Lorsque j’ai commencé à militer au RIN en 1965, celui-ci était un parti politique et je me souviens très bien que ce statut n’empêchait pas André Ferretti de donner des cours de formation politique aux jeunes militants que nous étions. C’est à cette école que j’ai été formé politiquement et je pense pouvoir dire que cette expérience a laissé des traces profondes puisque je milite encore pour l’indépendance 50 ans plus tard.
Former un parti politique n’est pas incompatible avec le développement de la conscience politique à la condition que ce parti ne s’enferme pas dans la logique électoraliste, que ce parti ait des objectifs clairement indépendantiste et qu’il ne se dévoie pas dans l’ambigüité.
Hubert Aquin, dès 1962, expliquait dans la revue Liberté que le combat pour l’indépendance devait passer par une organisation politique. De même André d’Allemagne justifiait la création d’un parti politique en expliquant que le statut de mouvement politique du RIN était insuffisant et qu’il ne servait qu’à maintenir au pouvoir les forces nationalistes traditionnelles. A quoi servait l’action du mouvement si elle était récupérée sur la scène électorale par le Parti libéral ou l’Union nationale pour améliorer la constitution canadienne?
L’action des mouvements politiques, si nécessaires soit elle, n’est pas une condition suffisante pour la réalisation de l’indépendance car les mouvements sont éphémères. Et les mouvements n’ont pas manqué dans l’histoire de l’indépendantisme. On en dénombre 30 qui sont actuellement regroupés dans cap sur l’indépendance. Ils n’ont pas de ressources financières pour assurer la continuité de la lutte. Ils naissent et meurent souvent sans avoir produit d’effets tangibles sur le cours de l’histoire. Les mouvements ont aussi l’inconvénient comparés aux partis d’avoir un accès limité à l’espace médiatique ce qui réduit d’autant leur influence.
Ce n’est pas le statut de parti qui nuit à la politisation des Québécois au contraire C’est plutôt la conception du rôle que doivent jouer les partis qui pose problème. Créer un parti d’électeurs ou ce qu’on appelle un « parti attrape tout » n’a pas les mêmes effets que de créer un parti de militant. Il ne faut pas renoncer aux possibilités qu’offrent le statut de parti parce que le Parti québécois s’est dévoyé dans l’action électorale et a abandonné depuis 1981 la formation de ses propres militants. Un parti qui restreint son action aux périodes électorales, qui abandonne ses membres au matraquage idéologique de ses adversaires, qui n’a pas d’organe d’expression pour transmettre sa propre vision du monde, qui tergiverse et entretient la confusion sur son projet politique est effectivement une nuisance pour la cause nationale. Mais il peut en aller autrement avec un parti qui place les militants au cœur de son action, qui les mobilise et les instruit, qui prend fait et cause pour des luttes de la société civile, qui accepte les débats et qui laisse sa base s’exprimer, ce type de parti est possible et indispensable pour faire avancer la conscience politique des Québécois.
C’est parce que je crois à la nécessité de la formation politique des militants que je milite à Option nationale. Certes il y a toujours un risque de détournement électoraliste, mais il y a un risque plus grand de détournement du projet national s’il n’y a pas de parti résolument indépendantiste. Il faut un parti qui représente ceux qui sont indépendantistes avant d’être nationalistes. Seul un parti peut donner un poids politique aux indépendantistes. Voilà pourquoi j’ai voté contre la dissolution du RIN en 1968 et voilà pourquoi aujourd’hui je m’implique toujours dans l’action politique.
Exister politiquement tel est l’avenir de l’indépendantisme.
Réponse à Andrée Ferretti
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6 commentaires
Luc Bertrand Répondre
15 mars 2013Waw! Bravo monsieur Monière pour ce plaidoyer on ne peut plus convaincant sur la raison d'être d'Option nationale en tant que parti politique. Former des militants convaincus et convaincants et aspirer au pouvoir, vous êtes la preuve vivante que l'un n'empêche pas l'autre!
Nous avons besoin de vous chez Option nationale!
François Ricard Répondre
15 mars 2013Vous avez raison, M. Monière.
J'étais du RIN.
J'étais en faveur de son hara-kiri en faveur du PQ. je le regrette aujourd'hui.
Nous avons besoin de l'ON.
Jean-Pierre Bélisle Répondre
14 mars 2013J'ai aussi été à "l'école" d'Andrée Ferretti à quelques rues de mon collège. C'est d'elle, entre autres, que je tiens mes tous premiers éléments de connaissance sur l'aliénation. C'était l'époque où le "Portrait du colonisé" était à la mode.
Cinquante ans plus tard, Madame Ferretti croit toujours à la nécessité du travail de "désaliénation" tout en continuant à y voir une incompatibilité absolue avec l'action électorale qu'elle qualifie "d'enfermement".
Il nous faudrait donc travailler à la libération complète des esprits et attendre l'atteinte d'une conscience politique intégrale avant que nous ne puissions cheminer sur les sentiers pernicieux de l'organisation politique.
