Québec -- Le Parti libéral de Jean Charest entame la campagne électorale avec une confiance qui eût paru inimaginable il y a un an. Une confiance tellement grande qu'elle est sans doute risquée.
Samedi, au conseil général élargi du parti au Centre des congrès de Québec, la débauche de moyens était telle qu'on se serait cru au Super Bowl: distribution massive, par du personnel politique conscrit, de t-shirts et d'écharpes, tout cela sous une musique rythmée et les cris d'encouragement du député organisateur, Karl Blackburn. Puis, devant les 2500 militants médusés, images en plongée de chacune des régions du Québec, sorte de croisement entre Google Maps et hélicoptère TVA. Photos léchées des 124 candidats libéraux, dont plusieurs vedettes, sur des écrans gigantesques. Coût: 100 000 $, somme qui n'a pas à être comptabilisée dans les dépenses électorales puisque la campagne n'était pas encore déclenchée.
Le PLQ a pleinement profité du contrôle du calendrier en prenant de vitesse le juge Grenier et son rapport sur Option Canada, attendu le 31 mars, et en se permettant de déclencher les hostilités avant d'avoir le budget Harper-Flaherty en main. Tellement que des adversaires ont ressorti l'idée d'élections à date fixe.
En outre, le PLQ a plus d'argent qu'il ne lui en faut et est un parti uni. La brebis galeuse qu'était devenu Thomas Mulcair a finalement décidé de quitter le parti avec les derniers souvenirs des commotions du mont Orford. Jean Charest a visiblement très hâte de s'adonner à son sport préféré: faire campagne.
Les sondages, bien qu'ils ne garantissent rien, présentent depuis quelques mois des tendances intéressantes qui se sont confirmées. On semble bien loin de cette fin de décembre 2005, après la loi 142 -- qui décrétait les conditions de travail des employés de l'État -- et après la crise de la loi 124 sur les garderies. Le PQ obtenait 50 % d'appuis dans les sondages et Jean Charest, dans les entrevues de fin d'année, semblait considérer l'impopularité comme une fatalité. Il ironisait en disant s'être donné un plan de travail pour «trois mandats».
Maintenant, en 2007, certain de la faiblesse de ses adversaires, le premier ministre se permet de plaider les thèmes peu attirants de «la continuité» et de la «rigueur budgétaire». En quelques mois, Jean Charest a méthodiquement dérobé au chef péquiste André Boisclair plusieurs de ses engagements cardinaux: environnement, éducation, taxe sur le capital, etc. Il peut dire qu'en matière d'égalité hommes-femmes, il a fait presque aussi bien que Françoise David en présentant 44 % de femmes candidates!
La montée de Mario Dumont peut apparaître menaçante, mais les stratèges libéraux soutiennent qu'il a beaucoup de points faibles que le premier ministre et ses ouailles martèleront à souhait: «one-man show», «girouette», «parti cassé».
Mardi, dans les corridors de l'Assemblée nationale, Jean Charest a confié à un collègue que la campagne réservera sans doute bien des surprises. Il a toutefois refusé de préciser ce qu'il entendait par là: «C'est une intuition, une intuition», aurait-il précisé.
Mais des surprises, il pourrait y en avoir aussi de la part des étudiants en colère contre la volonté libérale de hausser les frais de scolarité. Pour l'instant, la guerre qu'ils ont déclarée vendredi a fait long feu. Au plus fort de la manifestation de samedi, à l'entrée du Centre des congrès où étaient réunis les libéraux, on a vu tout au plus une cinquantaine de étudiants. Dans l'entourage de Jean Charest, on s'en réjouit mais «on ne tient rien pour acquis», et une cellule a été créée pour suivre les organisations étudiantes.
En somme, la confiance règne dans les rangs libéraux. Pour certains, elle a jusqu'à maintenant conduit le parti de Jean Charest à négliger une question dans sa préparation électorale, question formulée ainsi par un journaliste lors d'un point de presse samedi: «Soigner des gens en moins de six mois, embaucher des médecins, ajouter des places en garderie, il semble que ce soit un projet minimal de société. [...] On sait que le PQ veut faire l'indépendance un jour ou l'autre, l'ADQ se dit autonomiste, mais on ne voit pas dans votre programme autre chose que l'administration normale d'un gouvernement provincial. Où voulez-vous amener les Québécois?»
Le premier ministre a répondu que son gouvernement était parti de loin, qu'il avait redressé l'État, les finances publiques, l'éducation, la santé, qu'il avait limité la croissance des dépenses de l'État. Et qu'il est «confiant» que les Québécois voudront poursuivre dans cette direction. Trop confiant?
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