Sur le dos des enfants

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Le bonnet d'âne à Bolduc

En 2009, le gouvernement Charest avait reçu très favorablement le rapport d’un groupe sur la persévérance scolaire dirigé par Jacques Ménard, qui avait recommandé, notamment, de réduire le nombre d’élèves par classe, mesure jugée primordiale pour la réussite des jeunes. La ministre de l’époque, Michelle Courchesne, avait alors décidé de diminuer le nombre d’élèves dans les classes.
À peine cinq ans plus tard, que fait le gouvernement Couillard ? Il annonce que par mesure d’économie, on augmentera la tâche des enseignants et le nombre d’élèves par classe. Bonjour la cohérence !
Le ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, qui s’est illustré à ce poste par quelques déclarations étranges, mérite cette fois carrément le bonnet d’âne pour appliquer aussi docilement une telle mesure contraire au gros bon sens. Pire encore, il affirme qu’il n’existe pas de lien entre surpopulation des classes et réussite scolaire. Cela devient troublant : la lutte dogmatique contre le déficit de ce gouvernement lui fait perdre, par moment, le sens commun.
Nous dira-t-on bientôt que le nombre de préposés aux bénéficiaires n’a aucune incidence sur l’hygiène des patients dans les CHSLD ? Que le nombre de gardiens de prison n’a pas de lien avec la sécurité dans les prisons ? Ou que la quantité d’abrasif versé sur les autoroutes n’aura aucun impact sur le nombre de sorties de route ?
Yves Bolduc, doit-on le lui rappeler, est ministre de l’Éducation. Il a, bien sûr, un devoir de solidarité envers son gouvernement, mais son rôle premier est de protéger et de préserver l’instruction publique, pas de répondre benoîtement aux commandes de compressions sans se préoccuper des répercussions à court et, surtout, à long terme.
Le plus surréaliste, c’est non seulement qu’il nie les effets négatifs d’une telle décision, mais qu’il affirme, comme il le fait à chaque coupe, que cela ne doit pas priver les élèves de services. La bonne blague.
Yves Bolduc, donc, ne voit pas de lien de cause à effet entre augmentation du nombre d’élèves dans les classes et réussite scolaire. En moins de cinq minutes, j’ai trouvé sur Google plusieurs études sur la question, dont celle du Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante et celle de la Chaire de recherche de la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke sur la réussite et la persévérance scolaires, qui, elles-mêmes, citent de nombreuses études internationales et canadiennes. Elles arrivent toutes à la conclusion que la surpopulation dans les classes est un des principaux facteurs nuisibles à la transmission du savoir.
Le ministre de l’Éducation veut, par ailleurs, que les enseignants travaillent plus (pour le même salaire, évidemment). Pour reprendre l’expression du premier ministre Couillard à propos de l’austérité, le nombre d’heures travaillées par les enseignants est une vue de l’esprit. Ils devront dorénavant faire 35 heures au lieu de 32, a décidé Québec.
Mais qui a dit que les profs du primaire et du secondaire ne font que 32 heures par semaine ? Si M. Bolduc se donnait la peine de parler avec quelques enseignants, il saurait que leur horaire est beaucoup plus lourd que ça et qu’ils travaillent déjà un grand nombre d’heures bénévolement pour préparer leur classe, pour corriger les travaux de leurs élèves, pour organiser des sorties, pour rencontrer des parents. Surtout, les enseignants pallient chaque semaine le manque de ressources, en psychoéducation, notamment. Et on leur demande d’en faire plus pour moins ? Leur dira-t-on, comme le gouvernement le dit aux médecins omnipraticiens, qu’ils ne travaillent pas assez ?
Au Québec, le métier d’enseignant est déjà dévalorisé et de moins en moins attirant. Les nouvelles mesures ne feront qu’aggraver la situation.
Le ministre Bolduc sait-il que 20 % des jeunes profs abandonnent la profession dans les cinq premières années de pratique ? Que 19 % d’entre eux (elles, en fait, surtout) jugent mauvaise ou médiocre leur santé mentale, 35 % se disent vidés après leur journée de travail ? Que la détresse psychologique et l’épuisement professionnel sont plus élevés dans cette profession que dans les autres ?
Ces données, facilement disponibles aussi sur le web, proviennent d’une étude de l’École nationale d’administration publique publiée en 2010. Voici un extrait de sa conclusion : « Plusieurs facteurs furent identifiés afin d’expliquer ces résultats. Deux facteurs organisationnels semblent se distinguer de par leur importance dans la prédiction de l’épuisement professionnel des enseignants : la charge de travail élevée et les difficultés liées à la gestion de classe. Le manque de temps pour la préparation des cours, le rythme effréné des journées, les contraintes de temps, la quantité trop importante de paperasse administrative à remplir et la charge de travail en général trop élevée sont des éléments responsables de l’état de santé des enseignants. »
Le gouvernement veut épargner de l’argent avec ces décisions. Combien il en coûte à une société, à long terme, qui sabote l’éducation de ses enfants ?
LES CHARLOTS À L’HÔTEL DE VILLE
Le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, qui veut défendre les citoyens contre les maires qui les prennent pour des crétins, devrait peut-être s’intéresser à Jean Tremblay, à Saguenay, et à Régis Labeaume, à Québec.
Le premier vient de couper complètement le budget de l’opposition par un tour de passe-passe grotesque ; le second est revenu de Rome et des États-Unis avec des frais d’itinérance de plus de… 20 000 $ pour son téléphone et sa tablette.
« On n’a pas d’argent », a dit le premier. « Je ne comprends pas comment ça marche », a dit le second.
J’écrivais samedi que Québec ne devrait pas s’immiscer dans la gestion des municipalités. Je suis prêt à faire une exception pour les roitelets démagos de province.


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