Rappel de la chronique #199 de Bruno Deshaies publiée le 20 janvier 2005
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« La force d'une langue – et son avenir –
dépendent donc de la force collective
de ceux qui la parlent. »
(Yves Beauchemin, 1999, RÉF., no 4.)
« En 1763, lorsque la Grande-Bretagne commença la colonisation de la vallée du Saint-Laurent, les quelque 65,000 hommes, femmes et enfants qui y habitaient alors avaient conscience de constituer un groupe culturel autonome. Aujourd’hui, leurs descendants sont plus de 5,000,000 au Québec [en 1967]. À la fin du siècle, ils auront donné naissance à une nouvelle société québécoise de quelque 9,000,000 qui affirmera plus que jamais son vouloir-vivre collectif. » (Voir RÉF., no 2, p. 213.) Cette déclaration de l’historien Michel Brunet nous montre une fois de plus la fragilité des pronostics en histoire.
En 2004, la population du Québec oscille autour des 7 millions d’habitants composés de plusieurs ethnies ou communautés culturelles dont une majorité de Québécois-Français et une minorité dominante d’Anglo-Québécois. « La nouvelle société de quelque 9,000,000 » d’habitants anticipée par l’historien Brunet n’existe pas encore, mais ses traits culturels démolinguistiques et sociolinguistiques ont beaucoup changé. Dans la réalité, les phénomènes démographiques sont souvent très déconcertants. Ils dépendent de nombreux facteurs et même de nombreuses causes. Il s’en suit qu’il est impossible de prédire l’avenir avec une quelconque certitude. Cela dit, l’état du Québec en ce début de XXIe siècle offre le portrait d’une société qui vit toujours comme un peuple annexé dans une province semi-française. L’imposition du bilinguisme est le reflet de cette histoire.
Le bilinguisme et les deux Canadas
L’étude du bilinguisme montre facilement qu’il a existé deux Canadas : un premier, dans l’empire français ; un second, sous l’empire britannique. Chaque empire a donné lieu à deux phénomènes de colonisation. « Depuis sa fondation, au début du XVIIe siècle, jusqu’en 1760, écrit Michel Brunet, le Canada fut un pays français. Ses habitants étaient unilingues. [...] Les Canadiens [c’est le nom que portaient nos ancêtres jusqu’à l’Acte d’union de 1840 et que le conquérant a usurpé.] n’avaient pas alors besoin d’être bilingues pour participer à la vie politique, militaire et économique de la vallée du Saint-Laurent. [...] Après la Conquête, la situation se modifia rapidement. Le Canada était devenu une colonie britannique. Les conquérants y introduisirent tout naturellement leur langue maternelle. Celle-ci s’imposa d’abord dans l’administration. Mais elle ne tarda pas à dominer le monde des affaires car les commerçants anglais réussirent, en moins d’une génération, à dominer la vie économique du pays. [...] Une nouvelle classe dirigeante avait pris entre ses mains les destinées de la vallée du Saint-Laurent. » (Voir RÉF., no 1, p. 185-186.)
Le bilinguisme s’instaura par la force des choses sous l’occupation britannique, car le conquérant en avait besoin pour défendre sa propre cause. Le premier bilinguisme fut pratiqué par les Anglais. Selon Michel Brunet, « ce bilinguisme des Anglo-Canadiens s’inspire d’un paternalisme lucide que la naïveté des Canadiens français a toujours rendu très rentable. » (Voir RÉF., no 1, p. 186.) Cependant, du côté des Canadiens (français) la situation était différente. Leur ascension sociale ne pouvait plus se faire selon les mêmes canaux de communication que dans l’empire français. Par conséquent, écrit Michel Brunet, « les Canadiens les plus ambitieux se convainquirent, au cours de la première génération après 1760, que l’ignorance de la langue anglaise limitait leurs chances d’avancement. [...] Ils conclurent –non sans crédulité – que le bilinguisme faciliterait automatiquement leur ascension sociale. » (Voir Ibid.) Ici repose toute l’histoire du bilinguisme au Canada et l’histoire des deux Canadas. Ceux et celles qui n’acceptent pas aujourd’hui ce constat qui remonte à 1760 ne peuvent à peu près rien comprendre au conflit qui perdure entre les Québécois-Français et le ROC ou le Canada-Anglais ou les deux solitudes entre les Canadiens et les Canadians.
Brève chronologie du bilinguisme
Michel Brunet retrace dans son étude sur le bilinguisme les péripéties de l’évolution du bilinguisme du deuxième Canada, c’est-à-dire de cette nouvelle colonie britannique qui prend naissance après la Conquête et surtout avec la signature du Traité de Paris en 1763. La logique de cette évolution constitue la base du bilinguisme au cours de toute l’histoire du Québec et du Canada. Dressons une petite chronologie de cette évolution de la langue française et du bilinguisme jusqu’au tournant des années 1950.
