Il y avait quelque chose de franchement surréaliste à entendre la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, avancer que si la loi sur la laïcité de l’État n’était pas respectée, on n’aurait qu’à recourir aux forces policières. Venant de la ministre responsable de la police, la gaffe prenait une saveur bien particulière.
Évidemment, cette bourde témoigne de sa méconnaissance de certains principes de droit. Comme quoi personne n’est parfait, pas même cette brillante recrue dont le sens de la communication est indéniable, ce qui ne la met toutefois pas à l’abri des dérapages.
Heureusement, la ministre de la Justice, Sonia LeBel, dont on ne peut douter des solides connaissances en droit, est venue rectifier le tir. Si une administration publique refusait de respecter la loi, le procureur général pourrait demander une injonction à la Cour. Les municipalités ou les commissions scolaires qui n’obtempéreraient pas commettraient un outrage au tribunal. Ce serait alors au gouvernement d’exercer son autorité.
Or, il se dessine un mouvement de désobéissance civile, dont l’avocat Julius Grey se fait le défenseur. L’Association des municipalités de banlieue, qui réunit 15 municipalités de l’Ouest-de-l’Île, ainsi que les commissions scolaires English Montreal et Lester B. Pearson menacent de défier la loi sur la laïcité.
Les commissions scolaires, qui embauchent les enseignants, sont directement visées par la loi 21. Dans le cas de ces municipalités toutefois, nous ne savons pas à quoi elles s’opposent au juste : leurs services policiers sont assurés par le Service de police de la ville de Montréal (SPVM), et aucune d’entre elles n’avait protesté contre l’obligation faite aux employés municipaux de donner des services à visage découvert, ce qu’édicte déjà la loi 62 du gouvernement Couillard.
S’il se concrétisait, ce mouvement de désobéissance civile, lancé par des administrations publiques, rappelons-le, conduirait à une forme de partition du territoire québécois. Que l’on soit pour ou contre le projet de loi 21 — et l’opposition peut être viscérale —, la question est de savoir si le Québec peut choisir un modèle de laïcité de l’État qui diffère du modèle canadien — et plus largement américain — et qui se rapproche d’une conception qui a cours dans nombre de pays européens. « Au Québec, c’est comme ça qu’on vit », a déclaré François Legault. Or, de proclamer ces tenants de la désobéissance civile : « Non, nous sommes au Canada. » À leurs yeux, la Constitution de 1982 aurait dû mettre un point final à ce type de velléités.