Après bientôt dix ans d'existence, et malgré un bel autocar de campagne, Québec Solidaire n'arrive pas à sortir du Plateau Mont-Royal. Les ouvriers, les vrais, Rambo et ses collègues, sont des étrangers à la culture de QS. Or, un parti de gauche sans ouvriers est voué au même destin qu’un parti de droite sans banquiers : l’incohérence et la disparition.

Les ouvriers et la politique

Aux yeux de l’establishment de QS, les ouvriers sont des ignorants à qui les médias de masse ont lavé le cerveau afin d’en faire des consommateurs dociles. Il suffit d’assister à leurs réunions pour réaliser toute la condescendance qu’ils ont à l’égard des 90% d’aliénés qui contribuent à la domination invisible des tout-puissants aux commandes du «système».

Un de nous a été membre de QS pendant deux ans; il a déchanté le jour où il a assisté à une réunion de comté où deux militants anglophones l'ont rappelé à l'ordre sur la question nationale. «QS n'est pas le Parti québécois. Nous n'imposons pas aux gens des idéologies. Nous ne souhaitons pas dire aux gens quoi penser.»

Pardon? Ainsi, le projet indépendantiste est lui aussi une idéologie imposée de laquelle il faut se méfier ? Jadis, il y avait l’histoire pour nous confirmer la légitimité de nos luttes collectives, mais elle aussi, comme la politique, est reléguée au passé obscur de nos ancêtres.

QS s’illusionne en envisageant de tenir une assemblée constituante dont les résultats rationnels seraient selon eux probablement refusés par le Canada, ce qui mènerait peut-être, par la suite, à une déclaration d'Indépendance, qui devrait être approuvée par un référendum populaire.

Plan très douteux que cette constituante où les classes moyennes méprisées par les militants de ce parti pourront s'exprimer autant que les doctorants de l'UQÀM. Et au Québec, croyez-le ou non, il y a beaucoup plus d’ouvriers que d’universitaires. Ceux-là mêmes qui ont eu honte des interventions de la Commission Bouchard-Taylor ou encore du témoignage du couple comparant les musulmans à des animaux, souhaitent faire une assemblée constituante dont émergera un projet politique écologiste, féministe, pluraliste et altermondialiste?

Imaginez ce que va dire l’intelligentsia de QS lorsque les auditeurs de Radio-X et les lecteurs du «maléfique» Journal de Montréal vont se prononcer sur le projet «progressiste» de la société idéale ? Les bobos tolérants vont crier au fascisme, à la démagogie, aux «faux problèmes», et vont mettre de côté toutes les recommandations ne cadrant pas avec leurs présupposés idéologiques, exactement comme la Commission sur les accommodements raisonnables l'a fait. Et le bon peuple désertera le processus, crachera sur les élites qui le méprisent et nous aurons droit à une éternelle reprise de l’accusation de populisme, terme servant à discipliner le peuple lorsqu'il ne pense pas comme les élites.

La politique, ce n'est pas un consensus amoureux pris dans une assemblée de cuisine entre militants de gauche tous d'accord sur les mêmes enjeux. La politique, c'est l'art du compromis. QS veut une assemblée constituante qui réunira toutes les tendances politiques du Québec, mais Françoise David hurle à la mort lorsqu'on lui parle de s'asseoir aux côtés de Pierre Karl Péladeau pour défendre la souveraineté. De co-porte-paroles en assemblée constituante, ce qui inquiète vraiment ce parti c’est d’être politiquement correct et de se réclamer de la vertu plus que de mener un projet à bien. Nous ne sommes plus dans la politique. Nous sommes ici sur le terrain de l’éthique, de la morale, voire de la pastorale.

Peut-être cette confusion est-elle à mettre en lien avec le fait qu'Amir Khadir s'est réjoui de la victoire néodémocrate au Québec lors des dernières élections fédérales.

Fédéralisme ou indépendance ?

Le député de Mercier souhaite voir le parti le plus centralisateur de la scène fédérale, le NPD, former le prochain gouvernement canadien. De plus, il se permet de jouer sur les mots avec des phrases aussi ambiguës que : «L'indépendance si nécessaire, mais pas nécessairement…» . Dans quel contexte exactement l'indépendance ne serait-elle pas nécessaire, M. Khadir? Si le NPD centralisateur venait s'insérer dans nos institutions québécoises? Ce serait, en fait, une belle trahison du mouvement souverainiste, car la gauche canadienne nous insupporte autant que la droite. Entre les végétariens néodémocrates de Toronto et les évangélistes conservateurs de l'Alberta, nous préférons encore ces derniers. Au moins, ceux-là ne font pas semblant de nous aimer dans un rapport colonial saupoudré de tolérance. Pour eux tous, le Québec est une province à discipliner.

En s’attaquant à la légitimité de la lutte nationale, QS favorise la dissolution du sujet qui nous a permis de traverser l’histoire. En ne s’intéressant qu’aux marges, les solidaires passent à côté du cœur de nos luttes collectives. Le dogme solidaire fait l’impasse sur la domination qui nous habite tous au Québec : la domination canadienne. Ce parti est l'allié objectif du Parti libéral du Québec, qui, tous deux, ont comme but de détruire le mouvement nationaliste «xénophobe», «populiste», «tribal», «malsain» et surtout «dangereux». Québec solidaire est un parti libéral de gauche qui souffre du même malaise que son homologue de droite - la crainte de « la tyrannie de la majorité ».

La question nationale

Un peuple n'étant pas capable de se donner un pays, ne fera jamais de révolution écologiste, pluraliste, féministe ou altermondialiste. La résolution de la question nationale est à la base de toute réflexion politique au Québec. La victoire de Philippe Couillard signifierait une terrible défaite pour tous les Québécois.

La politique n’est pas qu’une question de choix individuels orientés en fonction de ce que nous croyons être nos valeurs authentiques. On ne vote pas pour soi, mais à l’intérieur d’un univers qui nous transcende. La politique n’est ni une affaire de pureté, ni une affaire de bons sentiments.

Notre condition politique actuelle, c’est celle d’un peuple dominé de gauche à droite par une monarchie constitutionnelle. Voter pour Québec solidaire, c’est voter pour le statu quo libéral et la domination canadienne de tous les Québécois.