1764 : Une pétition des principales familles canadiennes demeurées dans la colonie réclame le droit de « rédiger nos Affaires de famille en notre langue, et de suivre nos Coutumes ».
1764-1775 : « L’invasion de la langue des conquérants ne tarda pas à corrompre la langue maternelle des Canadiens. » Les anglicismes se multiplient : « filer » au lieu de classer, « évidences » au lieu de preuves, « termes » au lieu de session, « sessions de quartier » au lieu de sessions trimestrielles, « voteurs » au lieu d’électeurs, « Bretons » (British) au lieu de Britanniques ou Anglais, « allouances » au lieu de subventions, « lectureurs » au lieu de conférences, etc. (Voir RÉF., no 1, p. 187-188.)
1765 : La Gazette de Québec – journal bilingue – annonce des cours d’un certain M. Patrick McClement pour apprendre « à lire, à écrire et à parler la langue anglaise » et même initier ses élèves à « l’art de tenir les livres ». Michel Brunet commente en ces termes : « Le premier Business School du Canada français venait d’ouvrir ses portes. » (Voir Ibid., p 187.)
1791 : Une publicité de la Gazette de Montréal annonce qu’un marchand de la ville désire les services d’un « jeune homme d’une famille de bonne renommée qui sache parler l’anglais et le français couramment. »
1792 : Mgr Hubert consacre un maigre budget à l’organisation d’une école anglaise à Québec.
Les députés canadiens s’opposent à leurs collègues anglais qui désirent imposer leur langue maternelle comme seule langue officielle.
1809 : Brochure publiée par un Canadien qui défend l’idée que la présence collective des Canadiens constitue un rempart contre l’américanisme, car « la conservation de la langue française en ce pays est même politiquement parlant, avantageuse aux intérêts britanniques ».
1804 : Philippe Aubert de Gaspé, auteur du livre Les anciens Canadiens, quitte le Séminaire de Québec pour aller étudier au pensionnat du révérend John Jackson, ministre de l’Église anglicane. « Son père désire absolument, écrit l’historien Brunet, qu’il maîtrise l’idiome de la minorité dominante. » (Voir Ibid., p. 188.)
1819 : Une pétition de 120 signataires de la paroisse de Saint-Louis dans la seigneurie de Kamouraska (dont 80 ont signé d’une croix ne sachant pas écrire) réclame la nomination d’un instituteur anglais.
1840 : Une annonce du Séminaire de Nicolet publiée dans le journal Le Canadien fait état du fait que les dirigeants viennent d’établir une « école où l’on s’attachera exclusivement à l’enseignement de l’anglais ».
Réclame d’un certian Robert Dupont publiée dans le journal Le Canadien et qui annonce qu’il « a enseigné l’Anglais avec beaucoup de succès pendant trois ans au collège Ste-Anne ».
1842 : L’évêque de Québec approuve un règlement du Séminaire de Nicolet qui obligeait les élèves à n’utiliser que la langue anglaise pendant la récréation. L’historien Brunet fait remarquer que « la plupart des séminaires et des collèges adoptèrent la même pratique pour favoriser l’étude de la langue anglaise ». D’ailleurs, plusieurs des collèges sont à l’origine des « écoles commerciales et industrielles ».
1849 : Le bilinguisme s’inscrit dans la constitution de 1849.
1852 : Création de l’Université Laval.
1853 : L’historien Ferland de Québec affirme avec satisfaction que les « trois quarts de ceux [les Canadiens] qui habitent Québec, et qui ont reçu quelque instruction, parlent l’anglais ».
1866 : Contrairement à l’abbé Ferland, Mgr Bourget trouve qu’« un grand nombre d’entre nous parlent trop la langue étrangère. [...] La plus lourde taxe que la conquête nous ait imposée, c’est la nécessité de parler la langue anglaise. » (Voir Ibid., p 190.)
1867 : Un État provincial est créé où les Canadiens français constituent la majorité. Ils obtiennent aussi la reconnaissance du bilinguisme au parlement fédéral.
1871 : Un collaborateur de la Revue canadienne commente la publication récente d’un nouveau manuel de conversation anglaise dont l’auteur est le supérieur du Séminaire de Sainte-Thérèse. Le commentateur signale que « dans les différentes carrières où la Providence nous appelle, nous regrettons d’avoir étudié de préférence les langues mortes aux langues vivantes... ».
1890-1910 : Des fonctionnaires anglais unilingues occupent alors des postes importants dans l’administration provinciale et à l’Hôtel de Ville de Montréal (voir RÉF., no 1, p. 194).
1896 : Wilfrid Laurier déclare aux Communes : « La destinée du Canada est d’être anglais ».
