Pauvre Radio-Canada qui vire son capot de bord parce que l’air soufflant d’Ottawa semble tout à coup plus respirable! C’est vrai que le nouveau gouvernement libéral et le sourire accueillant de la ministre Mélanie Joly peuvent inciter son PDG à mettre des lunettes roses, mais il faudrait être naïf pour croire qu’il lui suffit de demander pour recevoir.
Quand Hubert Lacroix annonce qu’il est prêt à renoncer à la publicité et à en faire «cadeau» aux diffuseurs privés, c’est difficile de ne pas avoir un sourire en coin. C’est encore plus difficile de croire que sa proposition est le résultat d’une longue réflexion quand on écoute les arguments ténus qu’il avance.
Parmi ces arguments, le plus saugrenu est celui qui concerne les séries. Sans publicité et sans contraintes de minutage, les scénarios, dit-il, seront bien meilleurs, les histoires seront différentes et plus complexes. Lacroix n’a sûrement jamais écrit une seule ligne de fiction. Tout auteur sait que les pauses publicitaires, si agaçantes soient-elles, n’ont rien à voir avec le sujet, l’intérêt et la complexité de l’histoire à raconter.
TOUTE UNE VOLTE-FACE
Quand j’étais membre du conseil d’administration de Radio-Canada, j’ai tenté de convaincre mes collègues d’abandonner la publicité. À l’époque, les chaînes généralistes réclamaient que les abonnés du câble et du satellite paient une redevance. Je préconisais plutôt que les abonnés paient une redevance à Radio-Canada. En retour, Radio-Canada céderait tout le champ publicitaire aux diffuseurs privés.
Robert Rabinovitch, PDG d’alors, s’opposa vivement à mon initiative. Il eut tôt fait de réduire au silence les quelques vice-présidents qui appuyaient le projet. Selon Rabinovitch, la publicité était le seul moyen pour le diffuseur public de garder contact avec la réalité! Quatre ans plus tard, en 2011, Hubert Lacroix abondait dans le même sens que son prédécesseur.
Samedi dernier, dans une entrevue au Globe & Mail, Lacroix a déclaré que la publicité a sur la programmation une influence néfaste («corrosive»). Difficile de faire mieux comme volte-face.
Maintenant que la publicité télévisée rapporte à Radio-Canada presque la moitié moins qu’il y a 10 ans et qu’elle continuera de diminuer, il n’y a rien de généreux à y renoncer. Surtout qu’on demande 418 millions $ de compensation pour les 213 millions $ qu’elle rapporte, une fois déduits les 40 millions $ que coûte le service des ventes.
UN PROBLÈME DE CRÉDIBILITÉ
Ces millions supplémentaires serviront aussi, selon le PDG, à remplir les «trous» laissés par la pub et à faire face aux changements qu’imposent le numérique et les nouvelles technologies. Le PDG ignore-t-il que certaines des nouvelles technologies peuvent réduire les coûts de main-d’œuvre et ceux de production? Qu’on pense seulement aux frais de production et aux jours de tournage qu’économisera demain la réalité virtuelle.
Quel dommage qu’une proposition aussi importante que l’abandon de la publicité soit si mal étayée. Ça ne suffit pas de clamer que, sans publicité, Radio-Canada sera enfin plus libre, plus audacieuse et plus rassembleuse. Encore moins de prétendre que sans la pub, on créera 7200 emplois et augmentera le PIB de 488 millions $. On dirait un politicien en campagne!
Si seulement le PDG de notre diffuseur public pouvait compter sur un conseil d’administration capable d’éclairer sa lanterne... et la nôtre.
TÉLÉPENSÉE DU JOUR
«Aujourd’hui, ma vie c’est d’la marde», musique de Lisa LeBlanc et paroles inspirées de Serge Denoncourt à Tout le monde en parle.
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