Pourquoi Charest est-il content des principes fédéralistes?

il est très difficile de traiter avec la nation canadienne, une nation plus convaincue que toute autre au monde de sa stature morale immaculée.

Chronique d'André Savard


Jean Charest se dit mécontent du gouvernement Harper. Il est mécontent du gouvernement canadien mais bien content des principes animant le modèle politique canadien. Pour lui, le modèle n’est pas en question, et si la bonne morale politique canadienne protège mal le gouvernement québécois, c’est à cause d’un individu : Harper. D’où vient cette soudaine confiance dans les principes?
Depuis l’échec de l’accord du lac Meech, il est coutumier d’entendre les fédéralistes désavouer les luttes de principe, dire que seuls comptent les résultats pratiques. Ce fut le credo de Jean Chrétien, le mantra de Jean Charest réaffirmant la capacité du Fédéral de résoudre les « vrais problèmes » au-delà des désaccords de principe.
Et voilà que Jean Charest se mêle de critiquer le Fédéral au nom de principes fondamentaux qui animeraient le fédéralisme canadien. Le Fédéral serait un « partenaire ». Ce dernier devrait s’ajuster au plan à long terme du gouvernement québécoids et ne pas être un gouvernement unilatéral. À la suite du dernier budget fédéral, Jean Charest évoquait les « principes » du fédéralisme canadien comme si ceux-ci stipulaient quelque part l’égalité formelle du Fédéral et de « la belle province », chacun dans ses juridictions.
Non seulement ce n’est pas le cas mais les principes impliqués par les lois fondamentales prononcées par le Fédéral à l’encontre du Québec tranchent nettement en faveur des droits du Fédéral d’agir unilatéralement. On oublie que les gestes de commande du passé sont aussi des actes qui définissent le champ ultérieur d’action du Fédéral au Québec.
Qu’est-ce qui est le noyau justificateur du rapatriement de 1982 et de la loi dite de « la clarté »? Que l’autorité du citoyen canadien prime sur l’autorité du gouvernement québécois : Le Fédéral étant le représentant au premier chef de l’autorité du citoyen canadien, rien dans les principes du fédéralisme n’engage qui que ce soit à protéger la nation québécoise du droit du gouvernement national du Canada d'exercer des recours unilatéraux.
Toutes les années où Jean Charest fut en politique, sachant que lesdits principes constituaient la cheville ouvrière de l’hégémonie canadienne sur le Québec, il a convié ouvertement ses concitoyens québécois à ne pas s’en préoccuper. Désormais, il fallait rechercher des solutions par rapport à des difficultés réduites à l’échelle convenable. C’est que, constataient quelques fédéralistes québécois après le rejet de documents exploratoires sur les questions touchant les principes, on devait s'ouvrir les yeux: il est très difficile de traiter avec la nation canadienne, une nation plus convaincue que toute autre au monde de sa stature morale immaculée.
Maintenant que Jean Charest se retrouve avec des mesures imposées au plan de la péréquation et de la promulgation d’une Commission des Valeurs mobilières canadienne, il aimerait que le Fédéral eut trahi des principes. Il lui faut bien un argument. Tout à coup, il s’aperçoit que les principes ont une incidence sur la résolution des vrais problèmes. Il voudrait donc que le Fédéral ait des principes de « partenariat ».
Jean Charest peut pourtant être sûr que le Fédéral préfère la collaboration des provinces aux mesures imposées. C’est la nervure du partenariat tel qu’exercé au Canada non seulement par Harper mais par Chrétien, Trudeau, Paul Martin. Ce principe du partenariat vise à assurer au Canada une magistrature régulière, une administration laborieuse, un service des postes et une bonne voirie. Comme le disait Jean Chrétien lors des auditions sur les commandites, il y a « des magasins derrière les vitrines sur la rue Ste-Catherine » et on travaille tous ensemble à que l’aspect extérieur de la ville soit maintenue.
Le gouvernement québécois tout comme le gouvernement canadien existe pour servir ces objectifs au Canada. C’est à ce titre seulement qu’il y a partenariat. Le fédéralisme canadien ne repose pas primordialement sur la libre entente entre le Québec et le Fédéral.
Le Québec comme administration a le devoir de veiller au fonctionnement du régime canadien. L’existence de la nation québécoise n’y est pas un critère qui baliserait un quelconque partenariat. Alors donc, pour citer à nouveau l'exemple plus récent, au nom de quoi s’opposer à la création de la Commission des Valeurs mobilières unique? Au nom de quoi figurant dans le cadre actuel des principes?
Tant que le citoyen canadien reste sous la protection de la loi canadienne et que le Fédéral peut veiller à ce que personne ne soit soustrait à la loi au Canada, on reste dans l’ordre au Canada. Cela donne une très grande marge de manœuvre à l’Etat canadien dans la poursuite unilatérale de ses objectifs.
Le problème c’est que le Québec a délaissé le terrain des principes de base, notamment ceux touchant ses droits nationaux. Le bon citoyen canadien le prévenait : ce serait « self mutilating ». Et les fédéralistes de la gentille famille de Charest renchérissaient dans la seconde langue officielle : Ce serait de l’automutilation.
Il n’y a pas de « fédéralisme d’ouverture » qui dit que la « belle province » est un monde à part au Canada uni, libéré du devoir imposé de fonctionner rouage après rouage à l’obtention d’un meilleur Canada pour tous les Canadiens. Il n’y a d'ailleurs pas d’autres principes fonctionnels au Canada. Il n’y en a pas d’autres notamment parce que Jean Charest a refusé d’en promulguer d’autres dans ce « Canada uni ».
Que Jean Charest ne s’étonne pas de voir Harper aller ainsi. Le premier ministre du Québec va peut-être nous épargner d’ailleurs son étonnement navré quand Ignatieff abusera. Son tour viendra bien.
Au nom des « vrais problèmes », le Québec a exterminé préventivement toute affirmation de droit qui ferait de lui un sujet avec lequel s’entendre. Les bons principes nationaux en font une entité administrative vivant grâce à l’aval du Fédéral. Il n'y a pas deux locomotives dans le train, crise économique ou pas.
Jean Charest prétendait que sa partisanerie fédéraliste, son souci d’éliminer les énoncés qui pourraient paraître trop suspects au Canada, changeraient la donne. En contrepartie, pour tant de bonne volonté, Jean Charest espérait moins d’unilatéralisme. Il espérait que cela assainisse les mœurs politiques à l’endroit de la nation québécoise.
Le fédéralisme canadien ne dépend pas d’un contrat entre sujets libres. Le Québec n’est même pas un sujet libre dont les droits sont évoqués dans un corps de principe. Le seul sujet libre au Canada c’est le citoyen canadien qui décide par le truchement de son gouvernement national du sort de ses entités administratives. Avec de tels principes, le Fédéral n’a pas fini de vivre en grande, heureux d’achever sa besogne au Québec, Harper ou pas.
André Savard


