Personne ne voudra nier à Stéphane Dion ses qualités intellectuelles. Personne, surtout pas ses adversaires souverainistes, ne niera sa ténacité. Tant aux Affaires constitutionnelles qu'à l'Environnement, il fut un bon ministre. Mais il n'a vraiment pas l'étoffe d'un chef. C'est pour cela qu'il me fait penser à Claude Ryan.
Cet ancien directeur du Devoir, confident de tous les premiers ministres et ami des grands universitaires - dont le père de Stéphane Dion! - est devenu chef du Parti libéral du Québec en avril 1978. À l'époque, le parti de Robert Bourassa était décimé, miné par les scandales et une défaite humiliante face au Parti québécois de René Lévesque. Les libéraux l'avaient choisi parce que son image impeccable allait aider à la réhabilitation du PLQ. Ce qu'il fit d'ailleurs.
Mais il se révéla aussi un fort mauvais chef. Si mauvais qu'il dut accepter, de bien mauvaise grâce, l'aide de Jean Chrétien pendant la campagne référendaire de mai 1980. En 1982, après avoir perdu les élections, il dut céder sa place à Robert Bourassa qui en fit le ministre le plus important de son gouvernement.
Leader pâle
Depuis 15 mois qu'il est chef de son parti, Stéphane Dion n'a pas réussi à s'imposer. C'est ce qui le perdra d'ailleurs: la pâleur de son leadership permet aux vraies étoiles du PLC - Michael Ignatieff, Bob Rae, Gérard Kennedy, et même Denis Coderre - de briller. Il ne manquera pas de prétendants lorsqu'il quittera son trône.
Le chef a aussi multiplié les erreurs comme le refus de laisser Marc Garneau - l'un des candidats les plus populaires dans son parti -, se présenter dans Outremont, et sa volonté d'imposer Jocelyn Coulon le mal-aimé, ont marqué le début de sa déchéance. Par la suite, non seulement personne n'a voulu du poste de lieutenant et organisateur en chef au Québec, mais Stéphane Dion s'est rabattu sur la sénatrice Céline Hervieux-Payette, la décision la plus mauvaise de toutes. Qu'on ne s'étonne pas que le parti ne soit pas prêt à tenir des élections: élue en 1979 mais battue en 1984, Mme Hervieux-Payette n'a pas eu une carrière très brillante aux Communes, survivant à l'aide d'intrigues dans les diverses courses à la direction du parti. Battue à deux reprises en 1988 et en 1993, elle est confortablement installée au Sénat depuis 1995. On disait de Claude Ryan qu'il ne savait pas choisir ses lieutenants. On dira la même chose de Stéphane Dion.
Aveu d'impuissance
Cette semaine, c'est un triste aveu d'impuissance qu'il a fait en disant que le troisième Budget des conservateurs n'était pas bon mais qu'il ne justifiait pas le renversement du gouvernement. Ce que dit Stéphane Dion, c'est qu'il n'a rien de mieux à proposer! C'est d'autant plus regrettable que, je le crois, il avait une chance de gagner ces élections et de devenir premier ministre du Canada, quoique minoritaire. Dans une campagne électorale, on se rendrait vite compte que l'équipe libérale - avec les Ignatieff, Rae, Kennedy, Garneau, et autres - est supérieure en qualité et en expérience à l'équipe conservatrice. C'est ce que Dion pensait lui aussi mais ce sont les députés eux-mêmes qui ont refusé de suivre leur chef - le fait que plus de la moitié d'entre eux, en particulier les dizaines de libéraux élus en 2004, n'aient pas encore siégé assez longtemps pour avoir droit à la retraite, y est sûrement pour quelque chose.
Stéphane Dion semble donc avoir accepté que le gouvernement reste en place jusqu'à la date de la prochaine élection fixée au 19 octobre 2009. Ce faisant, il donne au Parti libéral du Canada 19 beaux mois pour le remplacer...
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