En officialisant le projet hydro-électrique « Eastmain 1A - Dérivation
Rupert », notre sacro-sainte société d'électricité nationale a officialisé
également son manque de vision. Alors qu'elle augmente à toutes les années
le coût de l'électricité, elle ose quand même entreprendre la construction
d'un nouveau, probablement le dernier, méga-projet hydro-électrique dans le
Nord du Québec, sans avoir calculé les impacts de façon complète et
précise.
Les écologistes ont baissé les bras
Comme le projet de dérivation du dernier fleuve sauvage au Québec est déjà
enclanché, les écologistes semblent avoir baissé les bras. Après une
campagne efficace du groupe Révérence Rupert, quelques questionnements
publics par les médias et un tas de réponses mal fondées de la part
d'Hydro-Québec, nous avons droit aujourd'hui à un silence quasi-total sur
les activités entourant la construction de ce méga-projet. Il semble que «
l'énergie » des environnementalistes soit maintenant consacrée aux projets
de ports méthaniers (Rabaska et Gros Cacouna) ainsi qu'à l'empêchement de
la construction du pont de la 25 dans l'Est de Montréal. Alors la Rupert
sera déviée, non pas sans impacts notables, et la nouvelle électricité
ainsi produite s'en ira aux États-Unis alors qu'ici, nous continuerons
vraisemblablement à voir nos factures d'électricité augmenter!
Où en sont les travaux
Les permis et autorisations ayant été délivrés sur la fin de l'année 2006,
la dérivation de la majestueuse Rupert est en cours depuis déjà quelques
mois, comme en témoigne l'échéancier fourni par Hydro-Québec sur son site
internet. La construction du barrage Eastmain 1A est également en cours et
la centrale Sarcelle en est quant à elle à ses premiers balbutiements
depuis l'hiver. Hydro-Québec s'affaire à étaler une belle propagande sur le
projet en insistant sur l'entente faite avec les Cris et les Jamésiens,
alors que ceux-ci n'avaient entre les mains que des données économiques, en
terme d'emplois et de retombées, mais aucune en terme d'environnement et de
contamination des eaux. Il n'y a donc plus rien à faire pour empêcher ce
projet à cette étape-ci. Plusieurs se demandent: mais pourquoi avoir voulu
empêcher ce projet? Je réponds à cela qu'il ne vaut pas la peine de
massacrer une richesse écologique du Québec pour favoriser des relations
inégales avec nos voisins du Sud. Ce dernier méga-projet hydro-électrique
n'est pas sans conséquences, et les gens se ferment encore les yeux sur les
détails environnementaux d'un tel projet.
Écologiquement et socialement parlant
Depuis quand un projet de la société nationale Hydro-Québec ne concerne
uniquement que les citoyens vivant sur le territoire du dit projet? Aucune
commission environnementale n'a été chargée d'étudier les impacts du
projet; pas surprenant alors que, loin des yeux loin du coeur, les gens de
Québec, de Rimouski et de Sherbrooke ne se soit pas souciés de cette
entreprise. Les Cris ont finalement, après y avoir pensé (trop tard),
désapprouvé l'entente qu'ils avaient signés auparavant car ils ne
connaissaient pas les impacts environnementaux de la dérivation, pas plus
que les Jamésiens. Le problème n'est pas de savoir qu'une région comme la
Jamésie a un pressant besoin d'emplois pour garder ses citoyens, le hic ne
se trouve pas non plus dans le désir de voir le Québec profiter de son
potentiel. Le problème c'est que l'on se retrouve encore et toujours devant
une décision purement locale, sans conscensus national, ce qui est étrange
pour une société dite nationale! Hydro-Québec sait jouer avec les mots,
sait faire du bon marketing! En énonçant qu'un côté de la médaille (le côté
économique avec la création d'emplois par exemple) elle en vient à pouvoir
esquiver les autres questions quand au bien-fondé même du projet, tant au
niveau économique, social qu'environnemental. Ce projet n'est pas objectif,
il est purement émotionnel, car les décideurs d'Hydro-Québec connaissent la
gloire toute droite sortie d'un passé qu'ils tentent de perpétuer, ce qui
constitue pour les environnementalistes un manque de réalisme et de vision.
On parle souvent de conserver, voire de sauver notre patrimoine culturel.
Et qu'en est-il de notre patrimoine environnemental? La rivière Rupert est
un bijoux, une richesse incalculable, un trésor à ciel ouvert! Faute d'un
peu de considération, elle est maintenant sur son lit de mort... Lourde
perte pour un pays qui semble vouloir se définir comme un exemple en
matière d'environnement. Les grands barrages sont propres, clament les
fonctionnaires! L'émotivité et la science ne font pas bon ménage.
Hydro-Québec a refusé de faire les recherches; des groupes
environnementaux s'en son chargés, à leurs frais. L'inondation des zones
réservées transformera le mercure inorganique des sols en méthylmercure qui
contaminera les animaux aquatiques dont se nourissent plusieurs Amérindiens
ainsi qu'un nombre croissant d'éco-touristes. La concentration de mercure
inorganique dans le bassin inondable de la rivière Rupert est plus élevée
que celle observée dans le cas du Complexe La Grande; la production de
méthylmercure s'en trouvera donc accrue. Le Québec, paradis des pêcheurs et
des aventuriers, vient de saboter une belle chance de maintenir haute sa
réputation! « C'est juste des poissons ! » répondront ceux ayant hérité
d'une vision étroite des choses. Non, ce n'est pas que cela, c'est la
chaîne alimentaire au complet qui se trouve affectée, et tous les
scientifiques s'entendent pour dire que quand tu touches à une dent,
l'engrenage est affecté. Ce qui est triste, c'est que si la concentration
mercurielle s'élève, comme le prédisent plusieurs scientifiques, nous
assisterons impuissants à la disparition de certains poissons dont nous
aurions dû lutter pour la survie, dont la truite géante de la Rupert, faute
de reproductibilité. La perte de cette espèce unique dans le monde,
considérée comme l'ancêtre originel de la truite mouchetée de l'Amérique du
Nord, qui fait parti du patrimoine gastronomique québécois, sera la
malheureuse contribution du Québec à la perte de la biodiversité mondiale,
en contravention du Traité sur la biodiversité signée par le Canada au
sommet de Rio en 1992.
