Raison d'État

Chronique d'Élie Presseault

Parlerons-nous de raison d’État ou plutôt de subterfuge d’État? Si le gouvernement Harper juge que la dissimulation des faits historiques et recensés justifie leur ampleur impopulaire, alors nous serons à même d’observer une orchestration des entreprises qui fondent l’agir et le motif fédéral dans cette occultation de la réalité québécoise. Jamais plus il ne peut être question de concertation nationale quand nous ne prenons fait et cause de cette réalité déplorable. Cautionner l’inacceptable, proposer des mesures dilatoires et/ou simuler un énième renouvellement du fédéralisme n’y fera rien. C’est pourquoi nous devons nous pencher sur cette fameuse raison d’État du Québec dans sa pleine acception.
La situation du Québec
Toutes choses étant égales par ailleurs, le statut de province du Québec cantonne une existence politique qui semble vouloir être marginalisée et folklorisée. Quand notre premier ministre réduit à sa plus stricte définition la signification et l’intelligibilité de l’expression «Gouverner ou disparaître», nous sommes en droit et au-devant du devoir de poser les questions légitimes en face de notre avenir national. Par exemple, quand Christine Saint-Pierre prend fait et cause pour l’engagement militaire du Canada, nous sommes en droit de se demander si la filiation québécoise est en train de disparaître.
Le français, conscience de l’être national
Dans une récente chronique, je déplorais la teneur du vocabulaire des ministres Beauchamp et Saint-Pierre quant à l’emphase mise sur la minorité historique d’expression anglophone. Je ne puis dire, en relisant le verbatim des échanges à l’Assemblée nationale du 3 juin dernier, que Mme Michelle Courchesne, alors ministre de l’Éducation et aujourd’hui présidente du Conseil du Trésor, déclarait les choses suivantes en étant conséquente : « M. le Président, la primauté de la langue française dans notre réseau de l'éducation demeure une valeur fondamentale, et ça demeure une réalité aujourd'hui, M. le Président. »
Sous la lunette d’optique fédéraliste, depuis le règne des Bourassa, il ne saurait être question de peuples fondateurs à l’intérieur de l’État unitaire du Canada. La deuxième guerre mondiale ayant consacré un empiètement sans cesse grandissant des prérogatives du fédéral à l’égard des provinces, nous pouvons alors constater l’envahissement du Canada dans les champs de compétence du Québec. Quand Mme Courchesne déclare quelque primauté et la met en demeure en réitérant le même terme à deux reprises, nous pouvons décortiquer cette opération de communication politique. Dire que la primauté du français demeure et persister du même souffle qu’elle demeure la réalité d’aujourd’hui, qu’en est-il de demain ?
Par les jours qui courent, il serait important d’assister à une désacralisation de la loi 101 selon les mots mêmes de Louis Préfontaine. Pour ma part, je dirai seulement que l’arsenal déployé par les tenants du statut quo linguistique et infanticide oeuvrent à la minorisation et l’éventualité de la disparition effective du Québec français. Qu’on lise bien ceci : je dénonce toute tentative d’instrumentaliser l’inaction à l’égard de la langue française. Nonobstant quelque historique, le Québec doit se relever, assumer son passé et prendre la pleine mesure des tâches qui s’imposent à l’horizon.
L’action d’État du Québec souverain, indépendant et libre de sa destinée
Le Québec devra d’abord et avant tout se gouverner, prendre les décisions et en suivant ses intérêts. Peu importe la position canadienne, le Québec doit envisager l’éventualité d’agir indépendamment de toute ingérence extérieure. Depuis les jours de la Révolution tranquille, nous avons proclamé l’État du Québec. Le centre de gravité de l’action politique s’est peu à peu déplacé. Sur son territoire, le Québec doit avoir la pleine capacité d’initiative. Le statut quo et l’incurie de certains intervenants dans l’observation et l’application de l’esprit de la loi 101 démontrent que le cadre d’action est constamment bafoué en suivant les préceptes d’une conception d’État adverse à la nôtre.
Actuellement, nous assistons à une fenêtre d’opportunité d’agir politiquement de façon durable. Les résultats ne viendront peut-être pas aussi vite qu’on le désire, il n’en reste pas moins que nous devons reprendre cette capacité d’initiative. Restaurons les libertés démocratiques, resserrons la reddition des comptes autour de l’exercice des pouvoirs de l’Assemblée Nationale, exigeons une plus grande imputabilité des parlementaires en face de leurs déclarations dans quelque situation que ce soit, et nous serons à même d’appliquer ce que nous avons appris de l’épisode Michaud. Ceci étant dit, il nous faut reprendre l’initiative, qu’il s’agisse d’article 1, du moratoire dans le dossier de l’industrie du gaz de schiste et de la nécessité du renouvellement de la classe politique. Quand nous sommes rendus à recycler la vieille classe politique, ne nous surprenons pas de quelque scepticisme, sarcasmes et réfugiés du cynisme.
La constitution et la nécessité de consultation de l’heure
Un jour, Charles De Gaulle a déjà dit que les choses salutaires à faire n’allaient pas toujours sans blâme sur le plan du suffrage populaire. À l’instar des Jacques Parizeau, Gilles Duceppe, Bernard Landry et Pauline Marois, je constate que l’effervescence des débats doit reprendre de plus belle. Nous avons pu noter les contributions de Robert Laplante, Jean Allaire, Claude Morin et Benoît Pelletier, et assister au spectacle de la mise en liberté partisane de Joseph Facal. Ceci n’est pas sans s’accompagner d’arrière-pensées acidulées. J’ose seulement espérer que l’exercice de notre primauté constitutionnelle sache s’affranchir de quelque conception monarchiste, fût ce même en dépit du suffrage canadian. Qu’il s’agisse d’élections et/ou de référendum sur un sujet d’intérêt national, c’est-à-dire enquête sur l’industrie de la construction, projet de constitution, éventualité d’un moratoire à faire appliquer ou tout autre sujet approprié, les Québécois-es méritent d’être consultés sur leurs préoccupations de l'heure.


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