Priorité de l'impérialisme
M. Bernard Amyot ("La priorité du droit", La Presse, 11 juin 2010) nous informe qu'il a été président de l'Association du Barreau canadien. Il ne nous dit pas, cependant (toute vérité n'est pas bonne à dire), qu'il a été gouverneur du Conseil de l'unité canadienne, un organisme financé en presque totalité par le gouvernement fédéral pour faire de la publicité contre la souveraineté du Québec lors du référendum de 1995. C'était en contravention avec la loi électorale du Québec, mais chacun sait que la primauté du droit ne doit fonctionner que dans un sens, autrement qu'adviendrait-il de l'impérialisme Canadian ?
M. Amyot sermonne les indépendantistes sur la question des écoles passerelles, en utilisant le vocabulaire habituel des propagandistes fédéralistes : « pensée unique…unanimisme…démagogie…obsession linguistique…réaction épidermique et ethnique… ». Il serait bon de rappeler quelques faits de l'histoire du Canada en matière de primauté du droit et de protection des minorités.
Le Canada est fondé sur un objectif clairement exprimé : les Canadiens français doivent être assimilés en noyant leur nombre dans une majorité anglophone. Un éditorialiste de The Gazette l'exprimait ainsi dans le temps : « Les Canadiens français se rendront compte qu'il est dans leur intérêt de se soumettre graduellement au sort qui les attend ». Autrement dit, le Canada est la manifestation d'un désir d'extinction d'une minorité linguistique. Une énorme loi linguistique, quoi.
Pour se protéger contre l'objectif qui avait présidé à la création du Canada, le Québec a adopté en 1977 sa propre loi linguistique. Une disposition de cette loi stipulait que, si les écoles anglaises étaient maintenues pour les anglophones, elles devaient être réservées exclusivement aux anglophones. Pas question que le Québec finance l'anglicisation de ses citoyens et futurs citoyens.
Pour combattre la Loi 101, Pierre-Elliott Trudeau et les provinces à majorité anglaise ont concocté une Charte des droits et libertés taillée sur mesure. Consultée une première fois par le gouvernement fédéral à savoir si son projet de rapatriement de la constitution assorti d'un Charte des droits était légal, la Cour suprême s'est inclinée une première fois. Au lieu de se récuser en disant qu'une instance de justice créature du gouvernement fédéral n'avait pas qualité pour juger d'un différend entre ce gouvernement et une province, elle a accepté d'entendre la cause et de rendre le verdict que le gouvernement fédéral souhaitait. Elle ajoutait quand même, pour se préserver un vernis d'objectivité, qu'elle considérait le projet illégitime. Cette notion d'illégitimité a vite été reléguée aux oubliettes, on n'en parle plus. Et la Cour suprême accepte régulièrement d'arbitrer les conflits entre le gouvernement fédéral et celui du Québec, se déconsidérant chaque fois.
M. Amyot donne l'exemple de George W. Bush, qui acceptait les décisions de la Cour suprême américaine, même s'il était en désaccord. Mais ce tribunal n'arbitre pas des différends entre deux nations. L'exemple serait plus probant si le Canada acceptait de soumettre à la Cour suprême américaine les litiges qui l'opposent aux États-Unis.
Le tort des gouvernements québécois, tant libéraux que péquistes, a été de ne pas évoquer systématiquement la clause nonobstant chaque fois que la Cour suprême se permettait de diminuer la portée de la Loi 101.
Auteur : Claude Boulay
Une lettre que La Presse n'a pas publiée
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
21 juin 2010Bernard Amyot, chez Heenan Blaikie avec Audrey Best Bouchard (celle qui fit condamner Yves Michaud, notre Robin des Banques).