1897 : En tournée électorale à Montréal, le premier ministre anglais de la province voit une longue bannière brandie par des Canadiens-Français où se lit : « Hail to the Chief. » (La Presse du 29 avril.)
1902 : La Société du parler français voit le jour à l’Université Laval le 18 février (voir son incorporation en 1911).
1903 : Fondation de la Ligue nationaliste canadienne.
1904 : Fondation de l'Association catholique de la jeunesse canadienne-française (ACJC)
1910 : Le gouvernement provincial adopte la « Loi Lavergne » qui établit le bilinguisme dans les compagnies de services publics. Selon son vrai nom, il s’agit de la « Loi amendant le Code civil concernant les contrats faits avec les compagnies de services d'utilité publique ».
En réplique à l’archevêque de Westminster, Mgr Bourne, Henri Bourassa se porte à la défense du français en l’église Notre-Dame à l’occasion du Congrès eucharistique. Cette défense du français a pris figure de symbole dans l’histoire du Québec.
1911 : Le gouvernement du Québec adopte la Loi constituant en corporation la Société du Parler français au Canada.
1912 : Premier Congrès de la langue française. Il est organisé par la Société du parler français au Canada. Paradoxalement, ce premier congrès donne l’occasion à plusieurs orateurs de rappeler qu’il est important d’apprendre l’anglais. L’acceptation du bilinguisme révèle « brutalement l’état de servitude qu’avaient créé chez les Canadiens français cent cinquante ans de domination anglaise ! » (Voir RÉF., no 1, p. 191.)
1913 : Fondation de la Ligue des droits du français. Dans le programme-manisfeste, il est écrit : « Annonces, catalogues, factures, marques ou noms des produit, tout est rédigé en anglais. »
1923 : Le gouvernement fédéral introduit le timbre d’accise bilingue à l’instigation de Jacques Bureau, ministre des Douanes.
En avril Jules Masse fonde à Montréal la Société du bon parler français.
1924 : La revue l’Action française, fondée en 1906, dénonce l’anglomanie comme étant un « ennemi dans la place ».
1925 : Une enquête menée par l’Action française sur le bilinguisme révèle que la langue anglaise domine partout au Canada et que cette prépondérance s’affirmait même dans la province de Québec. L’élite canadienne-française commence à se diviser. Henri Bourassa se montre favorable à l’obligation de l’enseignement de l’anglais dans toutes les écoles du Canada français, mais Antonio Perreault désapprouve sévèrement la déclaration de Bourassa.
Les chèques émis par le gouvernement provincial sont encore rédigés seulement en langue anglaise. La coutume existe depuis 1867.
1927 : Le ministre des postes, P. J. Véniot, profite du 60e anniversaire de la Confédération pour faire émettre une série de cinq timbres-poste bilingues.
1933 : Création de la Canadian Radio Broadcasting Corporation qui est officiellement une Radio d’État.
1934 : Création d’une banque d’État (la Banque du Canada).
1936 : En arrivant au pouvoir, le gouvernement de l’Union nationale encourage la francisation de l’administration de la province.
Fondation de la Société Radio-Canada.
Adoption de la monnaie bilingue au Canada.
1937 : Deuxième Congrès de la langue française. Contrairement au premier Congrès, les orateurs ne donnent pas l’impression « de quémander pour les Canadiens français le droit de parler leur langue maternelle » (RÉF., no 1, p. 201).
Le gouvernement Duplessis fait adopter la « Loi relative à l'interprétation des lois de la province » qui donnait priorité au texte français dans l'interprétation des lois et règlements du Québec. Cette loi fut vertement contestée par la minorité anglaise. Elle sera abrogée en 1938.
1939 : Le Parlement fédéral approuve l’organisation du National Film Board. Graduellement l’Office national du film (ONF) s’organise comme réseau français de l’Office du Film.
1951 : La nomination de Vincent Massey, gouverneur général de 1951 à 1959, par le gouvernement Louis Saint-Laurent, reflète le désir du premier ministre d’affirmer le caractère bilingue de l’État fédéral.
1959 : Le gouvernement Diefenbaker prend l’initiative de doter les Communes d’un système d’interprétation simultanée.
de la langue française et du bilinguisme
dans la province de Québec et au Canada.