Avoir de la vision
Les méga-projets hydro-électriques ont fait la fierté des Québécois, de
par leur grandeur, la précursion dont ils sont nés et l'effervescence
populaire les entourant. Aujourd'hui, le projet Eastmain 1A dérivation
rupert n'est résolument pas porté par une effervescence populaire. Au
contraire, le gens s'en soucient peu. En fait, les Québécois n'ont pas
grand chose à se réjouir! Il n'y a ici rien de précurseur, rien de
motivant, rien qui puisse nous rendre ultiment fiers.
Avoir de la vision, c'aurait été de mettre en place une politique
nationale de l'énergie éolienne. C'aurait été de créer un véritable projet
d'efficacité énergétique à travers les bâtiments du Québec. C'aurait été de
développer les secteurs de l'énergie géothermique et marée-motrice. Le
Québec a été précurseur avec ses barrages il y a plus de 40 ans;
aujourd'hui il doit être précurseur avec des alternatives véritablement
écologiques! Voici 5 façon de créer (ou d'économiser) de l'énergie qui sont
innovatrices:
1. L'éolien: du vent, y'en aura toujours! Il ne faut pas que nos
agriculteurs se fassent amputer leurs terres par des étrangers. Le Québec
doit agir! Le golfe du St-Laurent est un endroit fort venteux, prenons
exemple sur le Danemark qui a des éoliennes en mer. Le Nord du Québec est
venteux également, développons ce créneau qui est nôtre: des éolienne dans
le Nord. Développement régional garanti!
2. Énergie solaire: bien que polluante (à cause des cellules
photo-voltaïques non-durables), le Québec doit investir dans la recherche,
le développement et l'optimisation des systèmes énergétiques solaires.
C'est une des sources les plus prometteuses de l'avenir, mais ça prend des
travailleurs, des scientifiques et de la volonté politique pour enclancher
une révolution de cette énergie encore trop peu connue.
3. La géothermie: la chaleur du sol permet de chauffer nos bâtiments à
très faible coût à long terme. Hydro-Québec a des mesures de remboursement
allant jusqu'à 2800$ pour quiconque se construit une maison en y installant
un système de géothermie. Ceci devrait être une norme de construction si
l'on veut réduire nos factures, car le chauffage est de loin la plus grande
source de consommation énergétique à domicile.
4. L'énergie marée-motrice: c'est le même principe général que le barrage
hydro-électrique, par contre les impacts sur l'environnement (mercure,
inondation et territoires ravagés) sont diminués. Il s'agit de mettre une
hélice dans un courant marin, assez grosse pour que les poissons et
baleines passent à travers les pales sans se blesser, et la force
gigantesque de l'eau produit une quantité phénoménale d'énergie. Très peu
développé sur la Terre, bref, une occasion de faire valoir notre
intelligence et notre créativité.
5. L'efficacité: la base même du questionnement! Pourquoi construire
encore plus quand ont peut réduire à la source notre consommation.
L'efficacité est une question d'éducation, d'habitude et de volonté. Chacun
peut et doit faire sa part. Les ampoules LED sont un exemple, les
thermostats électroniques un autre. Bref, avant de penser à produire plus
d'énergie, il faut penser à comment en consommer moins, c'est d'une logique
implacable. Hydro-Québec a des mesures concrètes, mais pas assez
insistantes. En tant que citoyens responsables, nous devons insister.
À cela je pourrais ajouter la biomasse, mais avant de trouver de nouvelles
avenues, peut-être devrions-nous savoir où l'on s'en va. La direction que
le Québec doit prendre est celle de l'innovation, et non pas de s'enfermer
dans des carcans qui alimentèrent, jadis, notre gloire. Le Québec doit
continuer son rôle de précurseur, entamé durant la révolution tranquille et
abandonné successivement, comme si l'avenir était acquis. Et enfin, le
Québec doit impérativement cesser de bloquer des rivières, comme la Rupert,
un patrimoine écologique perdu dont ne pourra bénéficier mes enfants.
Hydro-Québec nous appartient. À nous de diriger cette société vers
l'avenir, vers la progression, l'exemplarité, car il semble que par les
temps qui courent, elle ait de la buée dans les lunettes!
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Pour en finir avec les barrages
En officialisant le projet hydro-électrique « Eastmain 1A - Dérivation Rupert », notre sacro-sainte société d'électricité nationale a officialisé également son manque de vision.
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1 commentaire
Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre
14 mars 2008M. S.B.,
Résumé fort à point sur l'énergie.
Question: Le code du bâtiment est-il à date, est-il respecté?
On n'en finit plus de raboudiner des programmes d'isolation des maisons plus vieilles, supposément parce qu'on moment de leur érection, les connaissances en isolation étaient moins bonnes. Or, on apprend périodiquement que des entrepreneurs s'en tiennent encore au minimum d'isolation pour maximiser leur profit. Pourtant, dans notre climat, il devient presque criminel de ne pas appliquer toutes les connaissances techniques en isolation de bâtiments pour minimiser l'utilisation de tout moyen de chauffage, en voie de devenir ruineux à court terme.
Vous l'avez dit: "L'énergie la moins coûteuse est celle que l'on ne dépense pas."