Surveillance numérique : le tour de passe-passe de l'Oncle Sam

Le Congrès américain a rogné les ailes du Patriot Act et de la NSA. Mais un autre texte, tout aussi intrusif, a été voté. Explications.

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Les grandes oreilles vous écoutent encore

Adopté en octobre 2001 à la suite des attentats du 11 Septembre, le Patriot Act n'est plus. Ce texte de loi américain, à l’origine de la notion de « combattant illégal », est depuis sa création sous le feu des critiques en raison des violations de droits qu’il autorise. Ainsi, cette loi permettait en pratique aux services gouvernementaux américains de détenir pendant une durée illimitée les individus soupçonnés de terrorisme ou d’accéder aux données informatiques détenues par des entreprises ou des particuliers sans que ceux-ci le sachent ou puissent s’y opposer. On retiendra par exemple la fameuse section 215, qui disposait que le gouvernement pouvait légalement saisir n’importe quelle donnée téléphonique ou mettre sur écoutes n’importe quel appareil électronique dans la mesure où le motif invoqué pour justifier ces mesures relevait de la lutte contre le terrorisme.
Dénoncée dès sa création aux États-Unis, la controverse s'est propagée à l'international à la suite des révélations du lanceur d'alerte Edward Snowden en 2013. D’autres affaires, comme le scandale des écoutes de dirigeants européens par la NSA, même si elles ne sont pas directement liées au Patriot Act, ont contribué à créer un sentiment de défiance vis-à-vis des agences gouvernementales américaines et de leurs méthodes.
Voté à l'origine pour une période de quatre ans, le Patriot Act avait jusqu'à présent toujours été prorogé, jusqu'au 31 mai 2015, date à laquelle le Sénat américain, sous la pression de l'opinion publique, ne l'a pas renouvellé. Comme l'a souligné alors le New York Times, «à partir de lundi, tout le monde peut de nouveau appeler ses amis, ses amants, son livreur de pizza sans que les traces des coups de fil soient stockées sur les serveurs de la NSA ».
Freedom Act
La fin du Patriot Act ne concerne pas que les États-Unis. En effet, la loi américaine a de facto été utilisée par la plupart des puissances occidentales, soit comme étalon de leurs propres dispositions législatives, soit comme moyen détourné de collecter des informations sur leurs ressortissants en faisant jouer leurs accords de coopération avec les États-Unis. Ainsi, en France, certains opposants à la loi sur le renseignement (en discussion actuellement au Sénat) estiment que ce texte reflète les craintes des services de sécurité français de ne plus pouvoir compter sur Washington pour récolter les informations informatiques dont ils ont besoin.
Cependant, la DGSI et la DGSE n’ont pas beaucoup de soucis à se faire. Quarante-huit heures après l'extinction du Patriot Act, les sénateurs ont adopté un nouveau texte, le Freedom Act, par 67 voix contre 32. S’il est plus contraignant pour les autorités que son grand-frère, ce nouveau texte préserve néanmoins la capacité des agences gouvernementales à collecter les données qu’elles souhaitent. Désormais, c’est aux opérateurs télécoms d’enregistrer les informations, les services de renseignements devant obtenir l’aval d’un juge avant de pouvoir récupérer ces données.
Censé éviter les abus et les scandales soulevés par le Patriot Act, le Freedom Act est dénoncé par les groupes de défense des libertés numériques->https://www.fightforthefuture.org/], qui le trouvent encore trop abusif. La principale pierre d'achoppement avec le gouvernement concerne le manque de transparence des critères qui permettront aux tribunaux d’autoriser une mise sur écoutes. Comme le [souligne l’ex-juge de la Cour supérieure du New Jersey Andrew P. Napolitano, opposé à la loi, «le soi-disant Freedom Act légitimerait l’espionnage universel, chose que le Patriot Act n’a pas réussi à faire. Il ne s’agit pas d’une protection de la vie privée ; il ne s’agit pas d’une protection des libertés fondamentales […]. Comment savons-nous que le Freedom Act n’est qu’un pis-aller ? Parce que la NSA le soutient".


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