L’État provincial et l’État fédéral
ont été les principaux agents de cette évolution. »
(Michel Brunet, RÉF., no 1, p. 202)
Dans son évaluation du fait français au Canada, l’historien Brunet considère surtout le phénomène linguistique. Il constate que des progrès se sont accomplis en cours de route. En revanche, il admet que « l’état de déchéance où végétait la langue française, cinq générations après la capitulation de Montréal, indique quelle a été la profondeur de la servitude individuelle et collective des Canadiens, comme membres d’un groupe dominé. » (Voir RÉF., no 1, p. 195.) En contrepartie du processus d’assimilation, l’historien se console en établissant une distinction « entre le comportement des individus et celui d’une collectivité ». Il écrit : « Individuellement, à chaque génération depuis 1760, des milliers de Canadiens français s’assimilent ou cherchent à s’assimiler à la population anglaise de l’Amérique du Nord. [...] Mais il [le processus d’assimilation] se réalise difficilement parce que les Canadiens français ont toujours formé et forment encore la majorité de la population québécoise. Ils n’ont jamais perdu conscience du fait qu’ils constituent une collectivité distincte. » (Voir Ibid., p. 195-196.)
Plusieurs bilans à dresser
Premier bilan. C’est de fil en aiguille que se tisse avec le temps ce « partenariat » (pour employer un mot à la mode) entre les langues anglaise et française. D’une manière générale, il traduit les conditions conjoncturelles et les statuts particuliers des groupes d’une génération à l’autre. Il n’y a aucun doute que la même logique sociolinguistique perdure jusqu’aujourd’hui. La lutte pour la défense de la langue française est incessante ; elle est en plus nécessaire ; mais, elle est insuffisante sur le plan de la lutte pour l’indépendance du Québec. Les illusions créées par cette lutte entretiennent le mythe de la survivance d’une minorité française au Canada. C’est le reflet d’un peuple annexé.
Deuxième bilan. On peut compléter la chronologie de cette lutte par le dossier portant sur l’histoire du français au Québec que l’on trouve sur le site du Trésor de la langue française au Québec (TLFQ). (Voir RÉF., no 3.) Avec toutes ces données sous la main, on obtient un portrait plus complet de l’histoire du français au Québec et des conditions de vie d’un peuple annexé. Moins optimiste que l’historien Michel Brunet, Jacques Leclerc dresse le constat qui suit à l’aube du XXIe siècle.
Les progrès depuis quarante ans ont été très considérables à tel point qu'on peut affirmer que le français n'est plus en péril au Québec. [...] Toutefois, malgré les lois linguistiques et les succès indéniables du français au Québec, la majorité francophone n'est pas encore au bout de sa peine. [...] Dans le cadre de l'actuelle fédération canadienne, les conflits sont là pour durer et la marmite linguistique risque de renverser au cours des prochaines décennies. Même si la langue française se portait bien, son statut, lui, sera vraisemblablement réévalué... à la baisse par la majorité anglophone du Canada.
(Voir RÉF., no 3.)
Cette évaluation de situation du Québec-Français nous amène aux derniers constats de Statistiques Canada.
Troisième bilan : les constats de Statistiques Canada
Nous extrayons des « Résolutions pour le Nouvel An » du site Internet Impératif français (1er janvier 2005) cette compilation de données qui montre que l’équilibre linguistique profite toujours au plus fort, donc à la majorité anglaise du Canada.
Selon Statistique Canada, l'anglicisation du Québec et des Québécois progresse : « le nombre de personnes pouvant soutenir une conversation en anglais au Québec en 2001 s’élevait à 3 234 735 personnes soit 45,4 % de la population, une augmentation par rapport aux 42,9 % de 1996 et 40,9 % de 1991). De ceux-ci, 2 176 415 étaient des francophones qui pouvaient converser en anglais, soit 37 % de l’ensemble des francophones, ce qui représente une augmentation relativement aux 34 % et 32 % observés en 1996 et 1991 respectivement. »
Toujours selon Statistique Canada, il y a au moins un anglophone du Québec sur trois qui ignore toujours la langue commune du Québec, le français, ce qui revient le plus souvent à imposer l'anglais à ses interlocuteurs québécois.
L'anglais, langue du travail ! Toujours selon le recensement 2001 de Statistique Canada, « l’anglais est largement présent sur le marché du travail » puisque « neuf travailleurs anglophones sur dix au Québec utilisaient l’anglais au travail, 78 % le plus souvent et 15 % régulièrement. L’utilisation de l’anglais au travail était aussi assez largement répandue chez les francophones et les allophones. Près de 30 % des travailleurs francophones utilisaient au moins régulièrement l’anglais dans le cadre de leur emploi (8 % le plus souvent et 22 % régulièrement), et cette proportion atteignait 73 % chez les travailleurs allophones (50 % le plus souvent et 23 % régulièrement). Dans la Communauté urbaine de Montréal, où résident la plupart des anglophones et des allophones de la province, 52 % des francophones et 76 % des allophones ont déclaré utiliser au moins régulièrement l’anglais au travail. »
- Un exemple parmi bien d’autres de l’invasion de l’anglais
Un milieu propice pour ce genre de situation est bien celui du rédacteur ou de la rédactrice technique. Nous invitons nos lecteurs et lectrices à lire ou à relire notre chronique du 5 septembre 2002 intitulée « En anglais d’abord ! »
Le milieu du travail montréalais continue à être soumis au processus de bilinguisation quand il n’est pas carrément contraint d’endosser un comportement d’unilingue anglais. Nos artistes francophones auront beau tenir des rôles dans de nombreuses téléséries produites par nos chaînes de télévision françaises ou que Radio-Canada nous produise une émission comme Tout le monde en parle, même avec une très forte cote d’écoute et beaucoup de publicité, que cela ne changera pas la vie économique et les conditions du monde du travail dans la métropole québécoise. Le français à la radio et à la télévision diffuse une culture de minoritaire. Il ne faut pas se suffire seulement d’un contrôle incomplet sur la culture, mais il faut aussi être capable d’agir par soi collectivement aux plans politique et économique. Par conséquent, l’économique doit être perçu dans l’optique indépendantiste. Ce qui est aussi vrai pour le culturel et le politique.
