Pétrolia se rapproche de la première production pétrolière commerciale de l’histoire du Québec, au terme d’un nouveau forage prometteur situé tout près d’un secteur résidentiel de Gaspé. Une situation qui inquiète des citoyens et le maire de la municipalité, en raison des risques associés à l’exploitation d’un éventuel gisement.
En entrevue au Devoir mardi, le président-directeur général de la petite pétrolière, Alexandre Gagnon, s’est dit « très content » des résultats obtenus par l’entreprise, qui vient selon lui de compléter une « étape cruciale de l’exploration pétrolière en Gaspésie ».
Pétrolia a donc finalement réalisé le controversé forage Haldimand 4, situé près du centre-ville de Gaspé et à environ 350 mètres d’un secteur résidentiel. Ce forage horizontal a atteint plus de 600 mètres de profondeur et parcouru une distance de plus de deux kilomètres, afin de croiser des zones forées au cours des dernières années. L’un de ces puits, Haldimand 1, a déjà produit plus de 5000 barils de pétrole brut.
Selon une évaluation préliminaire menée par une firme indépendante, le sous-sol du secteur de la pointe gaspésienne pourrait permettre d’extraire un total de 7,7 millions de barils de brut. Cela équivaut à 23 jours de consommation de pétrole pour le Québec. Mais surtout, en supposant une remontée des prix du baril au cours des prochains mois, une telle ressource représenterait des centaines de millions de dollars de revenus pour Pétrolia.
Ce secteur est d’ailleurs déjà considéré comme un « gisement », a précisé M. Gagnon. Ce n’est pas le cas, par exemple, pour le sous-sol d’Anticosti ou encore pour la structure sous-marine de Old Harry, située en plein coeur du golfe du Saint-Laurent.
Pour Pétrolia, la suite des choses apparaît donc prometteuse. Au cours des prochains jours, a expliqué M. Gagnon, l’entreprise entend procéder à un « test d’évaluation ». Celui-ci permettra notamment d’évaluer le débit de pétrole qui peut sortir du puits Haldimand 4.
Par la suite, la pétrolière demandera un permis pour mener des tests de production. L’objectif est de confirmer le potentiel commercial. « On sait qu’on peut produire du pétrole, mais on ne sait pas si on peut le faire de façon économiquement rentable », a expliqué Alexandre Gagnon. Pétrolia espère connaître la réponse « d’ici la fin du mois de mars ».
Exploitation à l’horizon
L’entreprise pourra ensuite demander un bail de production commerciale. Ce serait le premier de l’histoire du Québec. M. Gagnon n’a pas précisé si une exploitation commerciale nécessiterait le forage de plusieurs puits, comme cela se voit dans le cas des nouvelles productions pétrolières nord-américaines.
Le pétrole pourrait être acheminé au terrain que possède déjà Pétrolia sur les rives de la baie de Gaspé, à un kilomètre du site Haldimand. De là, il pourrait être chargé à bord de pétroliers qui quitteraient la baie en passant tout près du parc national de Forillon. Et les deux raffineries présentes au Québec ont déjà montré leur intérêt à acheter cet or noir « québécois ».
Fait à noter, on sait depuis plus d’un siècle que le sous-sol de ce secteur renferme du pétrole. Dans le secteur immédiat du nouveau puits Haldimand 4, pas moins d’une dizaine de puits ont déjà été forés. Le premier remonte à 1890. Aucun n’a donné de résultats probants.
Grâce aux forages horizontaux, Pétrolia espère obtenir de meilleurs résultats. La complétion de ce nouveau forage représente d’ailleurs une victoire pour l’entreprise, qui souhaitait au départ lancer ses travaux de forage il y a de cela près de deux ans. Mais en raison des craintes pour les eaux souterraines du secteur Sandy Beach, où est installée la foreuse, la Ville de Gaspé avait adopté un règlement de protection qui bloquait les projets de forage sur son territoire. Pétrolia avait répliqué par une poursuite.
Québec a finalement annoncé en juillet l’entrée en vigueur du Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection, qui fixe pour la première fois la distance « minimale » qui devra être respectée entre un site de forage et une source d’eau potable. Cette annonce a eu pour effet de permettre à la pétrolière de reprendre ses travaux d’exploration, malgré la controverse soulevée dans la région.
Inquiétudes
Ces opérations industrielles inquiètent en effet plusieurs citoyens, mais aussi le maire de Gaspé, Daniel Côté. Ce dernier a rappelé mardi que la population de la municipalité est « divisée ». « C’est très préoccupant parce que le site est très près des résidences. Les plus près sont situées à 350 mètres du forage. Il faut avoir une sensibilité plus grande que s’il s’agissait d’un site loin des secteurs résidentiels. »
Le hic, selon lui, c’est que la Ville manque d’informations. « On demandait au ministère de l’Environnement d’être vigilant. On présume que ça a été bien fait, mais nous n’avons pas eu de contacts quotidiens avec la compagnie ou le ministère depuis le début des travaux. Comme municipalité, nous n’avons pas eu énormément de suivi. »
M. Côté prévient qu’en cas de démarrage de la production pétrolière, le climat social pourrait devenir « explosif ». Il demande donc au gouvernement Couillard de bien réfléchir avant d’autoriser Pétrolia à aller de l’avant. « L’avenir du Québec ne passe pas par Haldimand. C’est un très petit potentiel, compte tenu des besoins du Québec. Nous sommes loin de l’indépendance énergétique. Est-ce qu’on va risquer un environnement magnifique comme la baie de Gaspé pour 23 jours de pétrole ? C’est la question que le gouvernement du Québec va devoir se poser avant d’accorder de nouveaux permis. »
À l’heure actuelle, le Québec n’a toujours pas de loi conçue pour encadrer l’exploration et l’exploitation des énergies fossiles. Le gouvernement n’a pas non plus terminé l’évaluation environnementale stratégique du secteur.
FORAGE À GASPÉ
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