CHAMBLY | Le ministre Jean-François Roberge déposera à compter de cette semaine une série d’amendements pour répondre à certaines critiques envers sa réforme des commissions scolaires, notamment en créant un processus de révision de note qui permettra à un enseignant d’une autre école de trancher en cas de litige.
Dans sa forme actuelle, le projet de loi 40 prévoit qu’un directeur d’école pourrait «après consultation de l’enseignant [...] majorer le résultat d’un élève s’il existe des motifs raisonnables liés à son cheminement scolaire».
La proposition s’est attiré les foudres des syndicats d’enseignants, qui y ont vu une atteinte à leur autonomie professionnelle.
Alors que l’étude détaillée du projet de loi reprend aujourd’hui à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Éducation affirme avoir entendu les critiques et proposera un nouveau mécanisme où le dernier mot reviendra à un enseignant, autre que celui à l’origine de l’évaluation.
Sans dévoiler le libellé de son amendement, Jean-François Roberge souligne qu’il serait «préférable» que cet arbitre provienne d’un autre établissement scolaire.
«Si une direction te le demande [de faire une modification] et que le lendemain tu dois y faire face, ça peut être plus difficile. Si c’est un collègue d’une autre école, il n’y a plus de pression. La direction ne peut pas faire pression sur un collègue d’une autre école. Peut-être qu’il ne saura même pas le nom de cette enseignante-là», illustre le ministre en entrevue dans sa circonscription de Chambly.
Éviter les pressions
M. Roberge souhaite ainsi protéger les enseignants des modifications de note imposées par des directions d’école, mais également les mettre à l’abri des pressions de parents, qui espèrent voir le résultat de leur enfant rehaussé.
De plus, l’amendement précisera désormais que l’objectif vise à réviser la note, à la hausse ou à la baisse, plutôt que de la majorer automatiquement, comme le laissait entendre le projet de loi original. «C’est une erreur que j’ai admise précédemment. [...] C’était le mauvais verbe», reconnaît M. Roberge.
Malgré cette modification importante, le ministre y voit une avancée significative, face au vide juridique actuel. «On s’assure que les enseignants peuvent avoir confiance dans le processus, dit-il. Et on s’assure, pour les élèves, que le processus est égal d’une place à l’autre.»
«Message d’ouverture»
Avec cet amendement et les trois autres qu’il déposera, M. Roberge affirme vouloir envoyer «un message d’ouverture».
«Le gouvernement et moi-même, on a cette ambition d’améliorer le réseau scolaire et de le faire, le plus possible, avec tous les partenaires, dit-il. On tient compte de ce que les gens nous disent. On n’est pas dans une dynamique d’opposition ou de confrontation.»
Malgré ces ajustements sur la forme, l’objectif du projet de loi demeure le même. La fin des élections scolaires, dit le ministre caquiste, est «non négociable». «On marche dans la même direction, mais on prend un sentier différent», fait-il valoir.
► Trois autres modifications proposées
Il n’exclut pas d’augmenter le salaire de tous les profs
Alors que s’amorcent les négociations avec les syndicats d’enseignants, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, ne ferme pas la porte à une majoration salariale pour tous les enseignants, à qui il veut donner davantage de «flexibilité» dans leur horaire.
Interrogé sur la possibilité d’offrir une bonification salariale qui ne serait pas uniquement réservée aux nouveaux enseignants, le ministre a indiqué au Journal que cette question «va faire partie de la table de négociation».
«On ne s’est jamais engagé là-dessus, mais ça ne veut pas dire qu’en cours de négo, il n’arrivera rien», a-t-il précisé.
Alors que le gouvernement Legault a fait de l’éducation une priorité et que les coffres de l’État sont bien garnis, les syndicats d’enseignants réclament un important rattrapage salarial, en plus des augmentations qui seront négociées pour la fonction publique.
Les profs québécois sont les moins bien rémunérés au pays, selon des chiffres de Statistique Canada.
Le ministre Roberge a par ailleurs confirmé son intention d’augmenter le salaire des nouveaux enseignants à 50 000 $.
Présentement, le salaire d’un prof au premier échelon est de 42 431 $. «Les échelons, il peut y en avoir plus, y en avoir moins. L’idée, c’est d’avoir une cible de salaire à l’entrée», a-t-il précisé.
«Libérer le talent»
M. Roberge a par ailleurs indiqué qu’il veut profiter de la négociation en cours pour permettre «plus de flexibilité à l’intérieur des écoles», opération qu’il a baptisée «Libérer le talent».
«Je pense que les enseignants veulent la possibilité de moduler leur tâche en fonction de ce qu’ils trouvent le plus important», a-t-il affirmé.
Il ne s’agit pas ici «d’alourdir la tâche» et d’exiger davantage des enseignants, mais plutôt de sortir d’une logique de temps minuté «où tout est réglé au quart de tour», a précisé le ministre.
L’ancienneté
M. Roberge s’est par ailleurs défendu de vouloir mettre au rancart le principe d’ancienneté, ce qui représenterait une «fausse bonne idée».
Afin de faciliter l’insertion professionnelle des jeunes enseignants, Québec propose que leur réalité soit prise en compte dans l’octroi des contrats, ouvrant ainsi une brèche dans le principe d’affectation par ancienneté.
«Il faut asseoir les enseignants, les leaders syndicaux, à la recherche d’une façon d’avoir une méthode hybride, sans balayer l’ancienneté et l’expérience du revers de la main», a-t-il affirmé.