Finalement, force est de constater que la dimension économique échappe encore à la collectivité québécoise malgré des progrès réels réalisés dans le monde des affaires, du commerce, de la finance, de l’aéronautique, de la recherche pharmaceutique et autres secteurs de l’activité économique. Sans compter, en plus, des limites considérables des pouvoirs de l’État du Québec.
- Les Québécois ne contrôlent qu’un État annexé
Les Québécois découvrent tous les jours qu’ils ne contrôlent qu’un État provincial. Ils réalisent de plus en plus que leur État est réellement un État annexé au sein d’un État fédéral qui par essence est centralisateur. Ils se rendent compte qu’ils ne peuvent élire que des partis politiques provinciaux. En tout et partout, ils vivent avec des moyens provinciaux, des aspirations de provinciaux, des fonctionnaires provinciaux, des comportements provinciaux, des gouvernements provinciaux sans grandes ambitions et une fonction publique provinciale qui raisonne et agit comme une administration municipale quand ce n’est pas tout simplement comme une succursale d’Ottawa. Faut-il citer des exemples ? la liste serait trop longue, car les histoires d’horreur semblent se multiplier avec la complicité et la duplicité de nos élites politiques, économiques et culturelles.
- La société québécoise est subordonnée, subventionnée et conditionnée
Pour clore ce chapitre peu reluisant, les Québécois ont des réflexes de subordonnés, de provincialisés et finalement d’assimilés. Ils ont surtout des réflexes de conditionnés. Qui peut s’emballer à vouloir construire une société, une nation ou un État juste un petit peu moins provincial, une économie juste un petit peu moins dépendante, une vie politique juste un petit peu moins dominée par un autre ou une vie culturelle juste un petit peu moins subventionnée par le gouvernement fédéral ou par des sociétés d’État fédérales ou par des programmes obscurs d’aide à ceci ou à cela distribués avec discrétion. Prenez, par exemple, la programmation télévisuelle de Radio-Canada pour la première moitié de 2005. Avez-vous compté le nombre d’auteurs, de comédiens et de comédiennes, d’artistes, de réalisateurs et de tout un personnel technique qui vivent au crochet de cette institution de propagande canadian ? N’est-ce pas un très bel exemple de subordination culturelle ?
Quatrième bilan : l’existence d’un Québec-Français
Comment interpréter le fait que la langue française ait pu réaliser des progrès au Québec, mais que la situation demeure toujours aussi précaire quant à l’existence d’un Québec-Français ? En réponse à cette question, nous retenons ces deux observations de l’écrivain Yves Beauchemin dans son article intitulé « Parler français, pour combien de temps ? » publié dans Le Devoir où il affirme que « les langues ne flottent pas dans une sorte d'abstrait culturel. Elles reposent sur des bases économiques et sociopolitiques. » (Voir RÉF., no 4.) Toutefois, il n’en demeure pas moins que « pour franciser, il faut des francophones ! » Or, « notre déclin démographique et le rejet par le Canada de nos aspirations collectives les plus légitimes nous obligent, pour conserver notre langue, base de notre identité, à choisir la souveraineté. » (Voir Ibid.) Si ce choix ne se fait pas, une autre question se pose : « Qu’a donc de si nocif le bilinguisme ? Ne représente-t-il pas une richesse ? Au plan individuel, oui, bien sûr. Parler deux langues – ou trois ou quatre – c'est un atout. Mais appliqué de façon collective et institutionnelle, le bilinguisme au Québec ne peut que menacer le français. » (Voir Ibid.)
Nous sommes là au cœur du problème, car une autre question se pose : « Pourquoi parler ou apprendre une langue qui ne serait pas utile en toutes circonstances, alors que sa rivale le serait ? » (Voir Ibid.) Cette question fondamentale soulève d’autres interrogations par rapport à l’assimilation des individus et au comportement des collectivités, entre autres celle-ci : quand tous les Québécois sauront parler anglais, à quoi servira le français ?
