En 1995, Ottawa avait payé la modique somme de huit millions de dollars pour louer tous les panneaux publicitaires Mediacom disponibles au Québec. Ceux-ci n’ont que partiellement promu le fédéralisme, la plupart des publicités se contentant de vanter les services des ministères. Le véritable objectif de cette manœuvre, de l’aveu même de Chuck Guité, fonctionnaire responsable du programme des commandites, était simplement d’empêcher le camp du Oui de mousser la cause souverainiste.
En Écosse, les partisans de l’indépendance s’affichent sans entrave. À la veille du scrutin référendaire qui pourrait briser l’union britannique, le camp du Oui (Yes Scotland) est même en train de remporter la guerre des publicités, une donnée pas étrangère à sa spectaculaire remontée dans les sondages. La population lui attribue une campagne habile et humoristique, symbole d’une idée d’un certain dynamisme de l’Écosse, alors que le camp du Non (Better Together) s’est fabriquée une image jugée vieillotte et condescendante.
Les partisans de l’union ont reçu un écho négatif de leurs affiches « I love my family, I’m saying “No thanks” » (J’aime ma famille, je dis “Non merci”) et « We love our kids, we’re saying “No thanks” » (Nous aimons nos enfants, nous disons “Non merci”), qui, de l’avis de la majorité, suggèrent que leurs rivaux n’aiment pas leurs familles.
À l’inverse, les indépendantistes ont conquis les cœurs avec l’affiche d’une main de bébé posée dans celle de son parent, le tout sous-titré du message « Scotland’s future in Scotland’s hands » (Le futur de l’Écosse entre les mains des Écossais).
Le Oui doit en partie son succès à son ciblage d’un auditoire jeune, notamment par l’entremise de la publicité « My Generation ». Un pari payant puisque, malgré les millions de pounds investis dans la création d’affiches et de messages publicitaires, la campagne s’est transposée sur les réseaux sociaux, où les pro-indépendantistes sont plus prompts à « créer le buzz ».
La jeunesse contre l’establishment ? Il s’agit d’un raccourci. Mais la comparaison du nombre d’abonnés sur Twitter de Yes Scotland (95 200) et de Better Together (41 100), tout comme celle du nombre d’abonnés sur Facebook (306 600 contre 209 800), semblent accréditer les chiffres des sondages qui voient les jeunes électeurs pencher du côté de l’indépendance.
Bien plus que des publicités à la télévision et les débats sur les réseaux sociaux, les affiches d’extérieur servent à conquérir les électeurs indécis à l’aide d’un message succinct et efficace. « Les affiches sont considérées depuis longtemps comme le medium idéal pour les partis politiques qui veulent influencer les électeurs. Ils transmettent un message ferme, ils peuvent cibler des électeurs indécis dans une zone spécifique, ils s’enrobent d’une certaine force émotionnelle et ils sont porteurs d’un fort appel à l’action », a expliqué Mike Baker, président d’Outdoor Media Centre, à The Drum.
Voici un florilège des affiches pro et anti-indépendance, utilisées en extérieur et/ou sur le Web.
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L’Écosse serait l’un des 20 pays les plus riches au monde en cas d’indépendance, dit Yes Scotland. Selon le Oui, cette richesse, gérée par les Écossais, bénéficierait à toutes les générations au travers de l’amélioration des services de garde, de la gratuité scolaire, de la création d’emplois et de l’augmentation des fonds de pension.
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Better Together, qui, comme son nom l’indique, a misé sur l’union sacrée pour convaincre la population de voter Non, a cherché à sensibiliser les Écossais aux investissements du reste du Royaume-Uni pour garantir la prospérité de l’Écosse.
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Pour rassurer la frange de la population craignant un cataclysme économique en cas d’indépendance, Yes Scotland a rassemblé en une infographie tous les motifs d’espoir : une population éduquée, un secteur touristique en forme, une industrie du whisky qui vend chaque seconde 40 bouteilles à l’étranger, une réserve pétrolière à faire des jaloux…
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Mais la séparation aura un coût qui se répercutera jusque dans le panier d’épicerie, suggère Better Together en comparant le prix des produits au Royaume-Uni et en Irlande. « Pouvez-vous vous le permettre ? », ont-ils lancé au moment de publier cette affiche.
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À l’aube de la rentrée scolaire, Better Together a enfoncé le clou en affirmant qu’une Écosse indépendante perdrait le droit d’exempter de la taxe sur la valeur ajoutée des biens tels que les uniformes d’écoliers.
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Le OUI a aussi mené une campagne de peur, affirmant que les coupes de Westminster allaient mener 100 000 enfants écossais de plus vers la pauvreté à l’horizon 2020.
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Plus généralement, ce sont l’ensemble des services dont jouissent les Écossais qui sont menacés, explique Yes Scotland, qui s’affirme en protecteur des droits et des services.
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De son côté, Better Together a martelé pendant la campagne que la séparation pousserait l’Écosse à effectuer des coupes supplémentaires de l’ordre de six milliards de livres, avec ce message en filigrane : qu’adviendra-t-il des services publics ?
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Alors que l’incertitude économique est souvent brandie comme un épouvantail par le camp du Non, cette affiche de Yes Scotland laisse entendre que le pessimisme est irrationnel au regard des faits.
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Durant la campagne, il a été annoncé que les revenus pétroliers de l’Écosse dans la mer du Nord avaient diminué d’environ 4,4 millions de livres en 2012-2013. Un chiffre que Better Together n’a pas manqué de comparer au budget des écoles écossaises.
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Quelques squelettes sont toutefois sortis du placard pour appuyer le camp du Oui. En mai 2013, Denis Healey, qui fut chancelier de l’Échiquier (ministre des Finances) durant la deuxième moitié des années 1970, a admis que le gouvernement britannique d’alors avait sciemment sous-estimé la valeur du pétrole écossais pour miner le mouvement indépendantiste.
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En Norvège, grâce aux importants revenus pétroliers de la Norvège, le fonds de pension public a considérablement gonflé l’an passé, faisant de chaque Norvégien un quasi-millionnaire. Une nouvelle qui a inspiré les indépendantistes écossais, mécontents de la gestion britannique de leur réserve de pétrole.
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Yes Scotland résume (à son avantage) la question économique qui entoure le référendum sur l’indépendance : « Que diriez-vous de vivre dans une nations les plus riches au monde ? »
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Du côté du Non, on compte sur un scandale de dernière minute pour aiguiller les électeurs dans la bonne direction. Un dénonciateur a fourni à la BBC un document qui suggère que le système de santé public écossais (NHS, pour National Health Service) subira une cure d’économie après le référendum.
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La protection du système de santé publique contre la volonté de privatisation attribuée au gouvernement britannique était l’un des chevaux de bataille du camp du Oui, et le thème majeur de sa campagne publicitaire.
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Pour contrer les arguments du Oui sur la viabilité du NHS et sur les fonds de pension, Better Together n’a pas hésité à mettre en avant des résultats de sondage montrant la confiance d’une majorité d’Écossais dans le système déjà en place.
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Selon cette affiche, le référendum oppose les partisans Oui aux riches, aux puissants, aux grandes entreprises et donc, à Westminster.
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Dans plusieurs publicités, le Oui se présente d’ailleurs comme l’option du petit peuple face à l’establishment londonien.
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Argument ultime, Better Together a utilisé dans des publicités promotionnelles les vedettes qui se sont prononcées en faveur du Non. Certaines légendes du soccer et Paul McCartney ont eu cet honneur.
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