Dès lors que le gouvernement péquiste aura sa majorité, (ce dont je doute de moins en moins qu’il y parvienne s’il s’adresse à Nous), il lui faudra prendre les bouchées doubles. Veut, veut pas, il y sera obligé. Car l’immense danger que représentera pour l’institution fédérale la réélection à Québec d’un gouvernement souverainiste ayant survécu à sa position minoritaire, désormais majoritaire, sera perçue et évaluée à sa bonne mesure par le « fédéral », précisément parce que le gouvernement péquiste qui se dressera en face de lui sera d’abord et avant tout un gouvernement « national », de mémoire le premier au Québec depuis aussi loin que ceux de Jean Lesage et Daniel Johnson.
Contrairement aux gouvernements péquistes qui l’ont précédé, ligotés qu’ils étaient par un référendum à tenir en contrepartie de l’accession au pouvoir, si l’actuel gouvernement obtenait bientôt une majorité à l’Assemblée Nationale, il serait le premier gouvernement péquiste qui ne serait pas « obligé » ni ralenti d’aucune manière par un agenda référendaire contraignant. Il serait ainsi aussi le premier gouvernement « national » de la lignée souverainiste, par opposition aux gouvernements « nationaux » de la lignée fédéraliste des Lesage et Johnson. Il y aura là pour Québec un formidable avantage à exploiter pour la première fois.
Garder longtemps le contrôle de l’agenda référendaire au Québec, c’est l’équivalent de se préserver longtemps l’initiative politique à l’intérieur des incontournables relations fédérales-provinciales, soit dit l’arme de prédilection et à grand déploiement des fédéralistes, pour conforter ou contester la légitimité des différents gouvernements de la fédération, pour l’encercler littéralement s’il s’agit d’un gouvernement souverainiste à Québec. Le simple fait de garder en réserve la tenue d’un référendum a donc autrement plus de portée pour notre Cause que sa tenue effective, si on peut admettre qu’un référendum ne « déciderait » de rien, mais pourrait tout « avaliser », ce qui ne relève pas tout à fait de la même démarche.
Conséquemment, privé de l’appui tactique indéfectible du West Island au Québec en cas de référendum, pour la toute simple raison qu’aucun référendum ne serait en vue par suite de la mise en place d’une nouvelle majorité péquiste à Québec, placé plutôt devant une menace « diffuse » de référendum , un référendum appréhendé, lui sagement ajourné et gardé en réserve par un gouvernement majoritaire - soit dit un gouvernement qui pourrait souffler le chaud et le froid- le gouvernement bleu d’Ottawa ne pourra plus se contenter de rester passif. Il va devoir faire ce qu’aucun gouvernement fédéral n’a jamais fait depuis les années soixante, précisément celles de Lesage et Johnson, il va « bouger » officiellement. Mais dès qu’il « bouge » de quelque façon, il laisse voir ses lignes de forces et de faiblesses …
Conséquemment aussi- et c’est la beauté de l’affaire que parfois les indépendantistes sous-estiment en même temps qu’ils sous-estiment la « gouvernance souverainiste » - les rouges du P.L.C. et du P.L.Q. auront été ainsi admirablement court-circuités par l’élection d’une majorité péquiste à Québec, mis hors-jeu définitivement, c’est-à-dire qu’ils auront été enfin, enfin tous les deux mis dans le même sac, celui du West Island, lui désormais superbement isolé, certes encore tonitruant et certes encore aussi coupant qu’un couteau, mais devenu subitement très léger dans la nouvelle conjoncture politique canado-québécoise.
L’élection d’un gouvernement péquiste majoritaire ne signifierait pas l’Indépendance assurée le lendemain, mais signifierait assurément la fin de l’antique prétention du West Island à diriger le Canada, ce qui est une condition plus que gagnante pour notre Cause. Car il faut bien voir, même si c’est difficile à admettre, que le West Island a lui-même très longtemps administré le Québec (de tout temps, même au temps de Duplessis) par l’entremise du Canada, sur lequel il a exercé très longtemps une mainmise sans aucune relation avec sa propre force électorale. Le rapatriement de 1982, c’est le West Island. La drive politique de cette Trahison ne Nous est pas venue d’une autre planète, ni des provinces maritimes ni de celles de l’ouest. Elle est venue d’ICI, au Québec. Le gouvernement de P.E.T. fut sans doute le dernier grand tour de piste du West Island à Ottawa. Cette donne politique décisive est maintenant accessible aux indépendantistes pour la première fois. La prochaine élection provinciale sera donc aussi lourde de sens et de portée que les deux référendums québécois réunis, car elle pourrait signifier cette fois le dernier grand tour de piste du West Island à Québec.
