Les blessés de la tuerie de la grande mosquée et les leaders de la communauté musulmane de Québec ont exprimé, vendredi, leur « surprise », leur « consternation » et leur « déception » face à un jugement qu’ils entendent bien contester en appel.
« Nous sommes dans la consternation et la surprise totales. Sincèrement, on est complètement estomaqués », s’est exprimé Boufeldja Benabdallah, président du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), avec une voix tremblante et très émue, à peine une heure après l’annonce de la sentence de Bissonnette.
Selon M. Benabdallah, « il y a eu beaucoup plus d’expression de dignité du meurtrier qui a dominé toute la dignité de ceux qui ont perdu les leurs [...] Cette dignité est à deux vitesses, et c’est vraiment dommage ».
Ce dernier était entouré de plusieurs membres de la communauté musulmane, dont deux des rescapés ayant subi les blessures les plus graves à la suite de l’attaque meurtrière.
En fauteuil roulant, Aymen Derbali a pris la parole en s’exprimant d’une voix faible, mais déterminée.
« J’ai été très déçu et surpris, à tel point (que j’ai failli) m’évanouir, a-t-il indiqué. J’aurais aimé que la justice soit rendue à toutes les victimes et que la sentence soit à la hauteur du crime perpétré. »
Aussi amer, Saïd El-Amari, autre survivant de l’attaque, a signalé « qu’aujourd’hui, un citoyen musulman canadien vaut moins qu’un autre citoyen [...] Je suis estomaqué, je suis abasourdi, je suis choqué ».
Vers un appel?
Mohamed Labidi, administrateur et ancien président du CCIQ, a formellement demandé à la Couronne de faire appel.
« Mon souhait et le souhait de toute une communauté est que cette cause soit portée en appel. J’invite la Couronne à porter la cause en appel. Nous, on n’est pas contents de cette décision. On refuse cette décision », a-t-il insisté. De son côté, l’imam Hussein Guillet a affirmé que « dans 40 ans, Bissonnette aura 67 ans [...] Les orphelins (des six victimes) seront très probablement encore en vie. Et le débat sera rouvert ».
À la sortie de la salle d’audience du palais de justice de Québec, les veuves des victimes essuyaient leurs larmes et hochaient la tête en signe de désapprobation de la sentence.
Extrêmement émues en cours de journée, la veuve et une des filles d’Azzedine Soufiane, une des six victimes, ont dû quitter la salle d’audience pendant quelques minutes lorsque le juge lisait sa décision.
Silencieux
Présents à la salle, les parents d’Alexandre Bissonnette n’ont pas voulu s’adresser aux médias. La mère du tueur a pleuré à plusieurs reprises, particulièrement lorsque le juge a décrit l’adolescence difficile de son fils.
Ce qu'ils ont dit
« Que ce soit 40 ans ou 100 ans, ça ne ramènera pas les 6 papas que les familles ont perdus. C’est tellement triste. Écoutez, je pense que le tribunal, ils connaissent ça, ils ont comparé et puis ils ont évalué. Ils ont donné 40 ans minimum. Je pense qu’il faut respecter cette décision-là ».
— François Legault, premier ministre du Québec
« Nous sommes déçus et surpris de la décision de la Cour supérieure. Nous verrons quelles seront les suites des procédures. »
— Megda Belkacemi, fille de Khaled Belkacemi, une des six victimes de la tuerie.
« Je respecte la décision du juge. (Mais dans 40 ans), les orphelins pourraient rencontrer le tueur de leur papa dans un supermarché. C’est ce qui me touche. C’est très dur. »
— Ahmed Cheddadi, un des rescapés de la tuerie.
« Mes pensées vont vers les familles des victimes de ce drame. Je souhaite que ce verdict leur permette de faire leur deuil et qu’ils puissent poursuivre sereinement la commémoration de leurs proches disparus. »
— Régis Labeaume, maire de Québec, par communiqué de presse
« Il n’y a aucune peine, que ce soit 25 ans ou 150 ans, qui ramènerait les personnes mortes à leurs familles. »
— Ihsaan Gardee, porte-parole du Conseil national des musulmans canadiens.