Renégociation de l’ALENA : si Scheer avait affronté Trump…

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Scheer sera aussi carpette devant Trump que l'a été Trudeau : le Canada est le 51e État américain


Alors, qui dit vrai ?


D’un côté, le Parti libéral affirme avoir défendu le Canada « bec et ongles » lors de la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain et « tenu tête à Donald Trump ».




 



De l’autre, le chef du Parti conservateur Andrew Scheer soutient que la nouvelle entente est une « humiliation historique ». L’accord serait, selon lui, le fruit de nombreuses concessions de la part du gouvernement canadien.





PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, REUTERS


Andrew Scheer





L’interprétation des libéraux – qui se retrouve au cœur d’une publicité diffusée ces jours-ci – est présentée avec un peu trop d’enthousiasme. Cela dit, les allégations des conservateurs sont franchement tirées par les cheveux.


 

Un rappel s’impose. D’abord, le Canada n’a pas choisi de rouvrir l’entente ; il était dès le départ à la merci de Washington. Ensuite, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland a tenté de ne pas céder un pouce de terrain aux Américains. Son obstination avait même irrité le secrétaire américain au Commerce, Robert Lighthizer. Lors des pourparlers, il avait dénoncé la « résistance au changement » de ses interlocuteurs.




 



Tenir tête aux Américains ne pouvait se faire, cependant, que dans le cadre de certaines limites. Le Canada a été forcé de plier sur certains points litigieux. Les producteurs laitiers d’ici, notamment, l’ont appris à leurs dépens. Leurs concurrents américains pourront dorénavant écouler une partie de leurs produits sur le marché canadien.


Il reste que dans l’ensemble, le gouvernement canadien a sauvé les meubles. C’est d’autant plus remarquable que les circonstances étaient défavorables.


Donald Trump était sur le pied de guerre. Il menaçait de déchirer l’accord et de ruiner notre économie. Et l’incertitude qu’il provoquait nuisait déjà, d’ailleurs, au Canada.


C’est pourquoi il est si difficile d’accorder crédit aux allégations d’Andrew Scheer. Imaginons-le un instant à la place de Justin Trudeau. Qu’aurait-il pu faire de si différent s’il avait affronté Donald Trump ? Attendez un instant qu’on y réfléchisse…




 



Hum…


Rien !





PHOTO SARAH SILBIGER, REUTERS


Donald Trump





Parlez-en à Emmanuel Macron, à Angela Merkel ou aux autres alliés occidentaux de Washington, qui n’ont jamais pu amadouer le président américain. Et ce ne fut pas faute d’essayer.




 



L’ancienne leader intérimaire du Parti conservateur, Rona Ambrose, a d’ailleurs récemment fait la leçon à Andrew Scheer. « Nous nous en sommes bien sortis », a-t-elle déclaré au sujet de la renégociation de l’Accord de libre-échange.


Elle fait ce constat en tenant compte de ce que nous avons pu conserver au grand dam des Américains. Par exemple, on a ouvert une nouvelle brèche dans la gestion de l’offre, mais sans sacrifier le système au grand complet. On a aussi pu conserver le mécanisme de règlement des différends commerciaux prévu par l’entente initiale ainsi que l’exception culturelle. Tout ça alors que les négociateurs canadiens avaient le couteau sur la gorge, ne l’oublions pas.


Une autre façon d’invalider l’hypothèse d’Andrew Scheer est de lui demander si, une fois élu, il rouvrirait l’entente. Après tout, si on a perdu ce bras de fer parce que nous étions trop faibles sous Justin Trudeau, pourquoi ne pas renchérir ?


Mais le chef conservateur n’a pas envie de relancer les négociations. Tiens, tiens…




 



Andrew Scheer, en revanche, promet d’obtenir des concessions de la part des Américains. On ne voudrait pas gâcher sa fête, mais tant et aussi longtemps que Donald Trump sera à la tête des États-Unis, on ne voit pas comment il pourrait y parvenir.


On se permettra de lui signaler que le problème avec ce genre de promesses qu’on ne peut pas tenir, c’est qu’elles nous plongent dans l’embarras lorsqu’on est au pouvoir.




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