Au lendemain des élections du 26 mars dernier et avec le piètre résultat obtenu par le Parti québécois [28,3 % des voix, alors qu'il était à 50 % avant le scrutin, et 36 sièges à l'Assemblée nationale], le pire score depuis 1970, force est de constater qu'André Boisclair n'est pas l'homme de la situation, qu'il a lamentablement échoué, alors que le contexte électoral (commission Gomery, déséquilibre fiscal, etc.) lui était largement favorable. Il est important pour l'avenir du Québec d'avoir le courage d'analyser avec sérieux les raisons de cet échec.
Contrairement à ce qu'on répète à qui mieux mieux, je soutiens qu'André Boisclair n'a pas fait une bonne campagne électorale. Malgré quelques efforts louables, il n'a pas su bâtir l'équipe de rêve qu'il avait annoncée. Il n'a pas su présenter de façon convaincante des pans entiers du programme du parti, qui orientent le Québec en tant que pays souverain et social-démocrate. Par contre, il s'est obstiné à défendre l'indéfendable, un référendum coûte que coûte, et même des référendums à répétition si nécessaire, sans tenir compte de l'opinion de la population ni de la Loi référendaire. La politique étant l'art du possible, M. Boisclair a manqué de flair politique.
Les erreurs d'André Boisclair
Les erreurs de parcours ont été nombreuses, et j'en relève ici une douzaine.
- L'émission de télévision Tout le monde en parle, où il s'amusait joyeusement et sans aucune réserve avec le fou du roi, comme s'il avait été seul à seul avec lui dans son salon.
- La [parodie] du film Brokeback Mountain à la québécoise, d'un mauvais goût parfait.
- Sa proposition de retirer brutalement le crucifix à l'Assemblée nationale et dans les écoles.
- Son manque de réflexion sur la question des accommodements raisonnables.
- Son insistance déplacée, lors du débat des chefs, dans sa manière d'interroger le chef de l'Action démocratique du Québec (ADQ), Mario Dumont, sur la marge de manoeuvre du prochain gouvernement du Québec. Il aurait pu donner la réponse et faire valoir que cette marge de manoeuvre est inexistante et que l'argent et les pouvoirs constitutionnels pour en disposer sont toujours à Ottawa.
- Sa proposition d'alliance avec l'ADQ de Mario Dumont en pleine campagne: c'était jeter ses électeurs dans les bras de l'ADQ, dont la plateforme autonomiste était rassurante et séduisante.
- Sa manie de vouloir «référender» coûte que coûte, d'évoquer des référendums à répétition, même avec un gouvernement minoritaire, sans tenir compte de la Loi référendaire qui exige une majorité démocratique à l'Assemblée nationale pour déclencher un référendum.
- Sa négligence envers le prétendu «mystère de Québec», où les réactions aux fusions forcées ont été mieux exploitées par la mairesse Andrée Boucher... qui, pourtant, était contre.
- Son désaccord latent avec l'orientation social-démocrate traditionnelle du PQ et sa phrase malheureuse sur «la fin du copinage du Parti québécois avec les chefs syndicaux».
- Son désintérêt pour les dossiers fondamentaux de la langue française, de la culture québécoise et de l'intégration des immigrants.
- Son attirance vers les politiques travaillistes du premier ministre britannique, Tony Blair, alors qu'aux yeux des Québécois, la collusion de M. Blair avec George W. Bush n'est pas des plus heureuses.
- Sa détermination à mettre le parti à sa main, au service de ses idées de droite, plutôt que d'être un chef qui conduirait son parti vers le pouvoir pour appliquer un programme démocratiquement adopté.
Vendre le programme
M. Boisclair n'était pas à l'aise avec le programme de son parti. Pas surprenant qu'il n'ait pas su le vendre. Comment un chef peut-il promouvoir un programme avec lequel il n'est pas d'accord? Quelle incohérence, quelle hypocrisie, quel cynisme! En conséquence de toutes ces erreurs, le leadership d'André Boisclair a incité de nombreux indépendantistes à voter pour les autres partis, Québec solidaire, le Parti vert et même l'ADQ, tandis que d'autres ont préféré rester à la maison, car il s'est avéré que les souverainistes sont presque deux fois plus nombreux que ceux qui ont appuyé le PQ d'André Boisclair.
La dispersion des votes indépendantistes est attribuable non seulement au chef André Boisclair et à ses conseillers mais aussi aux députés du Parti québécois qui n'ont pas détecté l'impact de ces glissements idéologiques après le départ brusqué de Bernard Landry. Le PQ a perdu la jeunesse de ses convictions.
Contrairement à ce qu'il affirme, André Boisclair a eu toute la latitude nécessaire pour faire ses preuves. Il a malheureusement failli à la tâche! En flirtant avec des politiques de droite, en critiquant les syndicats, il a perdu beaucoup d'appuis à gauche et s'est coupé de sa base militante. En ne s'entourant que de jeunes, il s'est coupé de plusieurs générations. En se désintéressant du problème de l'intégration des immigrants, il a démontré qu'il ne comprend pas le présent et l'avenir du Québec. En traînant sa vision montréaliste et «Plateau Mont-Royal» de la société québécoise, il a démontré qu'il comprend mal les régions et la capitale nationale.
Enfin, André Boisclair a démontré qu'il n'a ni les compétences, ni l'expérience, ni la personnalité, ni la sagesse, ni la maturité nécessaires pour rester le chef du parti. Et il a encore moins la stature d'un futur chef d'État. Il serait donc souhaitable qu'il se retire, au moins provisoirement, quitte à revenir dans quelques années, plus mûr et mieux préparé, plus solide dans ses convictions, plus rassembleur et plus sensible à la population du Québec dans son ensemble, si c'est possible. En homme intelligent qu'il est, rien ne l'empêche de mettre sa compétence professionnelle au service du monde des affaires, à Toronto ou ailleurs. [...]
Jean-Louis Bourque, Politologue et membre de la Ligue d'action nationale et du conseil scientifique d'ATTAC-Québec
Pour remettre le PQ sur ses rails
PQ - leadership en jeu - la tourmente
Jean-Louis Bourque7 articles
Politologue et membre de la Ligue d'action nationale et du conseil scientifique d'ATTAC-Québec
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