Peu importe l’issue du référendum, "l’Écosse ne sera plus jamais la même"

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La roue du changement s'est mise à tourner

Près de 4,29 millions d’Écossais sont appelés à voter pour décider de leur indépendance. La campagne a été passionnée jusqu’à la dernière minute, au point où certains craignent des divisions durables. Reportage de notre envoyé spécial à Édimbourg.
Dans les pubs et les cafés animés du centre historique d’Édimbourg en Écosse, le référendum est l’unique sujet de conversation. Rares sont les murs de la capitale non recouverts d’affiches pour le "oui" ou pour le "non". Le résultat s'annonce serré, les derniers sondages donnant le "non" à l'indépendance vainqueur avec seulement 52 % des votes.
Dans la ville règne le sentiment que, quoi qu’il arrive, quand les électeurs auront voté, le pays ouvrira un nouveau chapitre bien incertain de sa longue histoire. "L’Écosse ne sera plus jamais la même" : ce refrain a été l’un des plus repris dans les éditoriaux des journaux écossais durant cette campagne. Difficile de se projeter pour autant. De nombreuses questions persistent : à quoi ressemblera une Écosse indépendante sachant que l’Union avec le Royaume-Uni remonte à près de 300 ans ? Quelle monnaie utiliserait cette nouvelle Écosse ? Serait-elle autorisée à rejoindre l’Union européenne ? Le monde des affaires décidera-t-il de l’abandonner et de franchir la future nouvelle frontière vers le Royaume-Uni, emportant avec lui les emplois, et le bénéfice des taxes ?
"Depuis le début, ils ont tenté de nous intimider"
“Que ce soit clair, j’aime l’Écosse et je me sens profondément écossaise, affirme Sue Murray, une travailleuse social militant pour le "non" devant la Scottish National Gallery. Je comprends l’aspect émotionnel, mais je pense que les risques que nous fait encourir l’indépendance l’emportent sur ce qu’on y gagnerait. J’ai vu ce qui est arrivé à la République Tchèque, à la Slovaquie. Quand ces deux pays se sont séparés, ils se sont appauvris. L’Écosse pourrait avoir le même sort. J’espère que ceux qui voteront oui ou que les indécis réfléchiront avec sagesse avant de prendre leur décision finale", conclut-elle.
Eduardo Lopez est un Espagnol de 28 ans. Il est venu s’installer à Édimbourg il y a deux ans pour apprendre l’anglais et il craint que l’issue de ce référendum ait une conséquence sur son statut d’immigré. "Je me sens concerné parce que je ne sais pas du tout ce qui va se passer. Je ne sais même pas si l’Écosse fera encore partie de l’Union européenne ou non, explique-t-il dans la boutique de souvenirs dans laquelle il est employé. En tant qu’immigré, j’ai de quoi m’inquiéter un peu", répète-t-il.
Pourtant, alors qu’il est autorisé à participer au référendum en tant que résident écossais et citoyen européen, Eduardo ne votera pas. "Je trouve que je n’ai pas le droit de décider de l’avenir du pays de quelqu’un d’autre", se justifie-t-il.
On parle beaucoup de changements en cas de victoire du "oui", mais la victoire d’un "non" pourrait aussi soulever beaucoup de questions sur le futur de l’Écosse. Londres a déjà promis au Parlement écossais des pouvoirs accrus pour rallier le soutien de davantage de votants. Beaucoup sentent que cette campagne a déjà radicalement changé l’avenir du pays, peu importe l’issue du référendum.
Le militant pro-indépendantiste Graham Marshall fait partie de ceux qui pensent que même si le "non" l’emporte, le pays a déjà franchi un grand pas en faveur d’une certaine forme d’indépendance. "L’indépendance est inévitable", dit-il depuis le QG de campagne de Newington et Southside, un quartier plutôt bien loti de Édimbourg. "Si on ne l’obtient pas cette fois, ce sera pour la prochaine."
Il reproche au camp du "non" d'avoir désinformé à propos du risque économique dans le cas d'une victoire du "oui". "Depuis le début, ils ont tenté de nous intimider et de nous faire peur, raconte-t-il. Ces mensonges m’ont encore plus poussé à m’impliquer dans la campagne".
Soigner les divisions
Le débat autour de ce référendum a pris une tournure passionnelle qui s’est accrue à l’approche du scrutin. Le 16 septembre, le dirigeant travailliste Ed Miliband a dû renoncer à prendre un bain de foule à Édimbourg après avoir été accueilli par une pluie d’injures d’un groupe de partisans de l’indépendance. D'aucuns craignent qu'un fossé ne se creuse entre les Écossais. Et ce, quelle que soit l'issue l’issue du vote.
En effet, le résultat de ce référendum réveille de tels sentiments chez les Écossais que certains ont décidé de parcourir des milliers de kilomètres pour faire entendre leur voix.
Audrey Pinsonneault, qui est également canadienne, s’est déplacée depuis le Québec avec ses quatre enfants pour faire campagne en faveur du "non". "J’ai déjà vécu deux référendums dans mon pays et j’en connais les conséquences négatives. De nombreuses entreprises ont quitté la province. Ça n’est pas qu’une technique d’intimidation". Elle souligne également à quel point dans son pays d’origine, le débat sur l’identité nationale a divisé les habitants. "Les Écossais sont très passionnés, et quoi qu’il arrive il y aura besoin d’une réconciliation ensuite", dit-elle tout en distribuant ses tracts.
Au QG de Newington et Southside, le pro-indépendantiste Graham Marshall est assez confiant sur l’éventualité d’une division entre Écossais. "Le jour qui suivra le vote, les gens continueront de se parler comme avant. Si l’Afrique du Sud a réussi à avancer après l’apartheid, je pense que ça ira très bien pour l’Écosse", explique-t-il. Une participation massive, de l'ordre de 80%, est attendue pour ce référendum. Les résultats devraient être connus très tôt vendredi matin.


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