Curieux quand même tout le bruit qu’ont fait les journaux de Toronto au sujet du prêt sans intérêt de 372 millions que le gouvernement fédéral a accordé à Bombardier au début du mois de février, pratiquement deux ans après le premier appel de détresse que lui avait lancé l’avionneur montréalais.
Curieux, parce qu’il faut bien comprendre que l’indignation manifestée par la presse financière torontoise à l’égard des différents programmes fédéraux de soutien à l’industrie est à géométrie variable. Elle varie en fonction des bénéficiaires à qui profitent ces programmes.
Systématiquement, dès que Bombardier bénéficie d’un quelconque soutien du gouvernement fédéral, on pousse les hauts cris à Toronto.
On évoque le favoritisme, on dénonce la dépendance de cette entreprise assistée sociale chronique, on accuse Ottawa de détourner des fonds publics au seul profit de l’enrichissement personnel de la famille Bombardier-Beaudoin.
Bref, on attise tellement le mépris et l’insulte qu’on en vient à totalement occulter l’importance systémique de Bombardier au sein de l’industrie aéronautique canadienne et québécoise.
On a cultivé à ce point la virulence à l’endroit de Bombardier qu’on a réussi à contaminer les décideurs fédéraux qui eux aussi ne reconnaissent pas l’importance systémique de la multinationale montréalaise et le rôle fédérateur qu’elle joue dans l’écosystème aéronautique canadien.
Si Ottawa avait réellement reconnu le rôle moteur capital de Bombardier, le gouvernement fédéral n’aurait pas attendu plus d’un an avant d’annoncer son prêt sans intérêt de 372 millions.
Il n’y avait aucune raison d’imposer pareil délai, hormis éviter de susciter l’opprobre dans le reste du Canada.
Pourtant, presque un mois, jour pour jour, avant l’annonce de l’aide fédérale à Bombardier, le ministre fédéral du Développement économique, Navdeep Bains, a annoncé une modification importante au Fonds d’innovation pour le secteur automobile (FISA), qui avait été mis sur pied par le gouvernement conservateur en 2008, en pleine crise financière.
Le FISA a été instauré pour épauler les constructeurs de l’industrie automobile en leur accordant le soutien financier nécessaire à la réalisation de certains investissements pour la modernisation de leurs installations et le développement d’innovations technologiques.
De 2008 à 2015, le FISA a octroyé plus de 500 millions de prêts sans intérêt – le même type d’aide qui a été accordée à Bombardier – à des entreprises telles Toyota, Ford, Magna International ou Linamar.
Le 9 janvier, le ministre Bains a annoncé certaines modifications au FISA. Plutôt que d’accorder des prêts sans intérêt pour la réalisation d’investissements en modernisation ou en développement technologique, le Fonds accorde maintenant des subventions non remboursables aux grands de l’auto.
C’est la multinationale Honda qui a été le premier constructeur à profiter de ce nouveau programme de subventions fédérales. Honda va moderniser son usine d’Alliston, en Ontario, en y investissant 492 millions. Une mise à jour qui permettra de sécuriser les 4000 emplois de l’usine.
Ottawa finance 10 % du coût de l’investissement en octroyant une subvention de 42 millions à Honda. Le gouvernement de l’Ontario accorde lui aussi une subvention d’une somme équivalente.
Le ministre Bains a confirmé que le Fonds d’innovation allait octroyer aux multinationales de l’automobile quelque 500 millions en subventions non remboursables au cours des quatre prochaines années.
C’est Ray Tanguay – ex-PDG de Honda Canada et légende de l’industrie de l’auto canadienne –, qui agit maintenant à titre de conseiller des gouvernements fédéral et de l’Ontario pour le secteur automobile, qui a réussi à convaincre le fédéral de donner aux géants étrangers des subventions plutôt que des prêts sans intérêt remboursables.
« Il faut leur donner quelque chose pour qu’ils investissent chez nous, sinon ils vont partir pour le sud des États-Unis ou pour le Mexique », a expliqué Ray Tanguay au magazine Canadian Automotive News.
Je n’ai lu aucun article ni chronique dans le Globe and Mail ou le Financial Post pour dénoncer pareille générosité d’Ottawa à l’égard de multinationales étrangères, bien nanties et qui réalisent toute leur recherche et développement dans leur pays d’origine.
Ottawa n’a pas hésité à modifier son Fonds d’innovation parce qu’il reconnaît l’importance systémique de l’industrie automobile pour l’économie ontarienne. Après tout, les chaînes de montage des grands de l’auto assurent pas moins de 40 000 emplois en Ontario.
Tiens, c’est presque autant d’emplois que l’industrie aéronautique assure au Québec, quoique l’industrie québécoise génère beaucoup plus d’emplois d’ingénieurs et de chercheurs que l’industrie automobile. Mais ça, faut savoir le reconnaître.
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