Combien d'immigrants le Québec devra-t-il accueillir ces trois prochaines années pour assurer son développement économique et démographique? La question est soumise à l'analyse de la Commission de la culture de l'Assemblée nationale à compter d'aujourd'hui. Alors que le gouvernement Charest veut accélérer le rythme, l'opposition adéquiste prône le statu quo en raison de la capacité d'accueil limitée du Québec. Qui des deux a raison?
Le premier ministre Jean Charest a livré dimanche, en conclusion d'une réunion du conseil général du Parti libéral, ce qu'il est convenu d'appeler un vibrant plaidoyer: «Le Québec a besoin de bras, de cerveaux, de coeurs pour atteindre son plein potentiel économique», a-t-il lancé avec beaucoup d'émotion. Il faut lui donner d'emblée raison. En 10 ans, le niveau d'accueil des immigrants est passé de 28 000 à 45 000. Il faudra, ces prochaines années, en accueillir encore plus pour pallier la décroissance de la population active nationale qui commencera à se faire sentir au cours de la première moitié de la prochaine décennie. Compte tenu des délais que nous observons dans le processus d'intégration des immigrants, il y aurait un coût économique à ne pas agir aujourd'hui.
Ce débat n'est malheureusement pas sans couleurs partisanes. Les libéraux, qui se posent en champions de l'ouverture, accusent les partis d'opposition, l'Action démocratique surtout, de chercher, par leurs discours sur les accommodements, à «lever des murs d'intolérance» autour du Québec. Ce à quoi l'ADQ réplique en renvoyant la balle aux libéraux et à leurs prédécesseurs péquistes pour ne pas avoir fait les efforts suffisants d'intégration des immigrants. Sur ce plan, c'est au chef de l'ADQ qu'il faut donner raison.
Les budgets du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles n'ont que légèrement augmenté ces dix dernières années, mais, en tenant compte de l'inflation et de l'augmentation du nombre d'immigrants, il s'agit d'une diminution. Les dépenses réelles sont passées de 96 millions en 1996-1997 à 125 millions l'an dernier. Il y a dix ans, le Québec dépensait 3428 $ par nouvel arrivant. Aujourd'hui, ce n'est plus que 2780 $. Cela n'est pas sans rapport avec la difficulté, beaucoup plus grande que dans les autres provinces, qu'ont les immigrants à intégrer le marché du travail au Québec.
Pour éloquents qu'ils soient, ces quelques chiffres ne justifient pas le discours adéquiste de restriction de l'immigration. S'en tenir à un niveau de 45 000 immigrants sous prétexte que l'État a atteint la limite de sa capacité d'accueil, c'est jouer avec les mots. Il est bien évident que si l'on augmente les niveaux d'immigration, il faudra faire des efforts conséquents en matière d'accueil et d'intégration.
Au lieu de chercher à freiner l'augmentation des niveaux d'immigration, l'Action démocratique a dans ce débat la responsabilité de s'assurer que le gouvernement agisse rationnellement. Le ministère de l'Immigration défendra comme cible pour 2010 l'accueil de 60 000 immigrants. En nombre absolu, l'effort à faire en trois ans serait presque aussi grand que celui fait ces dix dernières années. Au surplus, il faudra mettre l'accent sur les immigrants dits économiques, puisque, pour les prochaines années, ce sont des travailleurs qualifiés qui seront recherchés. L'impact sur les programmes de sélection et les programmes d'accueil seront à l'avenant. Le budget du ministère de l'Immigration devra croître dans la même proportion que les niveaux annuels d'immigration. Si le gouvernement Charest refusait de prendre des engagements clairs en ce sens, l'ADQ aurait raison de vouloir freiner l'immigration. Autrement, son opposition sera injustifiée.
bdescoteaux@ledevoir.com
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