Depuis deux semaines, le minuscule Liban est pilonné de la terre, de la mer et du haut des airs par des bombes, des obus et des missiles de haute technologie. Ses côtes font l'objet d'un blocus, son aéroport est en miettes. Plus de soixante ponts ont été détruits; des routes, des écoles, des ports, des églises, des mosquées, des dépôts de céréales, des tours de téléphone, de radio et de télévision, des ambulances, des centrales électriques, des dépôts de carburant, un hôpital, une usine de lait, une usine pharmaceutique et des pâtés de maisons entiers de quartiers résidentiels ont été pulvérisés. De leurs mains nues, des parents tentent frénétiquement de libérer ceux des leurs qui sont enterrés vivants.
D'après les sources officielles, 384 civils libanais sont morts, un tiers d'entre eux sont des enfants, il y a des blessés par milliers, quelque 800 000 sans-abris. Les chiffres augmentent chaque jour.
Un million de touristes, d'expatriés et de «snowbirds», y compris à peu près 50 000 Canadiens, se sont retrouvés coincés dans le pays.
Le gouvernement israélien a déclaré que le bombardement de son voisin est une réaction à la capture de deux de ses soldats par des guérilleros du Hezbollah agissant à partir du Liban et que ses opérations vont continuer jusqu'à nouvel ordre. Dix-sept civils israéliens ont été tués par des obus tirés du Liban après qu'Israël eut commencé ses bombardements.
Le premier ministre du Liban supplie qu'on lui accorde une intervention internationale et la cessation des hostilités, disant que son pays a souffert «des pertes inimaginables» et est «déchiré en lambeaux».
Jan Egeland, coordinateur des secours d'urgence de l'ONU, a qualifié les bombardements d'«horrifiants» et de «violation du droit humanitaire». Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, exige un cessez-le-feu immédiat: «Le recours excessif à la force doit être condamné. L'usage disproportionné de la force par Israël et sa punition collective du peuple libanais doivent cesser».
Le Haut Commissaire des Nations unies pour les Droits de l'Homme, Louise Arbour, a
émis un avertissement à propos des crimes de guerre. «Le droit international exige la responsabilité. Le nombre de morts dans la région et leur caractère prévisible pourrait engager la responsabilité pénale personnelle des personnes impliquées, en particulier de celles aux postes de commande et de contrôle».
Le Canada est un membre fondateur des Nations unies avec une longue histoire d'engagement actif dans les affaires internationales, le maintien de la paix et la médiation. L'actuel gouvernement canadien a été élu récemment avec la promesse de «se tenir debout pour le Canada».
Face à une situation où 50 000 Canadiens étaient exposés au danger, quelle a été la réaction du gouvernement? Le nouvel ambassadeur du Canada auprès de l'ONU, John McNee, a dit au Conseil de sécurité que l'action d'Israël au Liban «était un exercice du droit à l'autodéfense». Le ministre des Affaires étrangères, Peter MacKay, a refusé tout net d'endosser l'appel du secrétaire général à un cessez-le-feu. Le premier ministre Stephen Harper a déclaré: «La réaction d'Israël a été mesurée, vu les circonstances». Il a annoncé qu'il était «trop tôt» pour en appeler à un cessez-le-feu. Ces paroles représentaient en substance un feu vert du Canada pour que le bombardement continue.
Huit Canadiens en visite, dont quatre enfants, ont été tués par des bombes israéliennes. Le gouvernement canadien n'a émis aucune protestation. Est-ce cela que M. Harper entend par «se tenir debout pour le Canada.»?
Chacun peut saisir la difficulté de mettre en œuvre une évacuation de masse sous les bombes; ce qui n'est ni compréhensible, ni pardonnable, c'est le refus de notre gouvernement d'exiger la fin des hostilités générant le chaos et la souffrance.
La misérable réaction du gouvernement Harper au meurtre de Canadiens et son refus d'exiger la fin des bombardements constituent un abandon de son devoir de protéger les Canadiens et de défendre le règne du droit au nom de toute l'humanité.
M. Harper ignore-t-il que 400 000 Palestiniens chassés de leurs terres ont vécu pendant des décennies dans des camps de réfugiés au Liban; qu'Israël franchit les frontières, enlève et assassine des Palestiniens, y compris des dirigeants élus, de façon routinière; qu'il détient plus de 9 000 personnes dans ses prisons, dont des Libanais?
Parallèle avec l'IRA
Si l'on accepte la thèse de M. Harper selon laquelle le Hezbollah est une organisation terroriste, alors une comparaison pourrait être effectuée avec un scénario où la Grande-Bretagne réagirait à la capture de deux de ses soldats par l'IRA en Irlande du Nord en réduisant en ruines l'aéroport de Dublin et le reste des infrastructures de l'Irlande. Qui pourrait défendre une telle chose comme une réaction «mesurée»?
Gideon Levy, écrivant dans le journal israélien Haaretz, a dit : «À Gaza, un soldat est enlevé de l'armée d'un État qui enlève fréquemment des civils dans leurs foyers et les enferme pour des années sans procès - mais c'est seulement nous qui avons le droit de faire cela. Et c'est seulement nous qui avons le droit de bombarder des centres de population civile».
Que ce soit pour des raisons religieuses ou idéologiques, notre gouvernement à Ottawa s'est rangé sans aucun esprit critique du côté d‘un gouvernement étranger, en l'occurrence celui d'Israël, aux dépens de nos propres intérêts nationaux en tant que Canadiens et en tant que membres de la communauté internationale respectueux de ses lois.
David Orchard
Fermier à Borden en Saskatchewan, l'auteur a été deux fois candidat de l'ancien Parti progressiste-conservateur du Canada. Il est maintenant membre du Parti libéral.
«Se tenir debout pour le Canada?»
Géopolitique — Proche-Orient
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David Orchard est l'auteur de Hors des griffes de l'aigle. Quatre siècles de résistance canadienne à l'expansionnisme américain. (Traduit par Monique Perrin d'Arloz. Westmount QC: Éditions Multimédia Robert Davies, 1998.) Il est un fermier de la Sas...
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David Orchard est l'auteur de Hors des griffes de l'aigle. Quatre siècles de résistance canadienne à l'expansionnisme américain. (Traduit par Monique Perrin d'Arloz. Westmount QC: Éditions Multimédia Robert Davies, 1998.) Il est un fermier de la Saskatchewan.
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