«Il ne faut jamais gaspiller une crise grave», a récemment déclaré le directeur de cabinet de Barack Obama, Rahm Emmanuel, dans le cadre d'une conférence organisée par le Wall Street Journal. Un point de vue qui rallie de plus en plus d'esprits en ces temps difficiles. Les crises ne sont pas seulement porteuses de calamités, mais aussi d'immenses possibilités.
«Cette crise fournit l'occasion de réaliser des choses qu'on n'aurait pas pu faire avant», a expliqué Rahm Emmanuel. Occasion: le terme résume tout. C'est ce qui fait la différence entre les gestionnaires et les visionnaires. Alors que les premiers se concentrent sur leur survie en attendant le retour à la normale, les seconds voient une chance unique de réinventer le monde.
La dynamique est bien connue en affaires. C'est ce qui a incité Nomura, la plus grande firme de courtage japonaise, à racheter de grands pans de Lehman Brothers en faillite. Une occasion comme on n'en voit «qu'une fois par génération», a souligné le président de Nomura. Plus près de nous, le quincaillier Rona compte bien profiter du ralentissement économique pour attirer des quincailliers indépendants sous sa bannière. Sans oublier Wal-Mart, qui voit affluer les nouveaux clients pendant que les détaillants plus chic mangent leurs bas.
Les politiciens, eux, sont capables du pire comme du meilleur. L'histoire a perdu le compte de tous les despotes qui ont émergé à la faveur du chaos. Heureusement, il y a aussi des chefs d'État qui ont saisi l'occasion d'implanter des réformes durables. Sans le New Deal, grâce auquel la plus grande partie des dépôts bancaires des Américains sont aujourd'hui assurés, la crise financière aurait été bien pire, rappelle l'économiste Paul Krugman. L'héritage de Roosevelt est aujourd'hui contesté, mais Krugman, qui vient de recevoir le Nobel, s'inscrit en faux. Si le New Deal n'a pas réussi à remettre l'économie américaine sur les rails, ce n'est pas parce que ce président-là en a trop fait, mais parce qu'il a été trop prudent, écrivait-il récemment dans sa chronique du New York Times.
Barack Obama, lui, semble bien déterminé à profiter de la conjoncture pour implanter ses réformes. Serrer la vis au secteur financier, investir dans l'éducation, promouvoir les énergies durables, rendre l'assurance santé plus accessible... Des mesures impensables il y a deux ans, mais qui paraissent aujourd'hui beaucoup moins chimériques. Dans son essai La stratégie du choc, Naomi Klein accuse la droite de provoquer des crises pour favoriser la montée du libéralisme économique. De toute évidence, le centre gauche a très bien compris l'usage que l'on peut faire de telles circonstances.
Même le ministre canadien des Finances surfe sur le concept. «Les chapitres les plus marquants de l'histoire s'écrivent toujours dans les moments les plus difficiles», a-t-il déclaré jeudi. Hélas, son énoncé économique trahit davantage l'opportunisme que le souci du bien public. Sabrer le financement des partis politiques? Envisager de privatiser des actifs de l'État à un moment où tout se vend au rabais? Voilà des manières bien cyniques de saisir une occasion de changement.
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