À ce compte, peu de peuples auraient réalisé leur indépendance.
Et du reste, désaliénation et action politique, même électorale, ne sont pas mutuellement exclusifs. Ils constituent de fait deux aspects d'un même processus et sont en interdépendance.
J'étais présent au congrès d'Option Nationale. J'y ai vu une très forte proportion de jeunes, éduqués, brillants, ... et, ma foi, pas du tout aliénés.
Le Québec n'est plus un pays de haute colonisation.
Lorsque Madame Ferretti est née, le revenu moyen des familles des régions agricoles comme le Témiscouata variait entre 80$ et 100$ par année seulement! À peu près le niveau d’Haïti de la fin des années '60. Il ne pouvait alors être question de songer à sortir du trou séance tenante.
Mais maintenant, c'est une toute autre affaire.
Qui, déjà, disait "qu'en démocratie, chaque génération est un nouveau peuple" ?
JPB
Patrice-Hans Perrier Répondre
14 mars 2013Monsieur Monière, je vous cite à la source:
«Il faut un parti qui représente ceux qui sont indépendantistes avant d’être nationalistes.»
Vous venez, par cette sentence, de dévoiler vos véritables intentions.
C'est l'amour de la nation, le patriotisme et, pourquoi pas, le nationalisme, qui mènent à la cause de l'indépendance.
Vous venez de manier la langue de bois d'une rectitude politique qui terrorise les esprits libres et bien formés.
Vous êtes un internationaliste, vous n'êtes pas un véritable indépendantiste.
Bas les masques !
Archives de Vigile Répondre
14 mars 2013Parcours sans reproche d'un indépendantiste conséquent qui a aujourd'hui l'honneur de rappeler qu'il a voté NON à la dissolution du RIN. Je ne sais pas si c'est un «bémol» mais je rajouterais que le chemin à faire n'est pas forcément asservi à une structure particulière, comme un parti, mais dépend d'abord de la volonté organisée de vivre d'une nation. Laissons les circonstances nous dicter le choix des moyens.
Archives de Vigile Répondre
14 mars 2013Bonjour M. Monière,
J'abonde dans le même sens que vous, les fièvres souverainistes de quelques groupes de citoyens épars, sur le territoire du Québec, sur toute la période d'après guerre si ils ne se cristallisent pas autour d'un parti, privés de ressources humaines, de ressources financières, ils finissent inévitablement par s’essouffler et disparaître.
Il est quand même étrange que ces cristallisations ce soit toute faites uniquement sur l'idée que l'indépendance se gagne uniquement sur un plan politique, qui plus est à travers un processus politique québécois lourdement gangrené et investi par les règles et les intérêts du colonisateur.
Quel est l'intérêt de militer dans un parti politique quand de toute façon l'équipe parlementaire, dans la tradition britannique et bien sûr toute québécoise, peut allègrement se passer du programme du parti, pour « gouverner » à sa tête. Du mouvement populaire, au parti, à une manipulation constante d'une petite monarchie qui se sert de l'énergie du peuple, pour la canaliser, la haranguer et corrompre la volonté du peuple et lui enlever toute velléité de souveraineté.
Quel intérêt y a-t-il de milité ou que ce soit, quand du matin au soir, tout indépendantiste de soirée que l'on soit, on nourrit celui qui nous soumet ou plus exactement ceux auxquels nous nous soumettons, que nous armons pour qu'ils bafouent impunément tout ce qui nous est cher, jusqu'à notre propre existence.
Les indépendantistes, patriotes, révolutionnaires se battent ici bas sans moyens depuis des siècles, parce qu'ils ont admis avant même de commencer à lutter que ennemis avait gagné et que l'on investirait jamais ses places fortes. Depuis des siècles, les québécois ne regardent plus l'ouest de Montréal, autrement que comme un Westmount, intouchable, inattaquable, comme si c'était une contré qui n'existe plus; nous ne remettons plus en cause le drainage de nos ressources vers les intérêts d'une supposé minorité, vers l'Ontario et le Canada; depuis des siècles et ce bien avant Alphonse Desjardins et toujours après, nous avons concédé l'économie, notre économie, nos modes de productions et de consommation à ceux qui se servent de ce levier pour nous maintenir ou nous sommes et que même une indépendance toujours moins envisageable ne pourrait même pas résoudre.
Le tout premier lieu de rassemblement pour notre indépendance n'est pas le politique, le politique n'est qu'au service de ceux qui le nourrit, c'est donc par une réappropriation de notre économie, par le soucis de nos valeurs démocratique et de nos intérêts coopératifs que nous seront en mesure de soutenir le genre de mouvements politiques qui ne seront pas une reproduction à plus petite échelle du déni de souveraineté propre à l'absurdité canadian. Pour sortir de ce foutu Canada, il nous faut sortir de l'habitude toute canadienne-française de passer le chapeau, comme cela se faisait dans les églises qui étaient également les alliés des anglais, parce qu'adepte d'un peuple soumis pour la tonte.