Ce n'est pas un hasard si M. Stephen Harper a attendu la dernière semaine de campagne pour publier sa plateforme électorale. À lire les propositions qu'elle contient, on comprend que les conservateurs voulaient savoir où ils en seraient à quelques jours du vote avant de prendre des engagements. Pari risqué que de faire campagne sur son seul bilan de gouvernement minoritaire; pari encore plus risqué pour les électeurs de voter pour un parti qui parle aussi peu de ses intentions.
Lors de la campagne électorale précédente, le chef conservateur se devait de prouver sa crédibilité en dévoilant d'entrée de jeu une série de promesses à réaliser au cours d'un premier mandat. On a donc eu droit à des choses simples qui frappaient l'imagination: baisse de la TPS de 2 %, crédit de 100 $ par semaine pour la garde d'enfant, crédit pour les usagers du transport en commun, respect des compétences provinciales, lutte contre le crime, etc.
Pour la présente campagne, les conservateurs ont adopté une autre approche. Est-ce le fait d'avoir précipité les élections qui les a forcés à retarder la publication de leur plate-forme, ou s'agit-il d'une décision stratégique? Le résultat est le même: ce n'est qu'hier que les électeurs ont eu droit à une plateforme complète, et encore, elle est bien mince.
Parmi les quelques engagements qui ont précédé la publication de cette plateforme officielle, mentionnons la réduction de la taxe sur le diesel, l'admissibilité des travailleurs autonomes aux congés parentaux, un crédit d'impôt pour la pratique d'activités culturelles chez les enfants, et l'indexation de la prestation pour la garde d'enfants.
Hier, les conservateurs ont réitéré un vieil engagement de limiter le droit de dépenser d'Ottawa, mais, dans un même élan, M. Harper répète qu'il a toujours l'intention de réformer le Sénat et les Communes malgré l'opposition du Québec, dont la représentation serait ainsi réduite sur la scène fédérale.
En culture, le projet de loi C-10 introduisant des critères moraux dans l'octroi de subventions au cinéma est retiré, mais, contrairement à ce qu'avait déclaré la ministre Josée Werner, il n'y a rien pour remplacer les programmes d'aide éliminés en début de campagne.
Conjoncture oblige, le volet économique a toutes les apparences d'une réponse aux critiques qui accusent M. Harper de nier la menace d'une récession. S'ils sont réélus, les conservateurs ajouteront 400 millions sous forme de prêts aux industries de l'aérospatiale, de la défense et de l'automobile. Pour soutenir l'ensemble du secteur manufacturier, on promet aussi de faire disparaître la taxe sur l'importation d'équipements, une mesure de 345 millions.
Bien, mais il n'y a rien dans cette plateforme de dernière minute pour contrer les effets d'une crise.
En matière économique comme en toute autre, à l'exception de la lutte contre la criminalité où les conservateurs sont très explicites, ce parti maintient la ligne de la non-intervention. Et surtout, il s'abstient de parler de déréglementation, une approche qui frise pourtant l'obsession parmi les défenseurs de l'équipe Harper.
Malgré la conjoncture menaçante, M. Harper choisit de laisser le marché trouver seul l'équilibre idéal. Il refuse l'éventualité de devoir enregistrer un déficit budgétaire. Faute d'intervenir, M. Harper préfère ne promettre aucun nouveau programme ni aucune nouvelle baisse d'impôts. Ce qui peut être perçu comme une approche prudente, mais, à la veille de choisir un capitaine pour traverser une tempête dont la cause tient précisément au laisser-faire excessif des pouvoirs publics, l'approche conservatrice inquiète plus qu'elle ne rassure.
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