POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE

Réfléchir, encore?

Cette remise en question vise essentiellement à accoucher d'une politique énergétique conforme aux intérêts de l'Empire Desmarais

On réfléchit beaucoup à l’énergie au Québec: une nouvelle démarche vient d’être lancée à cet égard par le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles et responsable du Plan Nord, Pierre Arcand. Tant de réflexion pourrait laisser croire qu’on n’agit pas vraiment. Alors que…

Il y a présentement en cours au Québec une étude environnementale stratégique (EES) globale sur les hydrocarbures et une autre EES sur Anticosti. On attend d’ici la fin novembre le rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sur le gaz de schiste, filière qui a déjà fait l’objet d’un rapport d’enquête en 2011 puis d’un autre rapport publié en février dernier, au terme aussi d’une EES.

Le gouvernement dispose par ailleurs du rapport, volumineux et global, de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec (CEEQ), lui aussi rendu public en février, après des audiences tenues dans 16 villes et la réception de 460 mémoires. La commission avait été mise sur pied par le gouvernement Marois, mais il est clair que tous ceux qui y ont participé n’ont pas modifié leur discours depuis. D’ailleurs, comme le dit lui-même l’un des coprésidents de la CEEQ, Normand Mousseau, depuis le début de l’année, rien n’a changé en matière énergétique au Québec.

Et pourtant, c’est en prenant prétexte que « la situation évolue », en indiquant même qu’il entend s’inspirer du rapport de la CEEQ, que le ministre Pierre Arcand a mis sur la table vendredi un nouveau grand chantier, avec tables rondes d’experts et consultations publiques, afin de déboucher sur une nouvelle politique énergétique à l’automne 2015.

On pardonnera au citoyen d’avoir l’impression de tourner en rond, qu’on l’envoie discuter à répétition, qu’on le divertit, pendant que l’industrie du secteur énergétique affûte ses projets, attendant seulement que le gouvernement Couillard lui donne les autorisations nécessaires pour agir. N’est-ce pas le président de l’Association pétrolière et gazière qui proposait au gouvernement, lundi, de permettre à chaque entreprise de mettre en place un projet-pilote d’extraction de gaz de schiste, histoire de mesurer pour vrai son impact avant que l’encadrement soit en place ? Prévenir après coup quoi !

Dans la même veine, il y a d’un côté le ministre Arcand qui plaidait vendredi pour un virage vert — tout en expliquant, quand même, que nous sommes dans une phase transitoire quant à notre consommation de pétrole. De l’autre, le gouvernement autorise des forages en Gaspésie, qui ont lieu cet automne.

On notera aussi que le gouvernement maintient l’objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre qui est, pour le Québec, de l’ordre de 20 % (par rapport aux émissions de 1990) d’ici 2020. Pourtant, le rapport de la CEEQ le démontrait avec éloquence : cette cible ne sera pas atteinte. Et si on veut quand même y arriver dans un délai raisonnable, il faudra des changements radicaux, notamment en transport. Or la révolution nécessaire ne se pointe toujours pas à l’horizon. Au contraire, des décisions comme la mise en place d’une cimenterie à Port-Daniel augmenteront la production de GES. Où est la cohérence ?

Et il y a le temps qui passe. Une fois que le rapport sera déposé (les échéanciers seront-ils respectés ?), il faudra voir si ses conclusions plaisent aux libéraux (celui de la CEEQ n’avait pas fait l’affaire du gouvernement Marois, tenu de le révéler à cause d’une fuite au Devoir, et qui l’avait aussitôt oublié). De là découlera la politique énergétique du gouvernement, suivie d’une autre période de débat en commission parlementaire. Du coup, il ne restera guère de marge de manoeuvre pour les grands virages avant 2020. Mais est-ce bien un virage qui est souhaité ?


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