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    5 février 2009

    Bonjour Mr Savard!
    Voici un article plutôt intéressant et plein de vérités!
    Je voulais ici simplement apporter un commentaire sur le commentaire de Mr Gilles Bousquet.
    Mr. Bousquet, personnellement, je ne trouve pas votre alternative plausible ni intéressante sans vouloir vous offusquer. Pour ma part il n'y a qu'une seule alternative, l'indépendance du Québec. Je désirais néanmoins exprimer mon désaccord envers les termes que vous employer pour qualifier une éventuelle indépendance du Québec. La "Séparation" du Québec est un terme très vulgaire, négatif et réducteur pour parler d'indépendance. L'indépendance c'est la liberté politique et non une séparation! Nous n'avons jamais vécu (à ce que je sache) d'histoire d'amour maintenant révolu avec le gouvernement Fédéral. Alors pourquoi la qualifier de la sorte?

  • Archives de Vigile Répondre

    2 février 2009

    M. Savard, tout ça est bien vrai, clair et net.
    Facile à comprendre que le Québec est seulement une simple province "territoires conquis" dans nos dictionnaires, qui fait partie d'une fédération "faussement nommée confédération depuis 1867" à 10 provinces, fortement différentes, dont 9 sont majoritairement anglophones.
    Pour sortir le Québec de cette fédération anglicisante et centralisatrice, faudrait trouver une solution que pourrait acheter une bonne majorité de Québécois qui ne serait pas une simple séparation du Québec qui fait peur économiquement à encore trop et ça ne s'améliorera pas avec l'immigration accélérée.
    La réponse possible me semble être une confédération formée de 2 ou 3 ou 4 États dont un nouvel État du Québec. Le pouvoir suprême passant alors du fédéral aux États constituant la confédération. Un Canada confédéral, pour la première fois qui assurerait beaucoup mieux la pérennité du français, de la culture québécoise et de la prospérité des Québécois.
    On ne peut pas trop reprocher au fédéral de se comporter comme un état fédéral normal. Quand les Québécois vont exprimer clairement ce qu'ils veulent, les choses devraient commencer à changer. Le ROC sera alors tenu de négocier selon notre Cour suprème.
    Si les Québécois ne peuvent pas se décider à ce genre de changement, faudra penser à rêver à autre chose et s'habituer au fédéralisme asymétrique administratif de M. Charest.