LE BILINGUISME ET LE QUÉBEC INDÉPENDANT
Il découle des rapports sociaux au Québec des conditions de vie en société qui ne sont pas strictement comparables à d’autres sociétés ailleurs dans le monde. Les deux graphiques présentés ci-dessous posent le problème du bilinguisme dans la vie de la société québécoise. Des similitudes peuvent toutefois exister avec d’autres sociétés, mais il faut toujours faire attention aux comparaisons trop hâtives ou dangereusement superficielles. Pour se comprendre, les parties en bleu désignent les zones de bilinguisme. Ces zones ne sont fixées ni dans le temps ni dans l’espace ni par une proportion définie à priori. Elles sont le produit de l’histoire et elles peuvent changer d’une époque à une autre.
Dans une société normale, ce n’est pas à la majorité linguistique démographique de choisir la langue de la minorité (Figure no 1). Dans le cas d’une société normale, la langue de la majorité constitue la langue de communication des individus vivant dans cette société. Par contre, dans le cas d’une société anormale, c’est la majorité qui doit devenir bilingue pour satisfaire les besoins d’une minorité d’individus vivant dans cette société (Figure no 2). Dans une société normale, il est naturel de constater qu’une minorité d’individus connaît deux langues, même trois ou plusieurs autres langues différentes. Cela est sain et même souhaitable. En revanche, dans une société anormale, la masse serait tenue de connaître deux langues presque obligatoirement, même si au sommet une minorité d’individus plus ou moins considérable en connaît deux, même trois ou plusieurs autres.
Les Québécois-Français et les Québécoises-Françaises sont pour l’ensemble dans une situation anormale. Cet état de fait provoque des tensions linguistiques au sein de la population et dans la société en général. En définitive, la Loi 101 visait principalement à corriger cette situation pour la majorité des Québécois. Cela était tout à fait normal. Dans une société de droit, comme c’est le cas au Québec, ce geste politique était parfaitement correct et justifié. C’était l’inverse qui devenait anormal. La dynamique intégrale (interne) d’une société ne devrait pas soulever de problèmes comparables à cet égard. Admettre des immigrants et soumettre après coup la majorité d’accueil à une tierce langue est le commencement de la confusion et le début de l’anarchie sociale tant au plan culturel que sur tous les autres plans de la vie et des conditions de vie en société.
Une culture ne peut pas se défendre si elle ne peut maîtriser les codes de communication entre les individus. Toutefois, cette conception de la langue, même vue dans une perspective plus large de culture et d’identité, est insuffisante et partielle. « Une culture nationale ne se bâtit pas en l'air, a déclaré l’historien Guy Frégault, en 1955, devant l’Institut canadien des affaires publiques. [...] Pour se développer, a-t-il ajouté, elle doit être nourrie et soutenue par un groupe humain qui dispose des ressources, des institutions et surtout de « l’outillage mental » qu'il faut pour organiser son territoire, sa politique, son économie, sa société. Cette constatation nous permet tout de suite de remarquer combien Canadiens français et Canadiens anglais se trouvent placés dans des conditions différentes lorsqu'il s'agit de travailler à l'épanouissement de leur culture respective. » (Cf. Le Rond-Point des sciences humaines.)
Les deux graphiques représentent deux situations linguistiques très différentes.
Dans la première figure, la société modèle est composée d’une population qui possède une langue qui est connue et partagée par l’ensemble de la population du pays. Parmi cette société, une élite, des groupes divers et des individus maîtrisent deux, trois ou plusieurs langues. En général, ils se retrouvent parmi les classes dirigeantes de la société.
Dans la seconde figure, il y a effectivement une élite, des groupes divers et des individus qui maîtrisent deux, trois ou plusieurs langues. Par contre, cette société modèle est composée d’une zone singulière où la collectivité majoritaire, démolinguistiquement parlant, est invitée à endosser la langue d’une minorité qui possède des moyens plus grands pour satisfaire son développement politique, économique et culturel. Ce transfert vers la langue de la minorité dans cette société n’est plus une question d’apprentissage d’une langue seconde, mais bel et bien un transfert vers l’assimilation des individus, bien sûr, mais d’une collectivité toute entière. Ce qui est le prélude à sa disparition.
