Elle était déjà en feu. Mais après les commentaires du Barreau du Québec, vendredi, cette moitié de commission d'enquête est en cendres.
«Nous ne pouvons avaliser totalement cette commission», dit pudiquement le bâtonnier Louis Masson.
Il devenait aussitôt impossible de continuer cette aventure avec un pareil désaveu.
Jean Charest ne pouvait plus faire autrement que d'ouvrir la porte, hier, à une mise à niveau des pouvoirs.
Et si cette commission doit renaître, ce sera en devenant une vraie commission, avec les pouvoirs à l'avenant.
«La confiance du public, déjà fortement ébranlée, n'est pas préservée par la forme de la commission», avait dit le Barreau hier. Allez donc continuer après!
L'ordre professionnel des 24 000 avocats, généralement prudent dans ses commentaires et soucieux de ne pas heurter la magistrature, est en train de dire au public, à ses membres mais aussi à la Cour que ce machin n'est pas crédible.
Pour les raisons déjà énumérées: la commission n'aura pas le droit de contraindre des témoins à se présenter; ni de contraindre qui que ce soit à déposer des documents (donc aucune analyse juricomptable possible, contrairement à Gomery); ni d'accorder l'immunité aux témoins.
«L'absence d'immunité, en plus de faire en sorte que les témoins seront réticents à participer à l'exercice, engendre un fort risque de poursuites inutiles», dit le Barreau.
La juge Charbonneau, maintenant invitée à demander des pouvoirs complets, n'a plus tellement le choix non plus.
La question demeure: pourquoi le juge en chef François Rolland a-t-il accepté si rapidement qu'un juge préside une commission d'enquête affaiblie?
Hier, il a déclaré ceci au Soleil, pour expliquer l'acceptation de la juge Charbonneau: «Évidemment, c'est une demande qui vient du premier ministre et du juge en chef, a observé François Rolland. C'est dur de dire: Bien, non, je préfère un mandat dans ces termes-là plutôt que ces termes.»
Pourtant, les juges sont indépendants et ne reçoivent d'ordre de personne. C'est peut-être «dur», mais c'est permis de dire non...
Le document de référence sur les commissions, préparé par le Conseil canadien de la magistrature, semble dire exactement le contraire du juge en chef: avant d'accepter de présider une commission, un juge doit lire attentivement le décret et «ne devrait pas hésiter à proposer des modifications appropriées». Il est utile de consulter des collègues.
Le même protocole prévoit que «le mandat ne devrait pas [...] exclure des questions auxquelles le public s'attend d'obtenir des réponses, afin que l'enquête soit complète, indépendante et objective».
Pourquoi? Parce que ce qui est en jeu ici, c'est à la fois la crédibilité de la commission et l'indépendance de la magistrature. Les juges ne sont pas l'instrument du pouvoir politique et ne doivent surtout pas en donner l'apparence.
Et puis: une commission qui n'a pas un minimum de soutien public peut-elle faire un travail utile?
La Cour supérieure n'était nullement obligée d'accepter un tel format de commission. Elle aurait dû refuser tout net. Belle occasion manquée de montrer ce qu'est véritablement l'indépendance de la magistrature.
Résultat: la Cour est maintenant isolée dans le monde juridique, où d'à peu près partout, on décrie cette demi-commission - à moins qu'une ligue de notaires gaspésiens se soit prononcée en faveur de la commission sans qu'on le sache.
Aux amateurs de complot, je précise que les juges de la Cour supérieure sont nommés par Ottawa, et non par Québec. Ils n'ont rien à voir avec Jean Charest. C'est beaucoup plus simple. De toute évidence, le juge en chef et la juge Charbonneau ont cru de bonne foi qu'ils pouvaient rendre un service au Québec en embarquant dans cette enquête, puisque ses objectifs sont très louables.
M'est avis qu'ils ont été imprudents en ne se souciant pas davantage des pouvoirs. Ils sont tombés dans le piège politique que leur tendait Jean Charest. Ils ont de facto «avalisé totalement» cette commission, pour reprendre les mots du bâtonnier.
Devant le gâchis qu'a causé Jean Charest, il ne reste plus qu'une chose à faire. Exiger que cette commission en soit une en bonne et due forme, selon la Loi sur les commissions d'enquête, avec pleins pouvoirs.
L'autre commission, dessinée mercredi, est déjà enterrée.
Requiem pour une commission
Devant le gâchis qu'a causé Jean Charest, il ne reste plus qu'une chose à faire. Exiger que cette commission en soit une en bonne et due forme, selon la Loi sur les commissions d'enquête, avec pleins pouvoirs.
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