Réaction à l’article du 26 mars « Bouillonnement politique à Québec »
Cela fait déjà 20 ans que le Parti québécois met le projet indépendantiste en veilleuse, gardant juste ce qu’il faut d’ambiguïté pour conserver ses militants de plus en plus désolidarisés. Or, samedi dernier, l’ancien député péquiste Camil Bouchard demandait au PQ d’achever d’éteindre cette petite lumière, déjà si faible qu’elle distrait davantage qu’elle n’éclaire.
Au même moment, Paul Saint-Pierre Plamondon, cofondateur de Génération d’idées, appelait à la création d’un nouveau parti progressiste fédéraliste, « seule façon de déloger les libéraux ». Les deux hommes demandent en choeur d’oublier l’indépendance afin de retarder l’érosion du modèle que nous nous sommes bâti depuis la Révolution tranquille.
Sur la stratégie
Tout d’abord, la solution proposée par M. Saint-Pierre Plamondon afin de « refonder » la politique québécoise est de créer… un nouveau parti ? Eh bien, ne lui en déplaise, l’obstacle stratégique à l’accession au pouvoir par les progressistes, d’ailleurs à grande majorité indépendantistes, réside beaucoup moins dans un manque d’options politiques que dans l’absence de mécanismes permettant la collaboration entre les partis, comme en fait foi un sondage sorti la semaine dernière qui donnait le gouvernement à une coalition indépendantiste. M. Saint-Pierre Plamondon n’est pas sans savoir que c’est notre mode de scrutin, autour duquel s’est construite toute notre culture démocratique, qui favorise le bipartisme confrontationnel et bloque l’émergence des idées progressistes.
Si un parti progressiste fédéraliste comble un espace vide sur la scène politique, il est le bienvenu dans l’arène. Mais ne nous leurrons pas : ce n’est pas une solution à l’impasse électorale décriée par M. Saint-Pierre Plamondon.
Sur le fond
Nous concédons volontiers à MM. Bouchard et Saint-Pierre Plamondon que l’interminable règne libéro-caquiste, qui comble le vide puisqu’il n’a ni projet ni vision à défendre, met en danger les acquis de la société québécoise.
Mais ils se trompent s’ils croient que nous pourrons sauver le projet de société amorcé avec la Révolution tranquille sans avoir le contrôle de nos moyens. Comment le gouvernement québécois peut-il financer adéquatement les secteurs dont nous sommes responsables — éducation, santé, justice sociale, culture, infrastructures —, alors que près du tiers de tout l’argent que nous payons en taxes et en impôts se trouve en dehors de notre marge de manoeuvre ? En effet, 48 milliards de nos taxes et de nos impôts sont envoyés à Ottawa, qui dispose de cette somme pour les secteurs de ses compétences, c’est-à-dire l’armée… et les investissements stratégiques pour son économie, lesquels sont en quasi parfaite contradiction avec les nôtres.
Le Conference Board du Canada projette d’ici 2034-2035 une lourde augmentation des déficits des provinces, qui assument presque intégralement l’augmentation des dépenses publiques liées au vieillissement de la population. Parallèlement, l’organisme prédit un solde positif croissant pour le gouvernement canadien, jusqu’à un surplus de 110 milliards de dollars dans 20 ans.
À terme, sans le rapatriement de nos impôts, de deux choses l’une : soit le Canada achèvera son empiétement des compétences provinciales et nous perdrons encore de notre capacité à nous gérer nous-mêmes, augmentant notre dépendance au bon vouloir des gouvernements élus par nos voisins ; soit le Québec s’affaiblira, faisant des déficits inévitables et coupant dans des services publics de plus en plus troués et anémiques.
En conclusion
Le projet de société auquel aspirent MM. Bouchard et Saint-Pierre Plamondon ne peut être fait qu’à moitié. Nous avons besoin de tous nos leviers pour le mener réellement. L’indépendance, c’est l’événement ponctuel dans l’histoire d’une nation qui fait tomber le mur entre nous et notre possible. Contrairement à ce que disent les cyniques, c’est le projet de société le plus rassembleur que nous ayons. La vraie difficulté, c’est de transformer la faiblesse que représente actuellement la pluralité des voix indépendantistes en force rassembleuse. Nous y travaillons.
*Ont signé la lettre les membres du Conseil national d’Option nationale :
Sol Zanetti, chef
Jocelyn Beaudoin, président
Émilie Charbonneau, vice-présidente
Alexandre Boutet Dorval, secrétaire
Pierre Beaudoin
Fabien Villemaire
Josianne Grenier
Patrice Vachon
Richard Trudel
Valérie Doucet
Jean-Gabriel Cauchon
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