Dans notre esprit, la langue seconde n'est pas l’équivalent de la langue de la minorité québécoise anglaise. La langue de la minorité n’est plus « seconde » parce qu’elle est une « force » au sens de Maurice Séguin (cf. Les Normes, « Chapitre deuxième »). Par conséquent, le cas de la société anormale relève plus de la théorie de la dynamique intégrale des forces (internes) dans une société que des concepts de sociolinguistique. Comme force, la langue de la minorité n'est pas seconde, elle est première. D’où l’inclusion des Québécois-Français au sein de la zone du bilinguisme forcé et de leur subordination à la langue de la communauté minoritaire au sein de la population québécoise (cf. Figure no 2). La situation du Québec-Français est en cela très différente de celle d'une société normale. Les Québécois doivent se libérer de l’étreinte fatale du bilinguisme forcé sinon c’est la réduction de la force de la majorité française et l’assimilation complète à plus ou moins longue échéance.
le bilinguisme au Québec ne peut que menacer le français. »
(Yves Beauchemin)
Le bilinguisme, c’est plus compliqué qu'on le dit ! Ce qui donne la situation explosive du Québec entre deux finalités nationales opposées : la libération collective « lucide et responsable » ou l’assimilation « tranquille et irrévocable ».
Il est plus que temps de mettre fin à la tradition et à l’illusion collective des Québécois-Français de penser qu’ils peuvent demeurer fidèles à eux-mêmes en laissant persister systématiquement l’idéologie du bilinguisme sociétal et institutionnel. D’où cet appel à Yves Beauchemin qui nous servira de conclusion.
« Il suffirait pourtant, écrit-il, de nous élever à la hauteur des circonstances pour obtenir cette chose qui, de tout temps, nous a appartenu mais qui nous a toujours si cruellement manqué : la liberté, dans toute sa plénitude, et sa magnifique concrétisation : le premier État français d'Amérique. » (Voir RÉF., no 4.)
Bruno Deshaies
RÉFÉRENCES :
(1) Michel BRUNET, « Les servitudes et les défis du bilinguisme. » Dans Québec Canada anglais, Deux itinéraires, un affrontement, Montréal, Les éditions HMH, 1963, pages 185-204. Une partie seulement de cette étude fut publiée sous le titre « Servitudes du bilinguisme ». Cahiers de l’Académie canadienne-française : linguistique, 1960, 61-70.
(2) Michel BRUNET, « L’immigration et le peuplement du Canada. Les Immigrants, enjeu de la lutte entre les deux collectivités fondatrices du Canada. » Dans Québec Canada anglais, Deux itinéraires, un affrontement, Montréal, Les éditions HMH, 1963, pages 205-220. Conférence prononcée au Deuxième Congrès National sur les Slaves du Canada, Université d’Ottawa (10 juin 1967). Dans cette conférence. on trouve l’aphorisme célèbre de Michel Brunet au sujet du nombre et de son rapport à l’histoire. « En histoire, écrit-il, c’est d’abord le nombre qui compte : premièrement, le nombre, deuxièmement, le nombre et troisièmement, encore le nombre. Ensuite, il est possible d’aborder d’autres questions. » (p. 211)
(3) Jacques LECLERC, Histoire de la langue française. Trésor de la langue française au Québec (TLFQ).
Les travaux effectués par l’équipe du TLFQ sont sous l’égide du Centre interdisciplinaire sur les activités langagières (CIRAL).
Dans la page Internet du site intitulé L’aménagement linguistique dans le monde, Jacques Leclerc dresse un portrait de l’origine et de l’évolution de la langue française à travers le récit de neuf grandes périodes historiques, allant de l’époque du monde romain jusqu’à celle, actuelle, du français contemporain. Le texte contient des illustrations ainsi que des phrases ou des mots sur lesquels l’internaute peut cliquer afin d’obtenir des renseignements complémentaires. VOIR : « Étude et analyse du français. Histoire du français et étymologie. » Source d’information : Office de la langue française du Québec.
La partie consacrée à l’« Histoire du français au Québec. » couvre le français en Nouvelle-France jusqu’aux nouvelles réorientations et stratégies de 1982 à nos jours. Ce dossier constitue un volet des recherches menées autour du thème de L’aménagement linguistique dans le monde. D’ailleurs, cette étude entre dans le cadre de l’analyse des problèmes relevant de la francophonie.Table des matières
Section 1 :
La période de la Nouvelle-France (1534-1760) : l'émergence du français
Section 2 :
Le régime britannique (1760-1840) : la traversée du désert d'une majorité menacée
Section 3 :
L'Union et la Confédération (1840-1960) : apprendre à vivre en minorité
Section 4 :
La modernisation du Québec (1960-1981) : le français, langue étatique
Section 5 :
Réorientations et nouvelles stratégies : de 1982 à nos jours
Section 6 :
Bibliographie
(4) Yves BEAUCHEMIN, « Parler français, pour combien de temps ? Notre déclin démographique et le rejet par le Canada de nos aspirations collectives les plus légitimes nous obligent, pour conserver notre langue, à choisir la souveraineté. » Dans Le Devoir, mardi 9 mars 1999.
