Port du niqab - Le visage découvert

On fait fausse route en ramenant le port du voile islamique en société à un simple problème « d'accommodement religieux »

Burqa interdite


Le port du voile en public semble poser des problèmes à plusieurs sociétés occidentales (et pas seulement au Québec), et cette question suscite actuellement de nombreux débats un peu partout. La présente réflexion a pour objectif de clarifier les enjeux à ce sujet et de proposer une façon d'aborder cette question au Québec dans l'intérêt de tous.
Dans son livre Le Singe nu paru en 1967 et vendu à plus de dix millions d'exemplaires, l'éthologue anglais Desmond Morris analysait les comportements humains en les comparant à ceux des animaux. Je me souviens très bien de ses observations sur l'importance du visage dans toutes les communications entre individus.
C'est en effet par l'observation du visage des autres qu'il est possible d'établir une saine communication, parce que tout échange entre individus s'établit à partir de la perception de ses sentiments que révèle bien son visage, lorsqu'il est visible (colère, satisfaction, étonnement, agressivité, besoin de domination, etc.). Morris constatait à ce titre la simple difficulté de contact avec un individu portant des lunettes fumées: cela fait paraître trop «agressifs» (et donc dominants) les yeux du porteur de lunettes fumées, devant qui les interlocuteurs baissent généralement les yeux ou détournent le regard pour se protéger de l'agression...
On fait donc fausse route en ramenant le port du voile islamique en société à un simple problème «d'accommodement religieux», en y percevant un signe inacceptable de soumission de la personne qui porte le voile: c'est une mauvaise interprétation de la réalité puisque le problème en cause n'est en rien une cause religieuse, mais plutôt un problème relié à la capacité de communiquer.
Ce qui indispose les gens en contact avec des personnes portant le voile intégral (qui cache entièrement le visage), c'est qu'ils perçoivent plutôt le fait de cacher son visage comme un «refus de communication», ce qui se traduit par une frustration de la part de ceux qui ne masquent pas leur visage.
La personnalisation des échanges fait partie des progrès de la civilisation, et nos sociétés tolèrent très mal les échanges anonymes parce qu'ils autorisent l'auteur qui cache son identité à ne pas assumer sa part de responsabilité dans les échanges. Je me rappelle très bien la frustration manifestée par le public, lors de la crise d'Oka, lorsque le ministre Ciaccia a accepté de signer une entente avec un warrior complètement masqué et dont personne ne pouvait connaître l'identité.
La distinction avec le voile
À partir de ces considérations éthologiques, on peut également comprendre pourquoi la société a beaucoup moins d'objections à accepter le port du voile islamique qui découvre complètement le visage: il ne constitue en rien un obstacle aux communications puisqu'il permet d'observer sans entrave les réactions et les émotions de la personne qui porte le voile.
De toute façon, la société québécoise a bien accepté dans le passé les religieuses qui portaient toutes un voile: personne n'a alors senti le besoin de leur faire un «procès religieux» alors qu'il s'agissait bel et bien d'un symbole religieux! C'est qu'aucun des voiles des religieuses ne leur cachait intégralement le visage, ce que l'on peut reprocher au niqab et à la burqa, mais pas au hidjab, qui est, selon moi, tout à fait acceptable (et souvent très beau). De vieilles religieuses, qui ne portent plus le voile maintenant, jugent même que le voile leur épargnait la nécessité de «passer chez le coiffeur», ce qu'elles jugent maintenant nécessaire...
En conclusion, la réaction de la société civile au port du voile devrait s'inspirer exclusivement de sa capacité de nuisance à des communications normales en société. Une personne qui se cache intégralement est donc une «non-personne» que nous devrions alors ignorer.
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Claude Martin - Québec


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