Conséquemment aussi : le Canada ne voudra pas laisser ses entreprises, particulièrement les entreprises privées les plus névralgiques et les plus sensibles, demeurer dans un état- territoire provincial qui ne lui serait plus éventuellement accessible, comme maintenant parce qu’annexé. D’autant qu’un encouragement auprès des entreprises de haut-savoir (tout l’immense secteur de l’aviation et de l’avionique, par exemple, les pharmaceutiques, et même accessoirement, même l’industrie de l’aluminium, devenue récemment plus vulnérable et menacée) à « transférer», comme « déménager » au Canada, pourrait servir à son entreprise de déstabilisation d’un gouvernement provincial jugé séparatiste. Il y aurait alors de la part d’Ottawa une réaction dictée par la prudence, à travers évidemment toute une ribambelle de nouvelles menaces à l’endroit de la province de Québec, menaces facilement prévisibles, si tant est qu’une d’entre elles n’est pas déjà observable quant à la volonté du « fédéral » de revoir et rapetisser les transferts de « Péréquation », ce qui pourrait maintenir Québec sous asphyxie financière. La protection de ses intérêts économiques jugés « vitaux » par l’état canadien va monter d’au moins un cran, en même temps qu’un certain ton.
Mais il y a une parade facile ( et un antidote inconnu chez les libéraux) au ton et à l’escalade fédérale, c’est l’escalade et le ton correspondants d’un gouvernement « national » majoritaire à Québec, celui de l’État, lui délivré du pouvoir des antinationaux et des anti-Québec.
Satisfaisant à sa nature impérialiste, qui lui fait croire qu’il est l’héritier légitime de Londres, Ottawa saisirait l’occasion qui lui serait fournie par le « danger » ultime des séparatistes du Québec, pour faire un appel politique musclé à toutes les autres provinces, y compris celles qui pourraient être tentées de faire cavalier seul, sait-on jamais, que le Québec ne constituerait pas un « précédent » acceptable. Eh ben… Bref, aussitôt majoritaire, un gouvernement péquiste ne serait plus seul à la table de jeu. Mais du moins, du moins clisse, du moins cette fois-ci Québec garderait (pour la première fois) dans son jeu une redoutable paire d’as : 1) toute liberté sur la tenue éventuelle d’un référendum¹ et 2) ce qui n’est pas moins négligeable : un West Island admirablement et définitivement isolé, eh oui, eh oui, lui-même gardé « en réserve » cette fois par Québec plutôt que par Ottawa… Cette dernière donnée politique a son importance, immense, immense en realpolitik, en ceci qu’après avoir subtilisé son « arme » au gouvernement d’Ottawa, Québec pourrait à tout moment la retourner contre lui…
Dans ces conditions, un gouvernement péquiste majoritaire n’aurait pas à chercher longtemps ni ses amis ni ses ennemis. Il en aurait plusieurs des deux camps, et très rapidement. On le voit d’ailleurs actuellement, alors qu’il est seulement minoritaire ! Sa simple réélection, même avec une courte majorité, serait l’amorce suffisante à une conflagration politique si… si évidemment le gouvernement péquiste actuel met bientôt le cap qui convient et s’en va résolument vers des élections, plutôt que d’y aller à reculons, s’il y va surtout AVANT que l’idée et les prétextes ne viennent au gouvernement d’Ottawa d’y aller lui-même le premier, lui pour se faire une nouvelle légitimité comme une nouvelle carapace. En ce dernier cas, maudite misère, si le gouvernement péquiste se traînait les pieds, il serait à craindre que la nuit du gouvernement actuel se prolongerait alors pour ses seuls carriéristes, mais deviendrait de plus en plus froide pour les idéalistes. Il s’éloignerait ainsi lui-même, et de la façon la plus contre-productive qui soit, de ce qui peut encore devenir un « walk in the park » vers sa majorité… en échange d’une autre de ces interminables marches forcées, aussi inutiles que ses fameuses victoires morales du passé, et dont il aurait gardé le secret, mais alors, qu’il le sache, alors qu’il y serait désormais attendu de pied ferme, avec brique et fanal.