Monsieur et cher ami,
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt et beaucoup d'attention votre admirable dernier article de Vigile (20 janvier 2005) sur le «Bilinguisme», que nous devrions tous lire. Permettez-moi de vous faire les remarques suivantes, en guise de modeste complément. D'abord, ne faudrait-il pas ajouter à vos propos que la plupart des Terriens ne connaissent qu'une seule langue? Leur langue maternelle leur suffit. Voilà l'état normal d'une société: le concept d'unilinguisme va tellement de soi que, jusqu'à tout récemment, le Petit Larousse et le Petit Robert ne faisaient même pas mention de ce mot (on ne le trouvait que dans le Grand Robert, de même que monolinguisme, avec la mention Mil. XXe s.). Voilà ce que tous les Québécois devraient savoir, cessant du coup d'éprouver de la culpabilité s'ils ne connaisent pas l'anglais; à condition, bien entendu, que nous nous mobilisions, par ailleurs (nos dirigeants ont toujours refusé de le faire), pour que, sauf exception professionnelle, on puisse gagner sa vie en français au Québec, ce qui est de moins en moins le cas, hélas!
En outre, il serait peut-être utile de modifier la définition du bilinguisme que nous donnent les dictionnaires de la façon suivante: le bilinguisme est l'état d'une personne ou d'une collectivité «qui est obligée de connaître, en plus de sa langue maternelle, une autre langue bien précise, et qui varie suivant les pays». Obligation donc absence de liberté, coercition. L'obligation peut provenir d'une loi, comme celle qui régit les services fédéraux suisses et canadiens, ou simplement du fait que, sans une seconde langue, il est à peu près impossible à la majorité de gagner honorablement sa vie, comme c'est le cas actuellement pour un trop grand nombre de Québécois et comme c'est la conséquence normale d'un établissement à l'étranger pour un émigrant. Il peut arriver, également, que leur langue maternelle soit si peu répandue que certains nationaux, à cause de leur profession, doivent adopter une langue étrangère pour communiquer avec le monde. Ce n'est certes pas le cas de celui qui est de langue française.
Croyez à mes sentiments dévoués.
Gaston Laurion, 23.1.2005
CHAPEAU à monsieur Deshaies pour cette chronique. Il a réussi à expliquer le problème de fond qui gruge la société québécoise-française. Via les tribulations de l'histoire de notre langue, nous découvrons une des facettes de l'annexion. Une facette, car la langue n'est pas tout dans une société. En effet, une nation doit considérer toutes les facettes qui mènent à sa liberté, c'est-à-dire le culturel, l'économique, le politique, autant à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Pierre Daviau
Québec
Le 24 janvier 2005
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
20 avril 2008Encore une fois. Ce n'est pas le bilinguisme individuel qui est la pire menace, c'est le bilinguisme institutionnel doublé de l'uniculturalisme américain; la dynamique langue dominante et langue dominée.
Ce n'est même pas le fait que l'on doive parler un peu d'une autre langue pour gagner sa vie. C'est même très bien la plupart du temps. Non c'est bien plus pernicieux que cela.
Je connais beaucoup d'immigrants parlant très bien le français. Mais voilà le problème. Si vous leur demandez par contre quels genres de livres, de magazines ou d'émission de télévision qu'ils regardent, malgré tous les efforts de la loi 101, ils vous répondront l'anglais.
Beaucoup perdent assez rapidement leur propre culture et leur propre langue. L'uniculturalisme américain dominant s'installe et écrase tout. Ce n'est pas uniquement une question québécoise. C'est une question de survie culturelle mondiale. Beaucoup de néo-québécois ne sont même pas conscients que le bilinguisme en question cache autre chose; la mort de leur propre culture.
C'est regrettable à dire mais la loi 101 n'a pas cassé la dynamique malsaine; langue dominante et langue dominée. La loi 101 est en grande partie un échec. Elle nous a endormi et a gommé la vraie dynamique linguistique qui se passe à Montréal et qui fait que le français va devenir bientôt une langue comme les autres, laissant l'anglais à nouveau langue d'intégration privilégiée. C'est de plus en plus le cas malgré les mensonges de l'OLF. On nous cache la vérité et on nous endort. Le français n'aura pas beaucoup d'avenir à Montréal dans 50 ans.
Archives de Vigile Répondre
17 février 2008Bien oui, un individu peut vivre toute une vie sans connaître la langue anglaise sauf s'il vit en Angleterre, En Irlande, Aux États-Unis dans le ROC et à quelques autres endroits comme en Australie.
1- Est-ce que c'est positif de savoir parler anglais au Québec ?
2- Si oui, pourquoi priver un seul Québécois des occasions de bien l'apprendre ?
3- Les frileux qui pensent que nous allons sauver le français en réduisant la connaissance de l'anglais au Québec me font penser à l'église catholique qui suggérait fortement à ses fidèles d'éviter les contacts avec les protestants pour ne pas succomber à leur religion.