À propos du français dans les commerces

Quant à ceux qui se demanderaient quelle est cette journaliste, Noée Murchison, par qui tout le scandale arrive, je me permets de citer ici le petit portrait que j’en ai dressé ce matin…

Le français à Montréal


Je ne veux surtout pas en rajouter aux commentaires de mon collègue Pierre Cayouette (15 et 17) que je trouve à point, bien envoyés et courageux. Il se trouve qu’ayant moi-même travaillé pour des journaux de Gesca, et publiant une chronique hebdomadaire dans les deux quotidiens de Quebecor, j’ai observé cette guerre des journalistes avec désolation. Je me permets d’aller plus loin : la guerre est souvent déclarée par La Presse malheureusement. En nourrissant cette guerre entre journaux – à laquelle les lecteurs ne comprennent rien d’ailleurs – on divise les Québécois en deux classes qu’on dresse les unes contre les autres : ceux qui lisent La Presse et ceux qui lisent Le Journal. Un certain commissaire Gérard Bouchard a fait cette même distinction : les pauvres citoyens mal informés parce qu’ils regardent TVA et TQS et les autres.La campagne de La Presse contre Le Journal procède du même mépris.
Quant à ceux qui se demanderaient quelle est cette journaliste, Noée Murchison, par qui tout le scandale arrive, je me permets de citer ici le petit portrait que j’en ai dressé ce matin…
Pas mal pour une journaliste surnuméraire qui n’a que cinq mois de métier : une semaine de polémique, des chefs politiques obligés de réagir, et la concurrence qui s’énerve au point de pointer trois gros canons sur le Journal du haut de sa première page. Mais qui est cette Noée Murchison ? Ou plutôt, que n’est-elle pas ?
Serait-elle l’égérie d’un grand complot «séparatiste» de Quebecor Media ? Elle est pourtant ce qu’on appellerait une anglophone. Son papa, anglophone de Toronto mais francophile, avait beau parler français avec les enfants à la maison, il a tout de même envoyé la jeune Noée dans des écoles anglaises de Montreal au primaire et au secondaire, jusqu’à l’âge de 15 ans. Un peu ‘drop out’, la jeune fille n’est revenue aux études qu’à l’âge de 20 ans. Après son Cégep, elle s’est d’abord inscrite en journalisme à l’université Concordia, mais elle, «voulait travailler avec la majorité» et s’est plutôt inscrite en Sciences politiques à l’UQAM. Le plus drôle de toute cette histoire c’est que la jeune Murchison a conduit son enquête sous la supervision de George Kalogerakis qui, malgré son nom, est un vrai anglophone lui aussi et qui, avant d’être directeur de l’information au Journal, a travaillé pour le Ottawa Citozen et… The Montreal Gazette. Faut croire que la journaliste et son patron parlaient de ce qu’ils connaissent bien en enquêtant sur la langue d’usage des commerces du centre-ville…
Un collègue de La Presse parle, en passant, de «la charmante journaliste à l’œil pétillant». « J’ai quand même étudié en Sciences politique, proteste la jeune femme de 26 ans. Qu’on n’ait retenu que cela, c’est un peu fâchant !» D’autant plus fâchant que la dame en question est aussi mère de trois enfants et qu’elle en arrache, comme toutes les jeunes mères de famille, entre son travail de journaliste, les travaux de la maison et les enfants à la garderie. Elle a donc doublement de mérite à être «charmante» et à garder l’œil pétillant !
Et elle n’est pas non plus du genre à bâcler son enquête. Pour en arriver à des conclusions que tout le monde accepte – oui, il y a du relâchement dans l’application de la Charte de la langue française dans les commerces de Montréal tout comme dans les Forces armées canadiennes comme le suggérait une manchette de
La Presse cette semaine, un journal sérieux cela va sans dire… - pour en arriver à ces conclusions donc, Noée Murchison a distribué 97 curriculum vitae dans autant de commerces, dont 32 le premier jour de son enquête, en novembre dernier. Elle a dû en marcher un coup ! Elle avait convenu de s’imposer de travailler au moins quatre quarts de travail dans chaque endroit pour ne pas rester sur une première impression. Il lui aura fallu sept semaines, en tout, pour observer, interroger et retourner à chacun de ses employeurs pour leur demander de s’expliquer.
Mais serait-elle tête en l’air, cette jeune journaliste ? Elle n’a même pas six mois d’expérience après tout et elle saute peut-être un peu vite aux conclusions, comme tous les jeunes qui commencent dans le métier… Quand je lui ai demandé ses impressions cette semaine, elle ne tarissait pas de bons mots pour ses ex-employeurs, des gens qu’elle jugeait «très tolérants et gentils qui voulaient donner une chance à de jeunes employés !» Elle s’est même excusée en expliquant aux uns et aux autres, après un ou deux jours de travail, qu’elle ne pourrait pas continuer à travailler pour eux.
Tout de même, bien qu’elle travaille pour le Journal, elle reste une anglophone : ses enfants vont donc à l’école anglaise et elle s’inquiétait un peu de la réaction des professeurs ou de leurs petits camarades à la tempête qu’elle avait soulevée. La directrice de la garderie où vont les petits, elle-même anglophone, l’a félicitée ! «It even hit The Gazette», dit la dame pour qui c’était sans doute une forme de consécration. La dame était surprise de la facilité avec laquelle la jeune mère de famille avait trouvé un emploi : ses enfants sont dyslexiques et, éprouvant des difficultés à apprendre le français, ils n’arrivent pas à trouver d’emploi, eux !
Samedi dernier, après avoir remis ses articles à ses patrons, Noée Murchison alla avec une amie dans des magasins du centre-ville pour s’acheter quelques vêtements. Coquette, elle voulait bien paraître à la télévision où on ne manquerait pas de lui demander de parler de son enquête. Même si elle parlait en français avec son amie, elle se fit servir en anglais uniquement partout où elle passa ! Elle en rit encore… «Mais pourquoi évacuer cette situation si c’est la réalité ?», se demande-t-elle soudain d’une voix grave.
Enfin, puisque le sujet vous intéresse, ne manquez pas[ la chronique de Denise Bombardier dans Le Devoir de ce matin->11265]. Good shot, Denise!
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