Se disputer les restes du Bloc québécois

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Scheer profitera des mésaventures du Bloc

Pas besoin d’épiloguer longtemps sur la crise et le schisme qui déchirent le Bloc québécois depuis des semaines.


Presque balayé en 2011 par la vague orange néo-démocrate, aux élections fédérales de 2015, le Bloc avait réussi à faire élire 10 députés grâce en bonne partie au retour temporaire de son ancien chef Gilles Duceppe pour faire campagne.


Or, dans les faits, cette mince récolte de 10 députés masquait l’essentiel. Soit que c’était encore bien peu. Trop peu même pour être un parti reconnu officiellement à la Chambre des communes. Le Bloc tenait par un fil, mais rares étaient ceux qui osaient le dire ouvertement.


Invitée à Tout le monde en parle à quelques jours de l'élection fédérale de 2015, la question m'avait été posée: quel était ma prédiction pour le Bloc à l'élection? Sans faire de prédiction, j'avançais tout simplement ceci. Soit que le plus grand danger qui guettait le Bloc, à mon humble avis, n'était pas tant sa disparition à l'élection que la possibilité qu'il fasse plutôt élire quelques députés et que, ce faisant, il prolonge ainsi son agonie pour un autre mandat. Alors, nous y voici.


Le schisme actuel et l’entêtement de la cheffe Martine Ouellet à s’accrocher malgré le départ de 7 députés bloquistes sur 10 risquent en effet de sonner le glas du Bloc au scrutin de 2019.


Dans un tel contexte, il n’y a rien d’étonnant à voir les autres partis politiques fédéraux se disputer déjà les restes du Bloc.


Toujours populaire au Québec malgré une baisse des appuis au PLC à travers le Canada anglais, Justin Trudeau vise sûrement quelques comtés bloquistes pour 2019.


Idem pour le NPD et maintenant, même pour le Parti conservateur.


(Rappelons que selon un récent sondage Léger/Le Journal, le PLC et le Parti conservateur seraient maintenant nez-à-nez au Canada alors qu’au Québec, le Bloc aurait chuté à 12%.)


***


Flairant, croit-il, la bonne occasion, le nouveau chef conservateur, Andrew Scheer, saute dans l’arène.


Dans une lettre ouverte, il lance son invitation aux Québécois : «Ensemble, construisons le Canada de demain».


Tout comme Stephen Harper le disait souvent, M. Scheer reprend d'ailleurs le même refrain : «Je suis convaincu que de nombreux Québécois croient aux principes conservateurs. (...) vous voulez que le gouvernement fédéral respecte les champs de compétence des provinces et ses obligations envers nos partenaires provinciaux, et travaille en collaboration avec eux. (...) Ces éléments font tous partie de notre vision conservatrice positive pour le Canada. Je sais que de nombreux Québécoises et Québécois soutiennent ces principes et veulent un gouvernement responsable qui les respecte


Paroles, paroles, paroles, comme dit la chanson... Rien de nouveau sous le soleil et surtout, rien de concret.


Pendant ce temps-là, le NPD de Jagmeet Singh met tout au moins un peu de chair autour de l'os. En plus d'endosser la position traditionnelle du NPD quant au respect du droit des Québécois à l'auto-détermination, le chef néo-démocrate s'insurge contre les paradis fiscaux, s'oppose au congé de taxes dont profitent les géants du web comme Netflix sous le gouvernement Trudeau, promet de rouvrir la constitution et de remettre au Québec la responsabilité de demander un seul rapport d'impôts à ses citoyens, etc. Même si le NPD est loin de la possibilité même de prendre le pouvoir, ses positions favorables au Québec sont néanmoins courageuses face aux électeurs du reste du pays.


Rien de tel, ou si peu, chez Andrew Scheer.


***


Si jamais le Bloc se retrouve réduit à une peau de chagrin au scrutin de 2019 – on ne sait pas encore ce que feront de leur côté les 7 députés démissionnaires -, ses appuis restants seront sûrement fort alléchants pour les autres formations.


Mais le Parti conservateur sous Andrew Scheer? Je n’y crois pas.


Et vous?