IMMIGRATION

Refus massif d’étudiants africains francophones : Ottawa accusé de « discrimination »

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Le PQ se trompe : l'Afrique musulmane ne sauvera pas le Québec


« C’est très grave », lance le député du Bloc québécois Alexis Brunelle-Duceppe.




M. Brunelle-Duceppe ne mâche pas ses mots contre le gouvernement de Justin Trudeau et contre Immigration Canada, qui refuse massivement les demandes de permis d’études déposées par des étudiants étrangers francophones, principalement en Afrique, qui souhaitent venir au Québec.



« Ça n'a pas de bon sens. Encore une fois, c’est le Québec qui écope. Ce sont les francophones qui écopent. Et ce sont des étudiants africains qui écopent. »


— Une citation de  Alexis Brunelle-Duceppe, député du Bloc québécois


Le taux de refus des demandes destinées au Québec est nettement plus élevé que celles déposées dans les autres provinces canadiennes, a appris Radio-Canada. Ce taux atteint ou dépasse même les 80 % dans certains pays d'Afrique francophone.


Pour gagner du temps dans l’analyse de ces dossiers, les agents d’Immigration Canada utilisent depuis 2018 un système informatique nommé Chinook. Celui-ci résume automatiquement diverses informations du demandeur dans une feuille de calcul Excel.







Or, c’est depuis l’implantation de cet outil que l’écart s’est creusé entre le Québec, qui reçoit majoritairement des demandes de candidats francophones, et le reste du Canada.


Une situation inacceptable, selon le gouvernement Legault


Le système Chinook était largement méconnu jusqu’à tout récemment. Son fonctionnement a été dévoilé à l'occasion d'une poursuite judiciaire qui impliquait le ministère fédéral de l’Immigration.


Assurément qu’on est devant une situation de discrimination. Je ne vois pas comment on pourrait penser le contraire, affirme Alexis Brunelle-Duceppe.


Sur les réseaux sociaux, le chef du Bloc québécois a utilisé des termes similaires.



« Si Québec pratiquait une fraction de cette discrimination contre quiconque ne parle pas français, on se ferait traiter de racistes par Justin Trudeau. »


— Une citation de  Yves-François Blanchet, chef du Bloc québécois


Le gouvernement du Québec ne cache pas, lui non plus, son vif mécontentement. Après avoir tout d'abord demandé des clarifications, le ministre provincial de l’Immigration, Jean Boulet, a haussé le ton contre Ottawa après la diffusion du reportage de Radio-Canada.


À ses yeux, ces taux de refus massifs sont inacceptables et discriminatoires.



« C’est important pour moi d’enquêter. Si on a besoin de redresser le tir, il faut le faire rapidement. »


— Une citation de  Jean Boulet, ministre québécois de l’Immigration


[Cette situation] me préoccupe énormément. Je vais parler très rapidement avec mon nouvel homologue [Sean Fraser]. Il faut connaître les véritables motifs [de ces refus], assure-t-il. Le gouvernement du Québec et nos institutions font énormément d’efforts de recrutement d’étudiants internationaux francophones; donc, j’ai besoin de savoir.


La ministre de l'Enseignement supérieur, Danielle McCann, assure quant à elle avoir déjà communiqué avec Ottawa sur ce sujet. En vain. À l'époque, on avait transmis une lettre au ministre de l'Immigration [Marco Mendicino] pour lui dire que, vraiment, il fallait que ça change, déclare-t-elle.


Nous avons besoin de ces étudiants, explique-t-elle. On a besoin qu’Ottawa modifie sa façon de faire.



« On est très conscients du problème. il y a quelque chose qui nous apparaît très problématique. Les données qu’on a nous inquiètent. »


— Une citation de  Danielle McCann, ministre de l'Enseignement supérieur


Le Parti québécois a adopté un point de vue identique : Si Immigration Canada voulait nuire aux efforts du Québec pour attirer des étudiants francophones dont on souhaite qu’ils s’établissent ensuite ici, il n’agirait pas autrement , dénonce la députée Méganne Perry Mélançon.


NPD, PCC et Bloc sur la même longueur d'onde


Cette situation est intolérable, juge avec véhémence le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD), Alexandre Boulerice.



« [Ce système] semble bel et bien faire de la discrimination systémique. Nous demandons des correctifs rapidement et plus de transparence de la part du ministère. »


— Une citation de  Alexandre Boulerice, chef adjoint du NPD


L’immigration provenant de pays francophones est essentielle pour protéger le fait français au Québec, soutient de son côté le député du Parti conservateur, Alain Rayes.







Le gouvernement [de Justin Trudeau] doit expliquer pourquoi autant de francophones se font rejeter leur demande et s’assurer d’un système équitable, précise-t-il.


Selon le Bloc québécois, Immigration Canada est le pire ministère à Ottawa. Je ne veux pas lancer des roches aux fonctionnaires, mais il y a un problème dans ce ministère. Le ministre doit donner des réponses rapidement. Il doit faire sa job, signale Alexis Brunelle-Duceppe.


S’il y avait de la discrimination au Québec avec des étudiants anglophones, le Canada anglais au complet serait en furie, ajoute-t-il. Ce serait dans tous les journaux. Là, il y a une discrimination flagrante contre des étudiants francophones venant d’Afrique.


Le ministre Fraser promet une révision


Plus tôt cette semaine, Immigration Canada et l’équipe du ministre Fraser se sont défendus en assurant que toutes les demandes de permis d’études sont analysées en fonction des mêmes critères, peu importe le pays d’origine.


Le cabinet du ministre Sean Fraser avait par ailleurs soutenu n’avoir aucune tolérance pour le racisme ou la discrimination.


Après avoir pris connaissance des commentaires du gouvernement Legault et des différents partis d'opposition, l'entourage de Sean Fraser à promis de réviser certains programmes d'immigration – sans spécifier lesquels – sous l'angle de leur impact sur les clients racialisés, afin de nous assurer que nos programmes et politiques sont justes et équitables.



« La discrimination et le racisme systémique sont des menaces réelles, non seulement pour les victimes, mais aussi pour la capacité du gouvernement de fonctionner à son plein potentiel. »


— Une citation de  Alex Cohen, porte-parole du ministre Fraser


Selon le porte-parole du ministre Fraser, Alex Cohen, les décisions sur les étudiants internationaux sont prises en fonction de la capacité des étudiants à subvenir à leurs besoins et la propension qu’ils auront à retourner dans leur pays d’origine à la fin de leurs études.


La langue maternelle des candidats n’est pas prise en compte dans l’analyse, écrit-il, dans une déclaration transmise à Radio-Canada.


Avec la collaboration d’Aimée Lemieux




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