La ministre de la Culture, Nathalie Roy, rendra public demain, en compagnie de la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, un nouveau programme de subvention en matière de protection du patrimoine dont la valeur s’élèvera à 30 millions de dollars sur trois ans.
À la suite de plusieurs destructions de maisons anciennes un peu partout au Québec, la ministre Nathalie Roy avait répété, au cours des dernières semaines, qu’elle procéderait à une annonce importante. Le Devoir a appris qu’elle bonifiera l’aide à la restauration pour les particuliers ou les municipalités propriétaires de bâtiments patrimoniaux et qu’elle soutiendra l’embauche d’agents de développement en patrimoine immobilier. Mais, pour l’instant, aucune modification à loi sur le patrimoine n’est envisagée.
Les groupes spécialisés en patrimoine n’ont pas été consultés en amont de cette annonce, affirme le président du comité patrimoine de la Fédération Histoire Québec, Clément Locas. « Je fais partie de la table de concertation en patrimoine bâti. Depuis que la ministre a été nommée, nous avons offert de la rencontrer à Québec. Elle n’a jamais donné signe de vie. On dirait qu’elle ne veut pas entendre le message du terrain et de la base. Il n’y a eu aucune rencontre officielle avec elle. »
Du côté d’Action patrimoine, un des plus importants regroupements de partenaires en patrimoine au Québec, on affirme ne pas avoir été consulté non plus par la ministre. « Nous avons été mis au courant de cette annonce via la presse », confirme Renée Genest, directrice générale de l’organisme. « Il serait intéressant, en plus des gouvernements provincial et municipal, que les différents acteurs du milieu du patrimoine soient consultés et que leurs expertises soient mises à profit ».
La vérificatrice générale du Québec a annoncé le 7 mai dernier que, pour la première fois de son histoire, elle réalisait un important « audit de performance » en matière de patrimoine auprès du ministère de la Culture. Les annonces répétées de la destruction ou de la dégradation avancée de biens patrimoniaux ont encouragé la mise sur pied de cette enquête, qui fera l’objet d’un rapport distinct à l’hiver 2020. L’intérêt du bureau du Vérificateur général s’est construit « à partir d’informations fournies par les équipes d’audit et par diverses informations qui proviennent de l’actualité ou de la population par le biais de dénonciations ». Divers groupes et spécialistes du patrimoine ont déjà été entendus et le rapport, selon ce qu’a appris Le Devoir, risque d’être majeur.
Le ministère de la Culture attendra le dépôt de ce rapport pour proposer des modifications à la loi.
Les mesures de soutien aux municipalités que doit annoncer la ministre bonifient des mesures déjà en place. À l’heure actuelle, la contribution finanicère de l’État québécois est de 40 % pour les bâtiments classés et de 50 % lorsque ceux-ci sont accessibles au public. Ils sont de 30 % pour les sites patrimoniaux déclarés et de 20 % pour les bâtiments cités par les municipalités.
La restauration des toitures, des fenêtres et de la maçonnerie, par exemple, engendre souvent des frais importants pour les propriétaires de maisons anciennes, surtout à l’heure où les ouvriers spécialisés en patrimoine ou en réfections traditionnelles se font rares.
D’autant plus que, dans la majorité des municipalités québécoises, les bâtiments d’intérêt n’ont pas été cités préalablement par les élus, ce qui les soustrait aux subventions de l’État. Le faible nombre de citations de bâtiments dans les municipalités fait en sorte que les constructions anciennes ne sont pas protégées contre la destruction ou des altérations nuisant à la préservation de leur intégrité.
Encore plus d’inventaires
Clément Locas indique que la ministre promet de réaliser plus d’inventaires de biens patrimoniaux dans les municipalités. « Il faut savoir qu’on en a déjà beaucoup, des inventaires. Mais le problème en ce moment est souvent d’y avoir accès, tant les municipalités ne les diffusent pas ! Si c’est encore et toujours en produisant plus d’inventaires que la ministre pense qu’il y a une solution à la destruction du patrimoine au Québec, elle fait fausse route. Les inventaires, c’est surtout une façon de dire qu’on ne veut rien faire. Ce n’est certainement pas la façon pour agir. »
Avec Alexis Riopel et Marco Bélair-Cirino