La farce est terminée: Pierre Céré s’est retiré de la course à la chefferie du PQ. Il aurait bien voulu aller jusqu’au bout, mais le réel l’a rattrapé : il n’a pas su ramasser les 10 000 dollars nécessaires pour concrétiser sa candidature. Le montant exigé n’était pourtant pas considérable. Mais pour une candidature qui représentait moins une mouvance forte au sein du PQ qu’une aventure personnelle, c’était un obstacle significatif. L’argent, ici, n’est pas une barrière antidémocratique, mais simplement, une manière d’ancrer une candidature dans la réalité, en témoignant ne serait-ce que de manière minimale de son pouvoir de mobilisation. Céré est quand même parvenu à faire tous les débats. N'est-ce pas le signe que cette course a été mal pensée: de peur d’avoir l’air élitistes, les péquistes l'ont laissé faire son petit numéro parmi les candidats sérieux. Ils auraient peut-être mieux fait de définir plus strictement les conditions d’entrée dans la course. On est candidat ou on ne l'est pas.

Ils sont nombreux à s’être demandé d’où il arrivait et le programme qu’il porterait. Serait-il l’indépendantiste pur et dur de service? Au contraire. C’était mal le connaître. Il suffisait d’un peu de culture politique pour savoir où il irait. Dès 2007, il avait déjà dénoncé le virage identitaire du PQ, en s’en prenant au projet d’une citoyenneté québécois. Il voyait alors le PQ se jeter dans les «eaux troubles de l’intolérance» et prenait déjà la pose du défenseur incorruptible de la diversité. Il reprendra ce procès dans son livre Une gauche possible. C’est cette cassette qu’il aura fait jouer tout le long de la course, au grand plaisir des commentateurs qui n’avaient pas pardonné au PQ la Charte des valeurs et qui goutaient sa virulence à ce sujet. Il le redisait aujourd’hui: il entendait «faire reculer le repli identitaire» du PQ. Et il plastronnait comme s’il avait gagné sa bataille.

On pourrait l’inviter à un peu de modestie. Alexandre Cloutier n’avait pas besoin de Pierre Céré pour mener la bataille contre le nationalisme identitaire. Moins de 24 heures après la défaite électorale d’avril 2014, il marquait sa rupture avec lui. Le système médiatique ne l’avait pas non plus attendu pour inviter le PQ à jeter aux poubelles sa Charte des valeurs et renouer avec le discours qui était celui du souverainisme post-référendaire. Il n’a pas tort toutefois: les péquistes semblent avoir pris peur et ne savent plus quoi faire de la politique identitaire. On peut deviner que la CAQ saura quoi en faire à leur place. Les péquistes ont déjà oublié que la Charte des valeurs était le seul élément de leur programme qui recueillait l’appui ferme d’une claire majorité de la population. Car si les Québécois ne sont plus spontanément portés vers la souveraineté, ils s’accrochent encore à la question nationale par la question identitaire.

Il a beau s'en défendre mais Pierre Céré a représenté la vision de Québec solidaire dans la course - quoi qu'il en dise, il en a la sensibilité idéologique. Il est arrivé au PQ en l'apostrophant de l'extérieur, à la manière d’un inquisiteur venu le délivrer de ses mauvaises tentations et non pas à la manière d’un militant inquiet pour l’avenir de son parti. Certaines figures péquistes ont salué son apport au débat: on se demandera bien lequel. Ses accusations d’intolérance et de nationalisme ethnique? Ses inquiétudes répétées quant à l’intégrité éthique du leader de la course? La gauche social-démocrate était pourtant bien représentée par une Martine Ouellet et la gauche «progressiste» et moderniste par Alexandre Cloutier. Ils ont bien travaillé et personne ne doute de leur avenir au sein d'un Parti Québécois qui plus que jamais, doit s'assumer comme coalition. Quel était vraiment la valeur ajoutée de la candidature de Pierre Céré?

En fait, Pierre Céré est de cette frange de la gauche qui croit en sa supériorité morale, qui surplombe le commun des mortels avec ses sentiments élevés, et juge ensuite qui est digne de son respect et qui ne l’est pas. Manifestement, il considère que Pierre Karl Péladeau ne l’est pas. Céré connaitra d’ailleurs un prochain moment de gloriole lorsqu’il annoncera, comme on s’y attend, qu’il ne saurait donner sa confiance au nouveau chef. Il cherchera à gâcher sa victoire et on lui tendra bien des micros pour cela. Mais il a annoncé sa volonté de rester dans les rangs du PQ. Il jouera à l'opposant vertueux et on devine que certains le transformeront pour un temps en grande conscience du mouvement souverainniste. On devine que les médias lui réserveront une belle carrière: il jouera le rôle du péquiste anti-péquiste. Il s’y plaira.