Vivement une majorité péquiste le plus tôt possible ! W.U……….
Comment dit-on parfois sur Vigile, le reste, c’est de la littérature ? Non, non, le « reste » n’est pas de la littérature, c’est de la realpolitik. Et le « reste » à faire du gouvernement péquiste pourrait aller tout seul bien plus rapidement qu’on ne le croit.
¹ Quelle importance alors la « Question » elle-même, dans une spirale politique retournée, ascendante ? Et la loi sur la clarté alors ? Quelle importance… elle spécifiquement conçue « dans » et « pour » une spirale descendante au Québec ! À vrai dire, toute la « Question » elle-même, mille fois débattue ici, serait devenue obsolète et seulement bonne à être expédiée pour étude au Parlement fédéral, afin d’amuser et distraire les constitutionnalistes, et sans doute aussi pour donner le plus formidable électrochoc qui puisse s’appliquer au deuxième gouvernement d’Ottawa, celui des juges, derrière lequel se terre littéralement le premier depuis 1982… Meech n’ayant jamais été qu’une détestable plaisanterie découlant d’une Trahison.
Cesser de tourner en rond
Plaidoyer en faveur de la plus implacable realpolitik à Québec
La plus dure et la plus impitoyable.
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3 commentaires
Jean-Claude Pomerleau Répondre
14 décembre 2013Mon commentaire suite à cet article dans Le Devoir sur la déclaration de M Lisée :
http://www.ledevoir.com/politique/quebec/395198/provocation-contre-productive#commentaire_718416
...
La dynamique politique de la rupture
Sans doute M Lisée aurait pu utiliser des termes plus neutres mais, il faut admettre qu'il ne fait qu'un constat.
Le Canada se définit sans et contre le Québec. Avec le mandat de gouvernance souverainiste, le Québec entreprends de se définir sans égard pour le Canada. Dans la mesure où cette démarche est effective, nous aurons deux États qui s’éloignent l'un de l'autre (pour des raisons de divergences d'intérêts, qui guident la politique des États). Bref une dynamique politique de la rupture sur laquelle les acteurs politiques et les commentateurs n'ont que peu de prises, encore faudrait il qu'ils la comprennent.
Pour ceux qui sont encore sur la fixation référendaire. Avec le mandat de gouvernance souverainiste, le seul qui suffit dans le cadre des institutions parlementaires britanniques pour faire la souveraineté, nous sommes dans un changement de paradigme : ce n'est pas le référendum qui mène à la souveraineté mais, la souveraineté qui mène au référendum.
Tout dépendra de l'intelligence avec laquelle la stratégie de la rupture sera mené. Pour le moment le Parti Québécois part de loin, néanmoins il contrôle l'agenda...
JCPomerleau
Serge Jean Répondre
14 décembre 2013Ce fut très intéressant monsieur Marcel Haché;il faut beaucoup de vent pour faire tendre la voile et votre contribution est magnifique. Merci.
Serge Jean
Archives de Vigile Répondre
14 décembre 2013Je pense que Mme Marois, si elle est élue majoritaire aux prochaines élections,elle va faire un travail de terrain pour convaincre,elle va diriger le Québec pour le relever financièrement, finalement tout mettre en oeuvre pour une élection référendaire après 4 ans de dur labeur.
Un référendum donne plus de pogne au fédéral, tandis qu'une élection référendaire éloignerait les comportements vicieux qu'un référendum provoque : 2 camps (oui/non) qui divisent, des représentations intempestives de l'extérieur et du temps perdu à se battre les uns contre les autres. Mme Marois n'aura rien à perdre car ce sera son dernier mandat et le PQ va survivre et entamer une nouvelle étape vers l'indépendance. Je crois que les QuébécoiEs sont prêts pour des changements et des démarches claires.