-Palestiniens non seulement parce qu'ils sont musulmans mais également parce qu'ils sont héritiers du non-alignement et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Et, contrairement aux pays arabes, ils sont moins dépendants stratégiquement des États-Unis et peuvent davantage faire valoir leur point de vue.
Réactions israéliennes
Benjamin Netanyahu a immédiatement vu le danger. Le jour même, c'est-à-dire le 8 novembre, il a mis en garde la direction palestinienne contre je cite « Toute action unilatérale défera la trame des accords passés et entraînera des actions unilatérales d’Israël ».
Dans la foulée, ses ministres sont montés au créneau pour énumérer l’annexion unilatérale de blocs de colonies en Cisjordanie, l’annulation les accords de paix d’Oslo de 1993, le rétablissement d’un certain nombre de barrages routiers retirés dernièrement.
Des représentants du gouvernement israéliens se sont envolés vers les capitales occidentales pour tenter d’assurer le rejet international du projet.
Mais des soutiens populaires se sont également exprimés venant de toutes les directions sur les sites web : journalistes, universitaires, militants d’ONG, leaders de la gauche israélienne
Manip/Communication
Car la cause palestinienne bénéficie aujourd’hui d’un mouvement de solidarité, notamment dans la jeunesse, comparable aux protestations contre la guerre du Vietnam à la fin des années 1960, mais cette fois ci avec toute la puissance d’internet dont bénéficient ceux qui sont présentés comme des victimes. Une information sur la toile met 7 secondes pour faire le tour de la terre, et elle peut être lue par 150 millions de personnes dans la demi-heure qui suit.
De plus, en termes médiatiques, le monde arabe a maintenant ses chaînes satellitaires montrant des images qu'on ne voyait pas auparavant. Des journaux occidentaux, y compris les journaux américains, ont rendu compte des souffrances des Palestiniens. Le terme a même été employé dans le discours d’Obama au Caire.
Israël est très préoccupé par le fait que les soutiens lui font de plus en plus défaut parmi les jeunes générations d’Europe et des États-Unis. La bataille de l'opinion devient difficile pour Israël, surtout dans le monde occidental.
Pour y faire face Tel Aviv a déployé une équipe de cybernautes chargés de « corriger » son image. Le département Hasbara (propagande) du ministère des Affaires étrangères israélien a mis sur pied une équipe clandestine spéciale de travailleurs rémunérés dont la fonction consistait à surfer sur Internet 24 heures sur 24 pour donner des informations favorables à Israël dans les sections interactives des sites, forums, chats, blogs, Twitters et Facebook.
C’est un site privé israélien giyus.org (Give Israel Your United Support) qui est chargé d’assurer la coordination entre le ministère des affaires étrangère et les cybernautes.
Giyus leur propose de télécharger un programme de veille intitulé Megaphone construit pour envoyer des alertes chaque fois qu’un article critiquant Israël est publié et propose des réponses toute faites rédigées par des fonctionnaires du ministère des affaires étrangères.
50.000 internautes l’ont téléchargé puis ont ensuite bombardé ceux qui critiquaient Israël de commentaires de soutien à Israël.
Conséquences juridique
L’une des premières conséquences d’une reconnaissance internationale de l’indépendance palestinienne est son entrée comme État membre à l’ONU. La Palestine aurait alors la possibilité de saisir la Cour Internationale de Justice. Ce qu’elle ne pouvait pas faire tant qu’elle n’était pas reconnue comme un État. Et même si en matière contentieuse Israël ne reconnaît pas la juridiction de la Cour Internationale de Justice, Tel Aviv n’en serait pas moins susceptible d’être condamnée comme ce fut le cas pour le mur dit de sécurité.
Cela aurait également pour conséquence immédiate de formaliser de manière très officielle la présence israélienne au delà de la fameuse ligne verte de 1967 comme une invasion militaire. L’État hébreu pourrait même être prié de se retirer des territoires occupés. Il serait par contre fort peu probable que le conseil de sécurité évoque l’article 7 de la charte de l’ONU pour contraindre Tel-Aviv par la force comme cela avait été fait pour les Irakiens au Koweït.
Le véto américain n’est jamais loin lorsqu’il s’agit d’Israël.
La déclaration d’indépendance unilatérale serait alors plus politique qu’autre chose
Devant le blocage persistant des négociations de paix, l'Autorité palestinienne évoque également depuis plusieurs semaines « la solution d'un seul État ».
Le constat est simple : L’Autorité palestinienne n’a jamais été, dans les faits, le futur gouvernement du futur État palestinien mais un appareil intégré aux structures de l’occupation.
Sa tâche essentielle a été de décharger Israël des attributions qui échoient, selon le droit international, à toute puissance occupante (éducation, santé, services sociaux…).
Arafat, puis Abbas ont tout accepté. Pour rien ! Le Mur et les colonies ont continué de s’étendre (500 000 colons aujourd’hui, soit 4 fois plus qu’en 1993), la judaïsation de Jérusalem s’est accélérée, les incursions israéliennes au cœur des zones « autonomes » sont quotidiennes…
Aujourd’hui, la dernière carte que peuvent faire jouer les Palestiniens, la seule vraie menace qu’ils peuvent soulever face au statu quo israélien d’occupation et de colonisation, c’est leur caractère apatride
C'est-à-dire que l’Autorité Palestinienne pourrait se dissoudre et remettre officiellement les « clés » de la Cisjordanie et de Gaza à Israël en acceptant le statut d’occupation.
Face à la Communauté internationale Israël serait forcé d’assumer ses responsabilités de puissance occupante en vertu des directives du droit international fixées par les Conventions de Genève.
Tel-Aviv serait alors confronté à une situation que l’État hébreu a toujours voulu éviter : des Palestiniens ne luttant plus pour une entité politique indépendante mais pour l’égalité totale des droits, au sein d’un même État.
Il semble également évident que la brusque dissolution de l’Autorité palestinienne aurait de fortes chances de provoquer un affrontement violent, soit entre le Hamas et le Fatah, soit entre les familles tribales pour un contrôle territorial local, ou encore aboutir à une troisième Intifada contre les Israéliens.
Israël pourrait bien entendu rejeter cette demande et refuser de reconnaître ses obligations, auquel cas la question serait transférée aux Nations unies.
Car Israël perçoit un État binational comme sa destruction – la conception sioniste de l’État juif implique à la fois le contrôle de la terre et une majorité juive en son sein.
Or, dans les années qui suivraient, il y aura dans le « Grand Israël » une majorité arabe, qui deviendra vite écrasante compte tenu de la différence de la croissance démographique entre les deux populations.
Conclusion
Israël et les Palestiniens sont arrivés au bout du bout sur le chemin de la paix.
Il leur faut maintenant non pas trouver une solution, elles ont toutes été mises sur la table. Il leur faut prendre des décisions et les imposer d’abord à leurs propres populations. Itzhak Rabin l’avait compris. Il a été assassiné par un des siens.
Jamais la supplique « Mon Dieu, protège moi de mes amis, mes ennemis je m’en occupe » n’a été aussi vraie.
La paix en Terre Sainte tient vraiment du miracle.
Terre Sainte : le miracle de la paix est-il crédible?
Conférence donnée à Beyrouth par Alain Ménargues
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